Vingt-quatre ans que les défenseurs des mothais sur le papier attendent ce jour ! Sauf improbable rebondissement ou nouveau report de la décision, le fromage de chèvre de La Mothe-Saint-Héray posé sur sa feuille de châtaignier doit enfin obtenir la précieuse appellation d’origine contrôlée. Le comité de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) doit se réunir ce jeudi 21 novembre 2024 et sa décision sera constatée après publication au Journal officiel.
« Nous sommes prêts ! » Si tout se passe bien, nous pourrions avoir l’AOC sur nos fromages dès début 2025 »se réjouit Laurent Bonneau, éleveur de chèvres à Triou, au sud de Niort, et président du syndicat de défense des mothais sur feuille depuis le départ à la retraite de Paul Georgelet. « L’AOC protège un savoir-faire, elle protège une appellation. C’est un label de notoriété qui met en valeur la production. »
« Un label qui met en valeur la production »
Si cette reconnaissance a mis autant de temps à intervenir, c’est parce qu’il a fallu établir un cahier des charges très contraignant pour réguler l’ensemble du secteur en suivant les recommandations de l’Inao.
Convaincre les éleveurs de laisser sortir leurs animaux n’a pas été chose aisée dans une région de production où le pâturage est extrêmement rare : les chèvres, qui se nourrissaient à l’origine des feuilles des arbustes, sont très sensibles aux parasites présents au sol, dans l’herbe. “C’est compliqué, c’est très technique”reconnaît Laurent Bonneau. A terme, le cahier des charges prévoit des aires d’exercice gazonnées en extérieur de 20 m2 par animal et une alimentation à base de 60% d’herbe et de fourrage.
Convaincre les producteurs industriels d’accepter le lait cru n’a pas non plus été une tâche facile. La principale entreprise concernée, Poitou Chèvre (qui appartient au géant Savencia) a demandé une dérogation pour pouvoir continuer à produire des mothais au lait pasteurisé pendant quinze ans. L’Inao doit aussi se prononcer aujourd’hui sur ce point. Lorsque l’AOC Chabichou du Poitou est passée au lait cru, la grande laiterie des Deux-Sévrienne a obtenu une dérogation de cinq ans.
« Pour que notre dossier avance, il fallait montrer des signes forts sur la gestion de l’élevageprécise le président du syndicat de la défense. Il s’agit de la charte de pâturage, de l’interdiction d’emballer [herbe fermentée dans des bottes de plastique] ou encore l’ajout de trèfle et de luzerne. »
« Un réel potentiel de développement »
Le nom régit également les races de chèvres, l’origine des céréales, l’aire géographique ou encore l’origine et la transformation des feuilles de châtaignier. Il fixe la taille, le poids et la forme des fromages.
« Les consommateurs et les citoyens doivent reconnaître les valeurs du type d’agriculture d’une AOP et ne pas confondre les fromages au moment de l’achat »insiste Frantz Jénot, directeur de la fédération caprine régionale.
Une fois l’étape de l’AOC franchie, le syndicat souhaite déposer un dossier de reconnaissance d’appellation d’origine protégée au niveau européen. Avec l’espoir de développer une production qui s’élève actuellement à 300 tonnes de mothais au lait cru par an, soit autant que celle du chabichou. Mais aussi d’augmenter le prix moyen de vente jugé trop bas, souvent inférieur à 5 euros par mothais localement pour le moment.
L’ensemble de l’industrie en bénéficierait. Elle regroupe une quinzaine de producteurs agricoles, une dizaine d’éleveurs livreurs de lait, quatre artisans transformateurs et la grande laiterie de Celles-sur-Belle du territoire. « Il y a un vrai potentiel de développement »assure Laurent Bonneau. La reconnaissance de l’AOC n’est que le début de l’aventure.
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