Au cœur de l’usine CerteTeed de Sainte-Catherine, se déroule non seulement la production habituelle de panneaux de gypse, mais également une transition éconergétique de 126 millions de dollars qui réduira à zéro les émissions de carbone générées par le processus de production. Une première absolue en Amérique du Nord, qui apporte son lot de défis.
En 2025, tous les équipements fonctionnant actuellement au gaz naturel seront remplacés par des systèmes électriques.
Il s’agit de concevoir une toute nouvelle ligne de production, dans un nouveau bâtiment adjacent à l’actuel, dont la construction sera achevée d’ici la fin de l’année. Des tests électriques auront lieu en début d’année, avec une première phase de démarrage vers le mois de mars. Il s’agira de la plus grande usine de plaques de plâtre zéro carbone au monde.
Pas moins de 160 ouvriers travaillent à l’électrification et à l’agrandissement de l’usine. Sur place, ils travaillent 125 collaborateurs qui veillent au bon déroulement de la production.
De la pierre au panneau
Une fois par mois, un bateau transporte des pierres vers les terres de CerteTeed, filiale de la multinationale française Saint-Gobain.
Stockée dans un entrepôt par camion, la pierre est ensuite acheminée vers le broyeur qui utilise des concasseurs à gaz. Là, le gypse est calciné pour former du plâtre.
« Là, nous abandonnerons le bâtiment existant, pour détourner le flux vers ce nouveau bâtiment, où nous produirons le plâtre à l’aide de nouveaux équipements qui vont s’écraser lors de la calcination du gypse », explique Patrice Bouscal, responsable du projet d’électrification chez certainTeed.
Le gypse traité et broyé est mélangé à de l’eau pour former une substance liquide qui est versée sur une chaîne de production. Le matériau est « pressé » entre deux feuilles de papier qui se déroulent pour former un long panneau.
« La ligne est en forme de « U ». On fait la forme de l’assiette, on va au bout de l’usine, on retourne et on entre dans le séchoir, explique M. Bouscal. Mais lorsque nous aurons fini de construire le nouveau séchoir électrique, la ligne changera de direction. Finalement, il tournera à droite au lieu de gauche pour revenir par le nouveau sèche-linge. Les plaques seront réparties sur 10 étages. »
La chaîne de production (Photo : Le Reflet – Denis Germain)
« Il y a une circulation d’air chaud : on sèche la feuille en trois zones jusqu’à ce que la feuille soit suffisamment sèche pour passer dans la zone finale où on peut la conditionner », poursuit-il.
Le processus de fabrication consiste donc en la création d’une longue dalle de plâtre qui est découpée puis envoyée au conditionnement.
Une sous-station a été construite spécifiquement pour abriter les lignes électriques de 25 kilovolts, en provenance de Delson, ainsi que les équipements qui alimenteront tous les systèmes électriques de l’usine et du séchoir.
Le poste (Photo : Le Reflet – Denis Germain)
À terme, l’usine sera plus productive non seulement grâce à l’agrandissement de ses installations, mais aussi parce que les équipements vieux de 50 ans seront remplacés par des technologies 30 % plus efficaces.
Construisez l’avion volant
CerteTeed doit s’assurer que ce projet massif n’affecte pas sa production ni n’entraîne de répercussions sur ses clients.
Damien Clément, directeur du chantier, reprend la métaphore bien connue de la construction d’un avion en vol. « Cela crée des défis particuliers, mais cela reste intéressant pour nous. Il faut beaucoup de coordination au quotidien. C’est un grand défi», admet-il.
« Assurer l’accès a été l’un des premiers défis auxquels nous avons dû faire face », ajoute Patrice Bouscal. Pour permettre l’accès aux opérations d’arrivée des matières premières, [malgré le chantier]. Il faut être flexible des deux côtés.”
200 conteneurs sont livrés sur le site chaque mois.
M. Clément mentionne également l’apprentissage important requis pour les opérateurs, qui doivent maîtriser une nouvelle technologie.
«Certains sont là depuis 20, 30, 40 ans et réapprennent à poser des cloisons sèches. C’est un grand défi, mais pour beaucoup, cela représente aussi un changement radical. »
-Damien Clément, directeur du site de certainTeed
Le nouvel équipement de conditionnement est déjà intégré à la ligne actuelle, afin de limiter les risques lors du passage à la nouvelle ligne.
Préparer de nouvelles gammes de maintenance et de nouveaux standards de production est un autre défi.
Ce projet d’électrification est estimé à 126 millions de dollars. «Nous avons été obligés de revoir le budget pour couvrir toute la phase de construction», explique Bouscal.
En 2022, ce virage vert était estimé à 91 millions de dollars. Aux 51 millions de dollars d’investissement privé, s’ajoutent une aide financière de 40 millions de dollars provenant du programme provincial ÉcoPerformance. Cette subvention, combinée à l’accessibilité à l’énergie propre au Québec, a permis de choisir le site Sainte-Catherine pour ce premier projet de décarbonation chez CerteTeed.
En première ligne
Même si le recours à l’hydroélectricité au Québec peut paraître évident à première vue, certainTeed demeure « très à l’avant-garde » dans son domaine, souligne le chef de l’exploitation Julien Perrier.
« A part les Norvégiens, il n’y a personne [chez les fabricants de panneaux de gypse] qui l’aura, ces zéro émission de CO2. Nous décarbonisons le processus et nous voulons le faire avant tout le monde », dit-il.
Le secteur de la construction génère 30 % des gaz à effet de serre produits dans le monde. Jusqu’à 44 000 tonnes d’émissions de carbone seront éliminées à l’usine de Sainte-Catherine.
Le panneau produit, baptisé « BasCarbone », aura 60 % de CO2 en moins qu’un panneau standard. Le pourcentage restant est lié au transport.
Perrier souligne également l’intérêt de travailler sur la circularité des matériaux, car le gypse est recyclable à l’infini. «Quand vous l’avez calciné et retiré l’eau, vous ajoutez de l’eau et refaites la roche. Vous pouvez répéter le cycle.
Des panneaux à très haute teneur en contenu recyclé sont produits en Colombie-Britannique.
« Nous examinons nos différentes usines et nous positionnons pour détecter les opportunités. Nous avons d’autres projets d’efficacité énergétique en préparation », déclare Perrier.
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