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« Il est temps d’agir concrètement »

Dans RapportsCécile Bois (Candice Renoir) incarne le rôle de Laurence Brunet-Jambu avec force et justesse. Une tante qui a fait face pendant des années à la justice et à l’aide sociale à l’enfance près de Rennes (Ille-et-Vilaine) pour sauver sa nièce Karine des violences sexuelles et physiques qu’elle subissait chez ses parents.

Avec finesse et beaucoup d’émotion, le réalisateur Eric Métayer ( Les chatouilles ) souligne les multiples dysfonctionnements d’un système défaillant, qui laisse trop longtemps les enfants dans les griffes de leurs bourreaux. Un film émouvant, révoltant, qui laisse néanmoins place à l’espoir. Dans une interview, Eric Métayer nous parle de son engagement dans ce combat administratif qui ne semble pas près de s’arrêter.

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Est-ce difficile d’adapter une histoire vraie comme celle-ci ?

Il y a eu beaucoup d’échanges avec Laurence Brunet-Jambu sur ce qu’elle a vécu. Le seul endroit où l’on a imaginé les choses dans cette histoire, c’est dans les relations de couple. Pour le reste, j’ai lu son livre, qui est explicite, et j’avais tout le dossier du procès en main. Nous ne touchons à rien là-dessus. Au contraire, j’ai choisi de supprimer une grande partie de ce dossier, car il n’est pas tenable. Je n’ai pas besoin de montrer un enfant frappé par exemple, on le comprend différemment dans l’image. Je ne voulais pas que le public abandonne, sinon il n’entendrait pas le message.

Qu’est-ce que c’est?

Il a fallu plus de 4 200 jours avant que cet enfant ne soit « libéré ». Nous disons depuis longtemps qu’il faut libérer la voix des victimes. Ils parlent maintenant. Il est désormais temps d’agir concrètement. Quand nous sommes sortis Les chatouillesla Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles contre les enfants) a été créée un an plus tard. Rien n’a changé depuis malheureusement. Les victimes ne peuvent pas faire plus. La balle est dans le camp de la justice.

Et dans celui des proches qui témoignent ?

Oui. J’ai aussi changé le sexe du professeur qui fait un reportage dans le film. J’ai demandé à un homme de le jouer parce que je voulais qu’il y ait au moins une figure masculine positive dans cette histoire. J’aurais aimé qu’il y ait beaucoup plus d’hommes qui s’impliquent dans ces combats pour la protection de l’enfance. Il y a quelques représentants d’associations mais au quotidien, je constate que ce sont surtout des femmes qui tirent la sonnette d’alarme et qui se battent.

Vous montrez également dans le film qu’il existe plusieurs formes de maltraitance…

Je voulais qu’il y ait une sorte de doute au début du film. On se dit qu’il n’y a pas de bleus sur l’enfant, qu’il n’y a aucune trace physique, alors peut-être que la tante en fait trop… Je veux faire comprendre aux gens qu’ils ont un doute, il vaut mieux parler et se tromper que de ne rien faire.

Avoir : VIDÉO. Revivez la rencontre entre Cécile Bois et Laurence Brunet-Jambu autour de « Reportages »

Le système de protection de l’enfance doit-il encore suivre le mouvement ?

Il existe de nombreuses erreurs de fonctionnement dans le système actuel. On prévient les parents que leur enfant a parlé à l’école, l’Aide à l’enfance (ASE) prévient les parents qu’ils ont des doutes avant chacune de leurs visites… Tout est à revoir. Aujourd’hui, nous passons plus de temps à douter de ce que disent les enfants qu’à vérifier ce qui se passe dans les foyers.

Y aurait-il eu Rapports s’il n’y avait pas eu Chatouilles ?

C’était un sujet qui m’intéressait déjà avant de réaliser Les chatouilles. Mais la rencontre avec Andréa Bescond m’a marqué encore plus. Dans Les chatouillesnous parlions du point de vue de la victime. Dans Rapports nous dénonçons le système défaillant. Maintenant, je veux faire une œuvre qui parle du point de vue du pédophile. Comment pouvons-nous y arriver ? Comment peuvent-ils agir en toute impunité ? Comment pouvons-nous l’éviter ?

Ce sujet de maltraitance envers les enfants vous touche-t-il personnellement ?

Un jour, ma compagne de l’époque m’a révélé qu’elle avait été violée. J’ai été choqué mais je n’ai pas réagi sur le moment. Le lendemain, je lui ai demandé si elle voulait en parler. Elle a répondu : « Tu parles de quoi ? Je n’ai jamais été violée. Ce jour-là, j’ai réalisé la force et la complexité du traumatisme. Depuis Les chatouillesbeaucoup de personnes autour de moi ont également parlé de ce qu’elles ont subi… Ce qui me met encore plus en colère quand je vois l’inaction générale sur le sujet. Il y a tellement de victimes.

Lire aussi : TÉMOIGNAGE. Karine, violée sous le toit familial par un ami de ses parents

Selon vous, que faudrait-il faire pour changer cela ?

Beaucoup de prévention au niveau de la petite enfance. Dans les écoles, à la maison. Je viens d’un milieu d’improvisation. J’adorerais que cela soit enseigné dans les collèges et lycées car, dans l’improvisation, il faut faire ressortir des émotions qui ne sont pas écrites, non préparées et qui révèlent souvent beaucoup de choses. Avec Andréa Bescond, nous avons présenté à l’État un livre qu’elle avait réalisé, dans lequel il y avait deux dessins d’enfants nus qui expliquaient concrètement quelle partie des parties intimes ne devait pas être touchée. On nous a dit qu’il était hors de question de diffuser ce genre de choses. Quelqu’un de haut placé m’a aussi dit un jour : « Nous sommes prêts à tout, pourvu que cela ne coûte rien. » Le combat sera donc encore long…

2 21h05, suivi d’un débat sur la protection de l’enfance animé par Carole Gaessler.

 
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