Après un appel téléphonique inattendu à Vladimir Poutine et un refus d’autoriser le bombardement de la Russie avec des roquettes Taurus, le chancelier allemand Olaf Scholz change-t-il ses positions anti-russes à des fins électorales ?
Le chancelier allemand, toujours discret, face à des élections anticipées qu’il devrait perdre, a fait une réapparition remarquée et inattendue sur la scène diplomatique internationale vendredi 15 novembre dernier. A 16h09, il a posté une photo qui le montre l’air sérieux et concentré dans son bureau, entouré de ses conseillers et en pleine conversation avec Vladimir Poutine, ceci après deux ans de silence radio.
L’entourage de la chancelière n’a pas tardé à souligner que rien n’avait été fait dans le dos des pays alliés : « Il s’agissait d’envoyer un signal de soutien déterminé à l’Ukraine, ce qui rendra plus difficile pour Donald Trump de mettre fin brusquement à ce soutien après son entrée en fonction. »» s’est justifié le porte-parole du SPD pour la politique étrangère, Nils Schmid.
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« La boîte de Pandore »
Malgré tout, le coup de téléphone passe mal du côté de l’Ukraine et de ses alliés. Cet appel “ouvre la boîte de Pandore”a alerté Volodymyr Zelensky dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, expliquant que cette conversation ouvre la voie à d’autres et va dans le sens de Poutine pour qui «Il est extrêmement important d’affaiblir l’isolement de la Russie».
Dimanche 17 novembre dernier, le Premier ministre polonais Donald Tusk a également exprimé son mécontentement dans un post sur X : « Personne n’arrêtera Poutine avec des appels téléphoniques. L’attaque d’hier soir, l’une des plus importantes de cette guerre, a prouvé que la diplomatie téléphonique ne peut pas remplacer un véritable soutien occidental à l’Ukraine. ».
L’action diplomatique solitaire de Scholz est également largement critiquée au niveau national. Les écologistes regrettent un débat en position de faiblesse. Quant aux conservateurs (CDU). ils accusent Scholz d’avoir proposé un « succès de la propagande » à Poutine. Le chef de la politique étrangère de la CDU, Jürgen Hardt, estime également que Scholz a mené cette interview pour des raisons de politique intérieure, afin de se présenter comme un « chancelier de la paix ».
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Le reproche est d’autant plus confirmé qu’il y a quelques jours, en marge du sommet du G20 à Rio de Janeiro, Scholz expliquait aussi qu’il resterait intraitable malgré l’autorisation donnée par Joe Biden à l’Ukraine d’utiliser des armes américaines à plus longue portée : “J’ai très clairement expliqué pourquoi je ne pense pas que la livraison des missiles de croisière Taurus soit une bonne chose”» a-t-il déclaré, estimant qu’une telle autorisation pourrait être interprétée comme une déclaration de guerre de la Russie.
Chancelier de la Paix ou opportunisme électoral ? L’activisme du chancelier intervient également une semaine après l’éclatement de sa coalition et l’annonce d’élections anticipées, le 23 février 2025. Et selon une enquête de YouGov et de l’agence de presse allemande DPA, 59 % des personnes interrogées ont approuvé l’appel à Poutine.
«En appelant Poutine, Scholz va au-delà de l’attitude hyper-prudente dont il a déjà fait preuve tout au long du conflit, notamment parce qu’il sait qu’il existe un fort mécontentement à la base. De nombreux pacifistes du parti n’ont jamais vraiment digéré qu’il n’y ait pas de débat interne sur la question.» déclare un militant du SPD berlinois qui préfère rester anonyme.
Enfin, les résultats de l’année électorale 2024 pèsent dans les choix de Scholz. L’AfD d’extrême droite et le nouveau parti populiste « conservateur de gauche » de Sahra Wagenknecht (BSW) ont en effet réalisé des scores records en exigeant une fin rapide de la guerre, quelles qu’en soient les conséquences territoriales pour l’Ukraine.
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A cet égard, il est intéressant de voir que les élections régionales du 22 septembre dans le Land de Brandebourg ont abouti à une alliance sans alternative entre le SPD et le BSW avec un préambule commun aux deux partis et qui explique en partie les inflexions d’Olaf. Scholz. «Nous prenons au sérieux les inquiétudes des citoyens concernant la prolongation de la guerre et donc le risque que l’Allemagne soit elle aussi entraînée dans une spirale de guerre qui s’accélère de plus en plus. La guerre ne peut pas être arrêtée par de nouvelles livraisons d’armes.»écrivent les dirigeants régionaux du SPD et du BSW.
Ils souhaitent s’engager à faire en sorte qu’un « Une solution diplomatique au conflit ukrainien » est trouvée – dans le but d’un cessez-le-feu et d’une paix durable ». « Dans ce contexte, nous regardons également d’un œil critique le déploiement prévu de missiles à moyenne portée et de missiles hypersoniques sur le sol allemand. » » conclut le texte qui ne correspond en rien aux positions officielles du SPD au niveau national.
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