Mettez un T-rex dans votre moteur ! Le pétrole que nous exploitons aujourd’hui s’est formé il y a plusieurs millions ou dix millions d’années. S’il est si vieux, est-il formé à partir de dinosaures ?
Sachant que 1/3 des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique sont dues à la combustion du pétrole et du gaz naturel, serions-nous confrontés à une vengeance d’outre-tombe des dinosaures, digne des pharaons d’Egypte ? ?
En réalité non, le pétrole, comme le gaz naturel, est essentiellement issu de la dégradation de micro-organismes, dont le phytoplancton.
Le pétrole et le gaz naturel sont des hydrocarbures, c’est-à-dire un ensemble de molécules riches en carbone et hydrogène. Les hydrocarbures sont des molécules appelées organique. Sur Terre, ceux-ci sont majoritairement fabriqués et présents dans les êtres vivants : protéines, glucides, lipides, ADN… mais ce sont aussi ceux issus de leur dégradation. Dans le sol, on retrouve l’accumulation de feuilles mortes dans la litière ou encore le matière organique humus dégradé. On retrouve également la matière organique sédimentaire, celle qui est enfouie dans les sédiments marins, lacustres ou delta.
Ainsi, le pétrole et le gaz naturel sont le résultat de l’enfouissement de certains types de matières organiques pendant des millions d’années. Lorsque les organismes meurent, ils tombent au fond de l’eau, s’enfouissant progressivement dans les sédiments où la température et la pression augmentent, transformant les cellules accumulées en hydrocarbures si les conditions physiques et géologiques sont réunies.
Les géologues étudient cette matière pour comprendre d’où elle vient et de quels organismes vivants elle s’est formée en étudiant des molécules spécifiques, appelées « biomarqueurs », qui sont en quelque sorte des fossiles de matière organique.
Aucun T-rex ou Diplodocus ne reste dans l’huile
L’étude des gisements pétroliers révèle plusieurs choses. Premièrement, il s’agit de dépôts océaniques, ce qui laisse déjà penser qu’ils ne contiennent pas de restes de T-rex ou de Diplodocus. Le pétrole pourrait-il contenir des restes de dinosaures marins ? En réalité, les biomarqueurs indiquent que la matière organique à l’origine de l’huile est avant tout une accumulation de micro-organismes et d’algues.
Par exemple, on retrouve dans les huiles le produit de la dégradation de la chlorophylle, indispensable à la photosynthèse des plantes et des végétaux. bactéries. Par ailleurs, les roches mères, c’est-à-dire celles contenant la matière organique à l’origine du pétrole, ont des âges allant de -15 à -550 millions d’années (voire un milliard d’années) ! À titre de comparaison, les dinosaures n’étaient présents sur Terre qu’il y a -230 à -66 millions d’années. La formation de pétrole est donc indépendante de la présence de dinosaures, voire d’animaux.
Cela dit, il est vrai que la plupart des ressources pétrolières exploitées par nos sociétés se sont formées au cours des époques du Jurassique et du Crétacé, lorsque les dinosaures parcouraient la planète. En effet, ces périodes chaudes étaient propices à l’enfouissement de grandes quantités de matière organique. Il est donc possible d’imaginer que certaines huiles contiennent des morceaux de dinosaures.
Les dinosaures ne pesaient pas très lourd
Mais, s’ils pouvaient être gigantesques, il ne faut pas oublier que, tout comme les mammifères, ils ne représentaient très certainement qu’une petite fraction de l’humanité. biomasse (la masse totale des organismes vivants). Aujourd’hui, si l’on additionne le poids de tout le carbone présent dans toute la matière vivante, les animaux dans leur ensemble représentent à peine 0,5 % de ce total. Et les mammifères, terrestres et aquatiques, ne représentent même pas… 0,05 % du total. En réalité, les insectes, les mollusques et les vers sont bien plus abondants. Et cela n’atteint en aucun cas la présence écrasante des plantes, suivies des bactéries, sur terre comme en mer.
Il est donc logique d’imaginer que l’accumulation de zoo- et phyto-plancton dépasse finalement l’accumulation de carcasses de grands animaux comme les dinosaures. Et notez que les gisements de pétrole se forment pendant les périodes chaudes de l’histoire de la Terre.
Étant donné que l’enfouissement de la matière organique dans les sédiments contribue à stocker le CO₂ hors de l’atmosphère, la formation de pétrole et de gaz naturel sur des millions d’années a contribué à refroidir la surface de la Terre, tandis que leur rejet brutal par l’homme dans l’atmosphère contribue à la réchauffer.
Par Guillaume Paris – Géochimiste, chargé de recherche CNRS au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, Université de Lorraine
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