Un an après un mouvement historique, la mobilisation des agriculteurs reprend en France lundi 18 novembre. En question? Signature de l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Mais au-delà du consensus contre cet accord jugé injuste pour la production française, les revendications des acteurs de la filière sont multiples et diffèrent selon les filières et les régions agricoles du pays.
Moins d’un an après la mobilisation historique des agriculteurs français, qui a provoqué des blocages d’autoroutes, les syndicats agricoles appellent leurs adhérents à manifester à nouveau. Ce lundi 18 novembre, plusieurs rassemblements auront lieu à travers le pays. Dans le viseur du secteur agricole ? La signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et les pays du Mercosur qui pourrait avoir lieu lors du sommet du G20.
LIRE AUSSI : Mercosur : l’Union européenne sacrifie l’agriculture française pour sauver l’industrie allemande
Si l’ensemble du secteur agricole s’unit pour manifester son opposition à ce traité en discussion depuis 20 ans, symbole d’une concurrence déloyale à l’égard de la production française, les revendications soulevées l’an dernier lors des manifestations n’ont pas disparu des radars. Et ce ne sont pas les aides d’urgence et les annonces gouvernementales d’il y a quelques mois qui ont permis d’apaiser une colère très profonde. Les agriculteurs dénoncent toujours la bureaucratie et les faibles revenus. Mais ces derniers sont également dépassés par les mauvaises récoltes et les pertes liées aux maladies animales émergentes.
« Pour nous, l’objectif est de faire pression sur les pouvoirs publics pour que nos revendications sur la dignité de notre métier, sur la question des revenus, sur la question de la simplification de notre quotidien et enfin sur la promotion de la souveraineté alimentaire soient entendues. », a expliqué le patron de la FNSEA Arnaud Rousseau lors d’une conférence de presse, mercredi 13 novembre, qui a lancé le début de la mobilisation prévue « jusqu’à mi-décembre ».
LIRE AUSSI : « C’est le dernier parti léniniste » : comment la FNSEA a étendu son influence sur le monde agricole
Mais même si les agriculteurs ne constituent pas un groupe homogène, les besoins des différentes filières agricoles sont-ils les mêmes selon les métiers ? Les producteurs laitiers ne demandent pas nécessairement les mêmes choses que les vignerons. Et les griefs diffèrent également selon les régions. ” En Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine le niveau de colère est plus élevé. La situation la plus tendue », a notamment reconnu Arnaud Rousseau dans son discours. Faisons le point sur les principaux secteurs mobilisés ces derniers mois.
Éleveurs de moutons et de bovins
De nombreuses maladies animales touchent actuellement les élevages français. Depuis août, les agriculteurs sont particulièrement touchés par la fièvre catarrhale (BFT), une maladie virale transmise par un moucheron. Après être apparue dans le nord de la France, elle s’est répandue très rapidement sur tout le territoire au point qu’on comptait fin octobre plus de 7 000 foyers sur notre territoire. Avec une inquiétude : le virus affecte la fertilité des brebis et des béliers. De quoi menacer la reproduction et les revenus à long terme des agriculteurs. La maladie touche également les bovins dans une moindre mesure, ce qui pourrait entraîner une réduction de la production laitière.
LIRE AUSSI : Agriculture : comment l’accord UE Mercosur risque de peser sur les agriculteurs français
L’impact de cette maladie ne sera connu qu’à partir de l’année prochaine si l’on prend en compte la période de gestation des animaux, mais les agriculteurs s’inquiètent déjà d’une perte d’activité. Si l’achat des vaccins a déjà été pris en charge par l’Etat avec une commande de 11,7 millions de doses – alors que 2 millions de vaccins supplémentaires devront être commandés par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard -, les agriculteurs ne sont pour l’instant indemnisés que pour leurs animaux morts (330 euros par mouton) et attendent que leur déficit soit également compensé. D’autres craintes agitent les agriculteurs français : les maladies hémorragiques épizootiques et la grippe aviaire.
Producteurs de lait
Ils devraient également rejoindre les rangs de la mobilisation actuelle. Certains producteurs de lait se sont même mobilisés mercredi 13 novembre devant la préfecture de la Haute-Marne suite à un appel de la fédération départementale des producteurs de lait. En question? Annonce de Lactalis de réduire le volume de lait collecté de près de 9 % en France d’ici 2030 – soit 450 millions de litres de lait collectés en moins chaque année en France –, avec pour objectif de « mieux vaut payer par tonne de lait « . Un coup dur pour les agriculteurs, notamment dans le sud des Pays de la Loire et dans l’est de la France.
Mi-février, l’Association des producteurs de lait indépendants (APLI) a manifesté devant l’Assemblée nationale pour alerter les élus « sur la situation dramatique des producteurs de lait en France « . A cette occasion, les agriculteurs ont demandé une régulation du marché pour un ” bon prix ” lait. Le président de l’APLI Adrien Lefèvre avait également dénoncé” les réponses du gouvernement passent à côté de l’essentiel » quelques semaines avant la mobilisation paysanne… Mais dans le même mouvement il considérait aussi que les revendications de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA) étaient « vraiment trop technique “, avec des propositions trop ciblées ” réduction des charges et des contraintes ».
Les vignerons
Même les vignerons en colère passent à l’action. En Gironde, une trentaine de vignerons en grande difficulté se sont rassemblés jeudi 14 novembre devant le siège du syndicat des vins de Bordeaux et de Bordeaux Supérieur à l’appel du collectif « Viti 33 ». Une action qui s’inscrit dans les mobilisations déjà en cours contre le commerce et la grande distribution.
Cette fois, ce sont les viticulteurs les plus touchés par la crise qui ont pris pour cible leur propre syndicat, maison mère des appellations bordelaises, d’une manière inédite. De nombreux viticulteurs vont se mobiliser en Occitanie, région touchée par les aléas climatiques qui ont fortement impacté les vendanges.
LIRE AUSSI : A Bordeaux, crise sans fin pour les vignerons
Depuis la rentrée de septembre, les vignerons des filières Cognac et Armagnac ont également été particulièrement mobilisés. Et pour cause, ces derniers se retrouvent sous le feu de Bruxelles et Pékin, menacés par de nouvelles taxes chinoises, dont les droits supplémentaires pourraient augmenter de 34,8 % dans les prochains mois. Lors d’une manifestation en Charente le 16 septembre, plus de 1 500 représentants de la filière se sont mobilisés suite à un appel de l’Union générale des vignerons de Cognac AOC (UGVC) pour réclamer de nouvelles négociations.
Producteurs de céréales
Pour l’industrie céréalière française, l’année écoulée a été catastrophique… enregistrant même la pire récolte de blé des 40 dernières années. L’effondrement est particulièrement significatif dans le Sud-Ouest – encore une fois – où certains secteurs atteignent des valeurs comprises entre moins 30 et jusqu’à moins 48% selon les estimations d’Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture. Les intempéries enregistrées récemment n’ont pas aidé les récoltes d’automne et la préparation des semis de l’année prochaine… alors que de nombreux opérateurs du secteur déclarent travailler déjà à perte.
Car la production mondiale se maintient en termes de volumes en 2024. De quoi alimenter les bas prix du blé – autour de 200 euros la tonne. Les producteurs céréaliers français sont donc contraints d’écouler leur production, incapables de trouver des acheteurs à un prix avantageux… Et cela se reflète dans leur trésorerie, avec une baisse de chiffre d’affaires sans précédent.
Face à ces récoltes désastreuses, les agriculteurs demandent depuis la rentrée la possibilité de contracter des prêts garantis par l’État pour continuer à exercer leur activité.
Apiculteurs
Les apiculteurs se joignent à l’ensemble du secteur agricole en colère. Ce vendredi 15 novembre, des apiculteurs de toute la région PACA ont bloqué l’entrée des locaux de l’Office national des forêts (ONF) à Aix-en-Provence avec des ruches. Ils accusent une réglementation injuste concernant l’installation de leurs ruches en zone forestière.
Le président de la commission apicole de la FNSEA Éric Lelong a dénoncé une convention qui « tuer un apiculteur professionnel au milieu d’une forêt domaniale » et notamment le fait de « imposer des règles de densité » – c’est-à-dire le nombre de ruches par emplacement et distances. Réchauffement climatique, arrivée du frelon asiatique… Le contexte apicole complique déjà le fonctionnement des ruchers.
LIRE AUSSI : Lait bio : pourquoi le secteur est en crise (et comment s’en sortir)
Producteurs biologiques
L’accord de libre-échange contre le Mercosur pourrait-il pousser le secteur bio, en crise, à se mobiliser avec force ? A l’issue de la large mobilisation du secteur agricole en janvier dernier, la Fédération de l’agriculture biologique (Fnab) a appelé à manifester devant l’Assemblée nationale, estimant que l’agriculture biologique avait été « abandonné par le gouvernement « . Lors des appels d’offres qui ont permis de lever les barrières des agriculteurs, la principale association représentative du secteur a constaté que Gabriel Attal n’avait pas pris en compte les demandes des producteurs bio.
« Les agriculteurs biologiques se sentent exclus des négociations. Si les demandes d’un plan d’urgence biologique étaient incluses dans les réclamations, les produits biologiques n’étaient pas défendus à la hauteur de leurs pertes réelles. », a rapporté la Fnab.
Related News :