La France a un peu de pétrole dans son sol : elle produit 1% de sa consommation. Deux nouveaux projets de forage sont en préparation, mais tous deux se heurtent à une forte opposition locale.
La première, la plus avancée, se trouve en campagne, à Nonville, en Seine-et-Marne, à 80 km de Paris. Il y a là quelques citernes et un puits de production en déclin. On le repère grâce à l’assemblage de vannes et de canalisations vertes dépassant du sol. « Aujourd’hui, le puits produit environ 50 à 60 barils par jour, indique Philippe Pont, le président de la société Brigde Energies, qui exploite ce petit gisement depuis 2012. Ceci bien, nous produisions initialement 85 barils par jour, nous allons donc forer deux puits supplémentaires. Pour compenser cette perte de production, et aussi parce que nous avons l’autorisation de le produire jusqu’en 2040. »
Car à partir de 2040, l’exploitation du pétrole et du gaz sera interdite sur le sol français. C’est la limite fixée par la loi Hulot, votée en 2017. D’ici là, Philippe Pont compte amortir son investissement initial de 12 millions d’euros pour les trois premiers puits qu’il a forés sur le site. Avec la baisse de la production, “l’activité n’est pas rentable”dit-il. Elle prévoit un investissement de 13 millions d’euros pour les deux nouveaux puits. Le site fait vivre 3 salariés et près de 25 emplois indirects.
« Le pétrole français est produit notamment avec de l’énergie décarbonée, défend le président de l’entreprise. Cette pompe est entièrement électrique. Or, quand on amène du pétrole d’Arabie Saoudite ou d’Irak, les gros navires polluent. Et aujourd’hui, nous avons un impact carbone deux à trois fois moindre que celui du pétrole importé. Alors tant qu’on le consomme, pourquoi ne pas le produire en France ?
L’entreprise a obtenu l’autorisation de l’Etat pour ces deux nouveaux forages, par arrêté de la préfecture de Seine-et-Marne. Mais plusieurs associations et communes réclament l’annulation de cette autorisation, notamment pour protéger la ressource en eau, car l’exploitation pétrolière est située dans un bassin versant, sensible à la pollution. Mais pour aller chercher ce pétrole à 1 500 mètres de profondeur, la société devra traverser une nappe phréatique qui alimente les robinets des habitants de plusieurs communes autour de Nonville et d’une partie de Paris. Près de 25 millions de litres d’eau y sont puisés chaque jour.
«C’est un désastre écologique potentiel., estime Dan Lert, président de la régie Eau de Paris et adjoint écologiste à la maire de Paris. SS’il y avait pollution de la nappe phréatique, soit au moment du forage, soit au moment de l’exploitation de ces nouveaux puits de pétrole par déversement d’hydrocarbures, cela condamnerait l’utilisation des sources d’eau potable qui alimentent 180 000 personnes.
Un risque selon lui trop élevé « pour une production dérisoire de pétrole : c’est l’équivalent d’une station service à Paris et c’est ce qui est stupéfiant dans cette décision. Il faut protéger l’eau plutôt que le pétrole”, il plaide. Mais “le risque est quasi nul”, répond le patron de Bridge Energies. Il souligne que 24 puits ont déjà été forés sur le gisement depuis 1959, sans contaminer ces eaux. L’entreprise promet toutefois de ne pas démarrer les forages avant la décision du tribunal administratif de Melun, attendue l’année prochaine.
Un deuxième projet de nouveaux forages suscite tout autant de polémiques, dans le bassin d’Arcachon, en Gironde. La société canadienne Vermilion Energy souhaite y forer jusqu’à huit nouveaux puits. Sa demande d’autorisation est actuellement en cours de traitement. Le projet a reçu un avis favorable après enquête publique, et c’est désormais à l’État de trancher, via la préfecture de la Gironde. L’entreprise, premier producteur pétrolier de France, ne souhaite pas faire de commentaire en attendant la décision.
Les opposants veulent bloquer le projet. Natalie Hervé, l’une des porte-parole du collectif « Stop Pétrole Bassin d’Arcachon », s’appuie sur les engagements de l’État : « Si nous ne pouvons pas arrêter huit nouveaux puits de pétrole, comment pouvons-nous espérer entamer une transition énergétique ? » se demande-t-elle. Nous ne disons pas « stop au pétrole demain », nous disons simplement : « pas de nouveaux projets, ni ailleurs ni ici ». Symboliquement, c’est un signe très fort pour dire « stop ». Montrons-le au moins en France, car nous devons être la première nation à sortir des énergies fossiles.» Car c’est l’objectif fixé par le président Emmanuel Macron en 2022.
L’exécutif se retrouve donc face à cette épineuse question : est-il vraiment raisonnable de forer ces nouveaux puits ? Il doit tout peser dans sa balance, avec d’un côté la loi, qui autorise toujours de nouveaux forages sur des gisements déjà en exploitation. De l’autre, la nécessité de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. C’est l’une des priorités affichées par la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher. Son bureau assure à franceinfo qu’elle « préférerait que ce projet girondin ne soit pas réalisé« Mais la décision sensible sera prise avec Matignon et Bercy à la fin de l’année, ou au début de l’année prochaine. La position interministérielle sera ensuite transmise à la préfecture de la Gironde.
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