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le regard de la foule

Il y a quelques semaines, j’ai assisté à un spectacle étonnant : un homme seul sur scène racontant « La Longue Route » de Bernard Moitessier. Un tour du monde à la voile dans un théâtre. Une prouesse signée Thierry Lavat, et je me demande, aujourd’hui, si cet acteur-auteur serait capable d’inventer une pièce de théâtre sur le Vendée Globe 2024.

Mais Moitessier admirait les coureurs au large et était fasciné par les capacités techniques de leurs voiliers. Mais c’était l’époque dont il se méfiait. Celle qui nous incite à aller toujours plus vite, à toujours faire « mieux », coûte que coûte. Lui qui écrit « quelque chose m’élève au-dessus de moi, j’entends chanter la mer, le vent, le soleil, l’arc-en-ciel de l’étrave, les longs cheveux phosphorescents du sillage parsemé d’étoiles où le cul des ports devient prince de l’horizon dans un une liberté qu’aucun argent ne pourra jamais acheter.

Dans une course comme le Vendée Globe, la liberté est relative : il y a des sponsors à satisfaire, des médias à faire plaisir… Un poids énorme, qui ajoute à la difficulté de naviguer dans des machines dopées aux foils, aux mouvements si violents que beaucoup y vivent casqués. On est loin du Joshua de Moitessier, compromis idéal entre le coffre-fort et le sous-marin, qui naviguait à 4,65 nœuds de moyenne… Il cherchait à « oublier totalement la Terre, ses villes impitoyables, ses foules indifférentes et sa soif d’un rythme insensé de existence.”

Aujourd’hui, un concurrent du Vendée Globe est connecté au monde via les satellites et les réseaux sociaux. La solitude de Moitessier est un luxe qui lui est interdit. Et ça, il ne veut sans doute pas : il a quitté les Sables-d’Olonne applaudi par la foule, il espère la retrouver à son retour. Et elle le regarde.

 
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