News Day FR

J. Godineau, premier céréalier en Europe à tester la pulvérisation ciblée

Ne pensez pas que José Godineau est un passionné de matériel. “Tenir le volant d’une machine ne m’intéresse pas, ça n’a aucun intérêt.” Vous ne le verrez pas jouer à Farm Simulator, il a mieux à faire. « La technique n’est intéressante que si l’on part de l’agronomie », professe le céréalier de Saint-Macaire-du-Bois (Maine-et-Loire).

Avec son frère Tony, il est à la tête d’une exploitation agricole de 570 hectares, l’EARL du Brignon, mais aussi d’une structure commerciale et d’une entreprise de travaux agricoles. Ce qui l’anime depuis 34 ans qu’il est ici, c’est de trouver des solutions pour répondre aux problèmes afin deaméliorer vos pratiques.

Dès le début des années 90, il installe le téléinflation sur son tracteur et son épandeur de compost pour réduire les compactage du sol. A l’époque, il s’inspirait du système véhicule Paris-Dakar. Il l’avait bricolé lui-même, avec un compresseur de réfrigérateur dans le tracteur. « Aujourd’hui, aucune machine n’entre dans mes parcelles à plus d’un bar de pression », argumente l’agriculteur de 56 ans.

En 1992, il fabrique une trémie frontale pour placer la réserve de grains à l’avant et faire office de contrepoids. « Kuhn est venu me voir 5 ou 6 ans plus tard, ils ont alors fabriqué leur TF 702 ». Il travaille depuis trente ans auprès des stations de recherche et des bureaux d’études des constructeurs. « Au fil du temps, j’ai construit un réseau et lorsque j’ai une idée ou un besoin, je peux trouver des réponses pour avancer. »

Tuyères PWM, premier étage de la fusée

C’est ainsi qu’il fut le premier à tester de nouvelles technologies de pulvérisation avec la société Berthoud, d’abord les buses PWM en 2017 (modulation de dose), puis les « pulvérisation localisée » (pulvérisations localisées) deux ans plus tard.

Le PWM, ou Pulse width modulation, permet de moduler la quantité de produit pulvérisé sans modifier la pression de pulvérisation. Il s’agit de contrôler l’ouverture et la fermeture des buses à une fréquence extrêmement élevée, dix à trente fois par seconde. En ajustant la durée d’ouverture et de fermeture, le débit est contrôlé, ce qui permet une application uniforme du désherbant, quelle que soit la vitesse d’avancement du pulvérisateur. Plus besoin de rester à vitesse constante, le jet s’adapte et la couverture est uniforme.

« Entre 10 et 18 km/h, la pression et le débit ne changent pas, la buse PWM compense la variation de débit pour respecter le litre par hectare et la pression. Si je réduis ma vitesse, au lieu de réduire la pression, le PWM diminue le débit » explique José Godineau. « Pour moi le principal avantage du PWM était de choisir ma pression de fonctionnement, c’est-à-dire la taille des gouttelettes indépendamment de ma vitesse d’avancement qui varie entre 10 et 18 km/h », explique l’agriculteur, qui se dit « hyper exigeant sur la taille des gouttelettes ».

Résultat de ces buses pulsées sur les parcelles de l’EARL du Brignon : « Un qualité de pulvérisation sûre et un débit de construction plus élevé ».

70 % d’économies de produits

La PWM était la condition préalable pour passer à des pulvérisations localisées. Depuis 2019, José Godineau teste le prototype de ce système développé conjointement par Berthoud et la start-up Carbon bee. Onze caméras (RVB, infrarouge et hyperspectrale) sont installées sur son engin automoteur, une à l’avant de l’engin et dix le long de la rampe de trente mètres. Leur travail consiste à scanner la végétation.

L’intelligence artificielle identifie les mauvaises herbes, analyse leur taille pour n’appliquer du désherbant que sur les mauvaises herbes. Pour que cela fonctionne, il faut une rampe stable de 50 cm de hauteur, mais il faut surtout un reconnaissance des planteset pour cela, tout doit être construit. Le vert sur le marron (plante sur terre) est facile à identifier. Vert sur vert est plus difficile, il faut une signature spectrale très précise. C’est ce qu’est Carbon bee.

« Au début, nous allions sur le liseron et le chardonpar exemple, nous avions un programme spécifique pour le liseron dans le maïs », se souvient l’agriculteur. A chaque passage, il envoie ses données à Carbon bee. Les données s’accumulent, ce qui permet au modèle de s’améliorer, c’est ce qu’on appelle le deep learning. Parallèlement, la start-up drômoise développe un programme de désherbage du maïs où le spray cible tout ce qui n’est pas du maïs. Il existe aujourd’hui une quinzaine de modèles différents, José Godineau en utilise douze : tournesol, soja, blé etc.

Les gains peuvent être considérables, de 25% à 80% d’économies sur les phytoproduits« elle est proportionnelle à l’enherbement de la parcelle » avec une moyenne autour de 60 à 70 %. La sensibilité du modèle peut être ajustée en fonction de la quantité de produit que vous souhaitez appliquer. “Si je ne veux pas prendre de risque, j’utilise la sensibilité maximale.” Pour le désherbage des chaumes de blé au glyphosate, l’économie est de 80 %.

Aujourd’hui, le modèle fonctionne et est bien plus réactif qu’au départ, « les caméras de dernière génération ont atteint un nouveau niveau », constate José Godineau, elles seraient fiables même à pleine vitesse, jusqu’à 40 km/h. De toute façon, le spray n’avance pas aussi vite.

Comment remplir son réservoir ?

Mais comment remplir son réservoir de pulvérisation quand on ne sait pas de quelle quantité de produit il aura besoin ? Le céréalier de Saumur a la chance de disposer de 1 500 hectares d’assolement, car il traite également les parcelles de ses voisins. « Au final, s’il me reste vingt hectares à faire, je regarde le gain moyen sur les remplissages précédents et j’emporte avec moi un peu de produit au cas où j’en manquerais, et inversement si j’en ai trop, je traite le dernier hectare au complet.

Pour les petites exploitations, c’est sans doute plus difficile ; il faudra apprendre à réajuster la quantité de mélange à préparer en fonction de la surface réellement à traiter. José Godineau suggère de moderniser le Dosatron, ce système qui permet d’ajouter automatiquement du produit directement dans l’eau de pulvérisation.

Reste cependant une question épineuse, celle de retour sur investissement d’un tel équipement. Sera-t-il réservé aux fermes géantes ? « Un tel système commence à être rentable à partir d’une rotation de 500 à 600 hectares », estime le céréalier. Sa pulvérisation traite environ 1 500 hectares, son retour sur investissement s’effectue sur « environ quatre à six ans ».

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :