Des débris partout, des vitres des résidences voisines explosées, des voitures écrasées par des parpaings, un immeuble vidé. Cette scène de chaos, qu’il a vue sur Internet un mois après tout le monde, se joue dans la tête de Rodrigue Landeau, 57 ans. « Comme si un missile était tombé du ciel », murmure-t-il. Je me demande comment je suis encore en vie. » Il est la seule victime physique de l’explosion de la résidence Les Vignes pourpres survenue à Puilboreau, près de La Rochelle, dans la nuit du 7 au 8 mai dernier. A 4h30 du matin, une explosion venant de son appartement au troisième étage anéantit le bâtiment A et ses 31 logements sociaux. Miraculeusement, à part Rodrigue Landeau, il n’y a aucun blessé. A Niort (79), le quinquagénaire est en reconstruction dans un centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle où il a été admis le 6 août.
Amputé sur place de la jambe droite et brûlé 20 % de son corps, il a été placé dans le coma puis en réanimation à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux. En convalescence à Niort, il fouille dans sa mémoire. Il dit qu’il ne se souvient de rien. Ni de l’explosion, ni des jours précédents. Un trou noir. Amnésie partielle probablement due au choc. Il sait que ses souvenirs sont essentiels à sa défense. Si Rodrigue Landeau est victime, il est aussi prévenu. En septembre, il a reçu une citation pour le 14 mai 2025 du tribunal judiciaire de La Rochelle pour répondre des dommages et blessures involontaires en ouvrant volontairement le robinet de gaz d’un appartement en vue de se suicider par asphyxie. « C’est une accusation très grave, ça me touche aux tripes. J’ai eu des crises de blues comme tout le monde, mais je n’ai jamais attenté à ma vie. Je vis très mal ce dont on me reproche. »
Des contrevérités
Rodrigue Landeau est l’un des premiers locataires des Vignes pourpres, résidence livrée en 2016. Il a toujours habité l’appartement A, d’une superficie de 31,45 mètres carrés avec balcon. Il s’y installe seul et exerce de petits boulots intérimaires. Il y a quatre ans, il a noué une relation avec un locataire des étages inférieurs. « J’étais heureux, on peut vous le dire. J’avais entamé une reconversion professionnelle dans l’horticulture. J’aime beaucoup les fleurs. »
Mais les expertises, les auditions et son amnésie jouent en sa défaveur. Une consommation très importante de gaz exclusivement dans son appartement a été constatée. Cela exclut l’oubli. « J’ai toujours été prudent. » Lorsque les secours arrivent, Rodrigue Landeau est conscient. Selon un pompier, il aurait voulu se suicider. Aux policiers venus également l’interroger mi-juillet, il a répondu « peut-être » lorsqu’on lui a demandé s’il souhaitait mettre fin à ses jours. «Je prenais des médicaments, je me défonçais. J’avais envie d’être calme, je me sentais attaqué par leurs questions. Ce sont eux qui m’ont mis ça dans la tête. Je ne suis pas déprimé, je suis apprécié par le quartier. Et pourtant, si j’avais voulu me suicider, je ne l’aurais pas fait comme ça. Au premier étage, il y avait un couple avec un bébé de 6 mois. J’étais soldat, je connais la valeur de la vie. »
« Un manque d’entretien » ?
Selon lui, c’est vers le bailleur Domofrance qu’il faut se tourner. En 2018, il a arrêté de payer son loyer à cause d’une infiltration d’eau. “Domofrance avait été condamnée à lui verser 1 500 euros de dommages et intérêts”, rappelle l’avocat de Rodrigue Landeau, Me Alexandra Baslé. Pour elle, cette piste est à explorer. « Cela prouve le manque d’entretien. » Son client, menuisier de formation, affirme que la résidence avait « très mal vieilli. C’était édifiant. Domofrance aurait dû se retourner contre le constructeur. Les locataires avaient déjà senti une odeur de gaz auparavant. Je pense qu’un tuyau a éclaté dans la nuit, des tuyaux de 12-13 millimètres, ça coule à plein débit. L’explosion s’est apparemment produite lorsque j’ai appuyé sur l’interrupteur. Mais ce ne sont que des suppositions. J’aimerais vraiment me souvenir… »
M.e Baslé attend toujours d’avoir accès au dossier. “Une instruction aurait été plus appropriée, on aurait au moins eu toutes les contradictions”, a-t-elle déclaré. Elle envisage de demander des informations supplémentaires. Rodrigue Landeau n’a gardé contact qu’avec sa compagne, qui sera aux côtés des victimes traumatisées lors du procès. « L’enquête a été très courte. Il y a trop de zones grises. J’ai hâte d’aller au tribunal pour m’expliquer. Les gens sont en colère contre moi à cause de mon éclat. Je suis comme Erin Brockovich. Je suis seul contre tout le monde. »
Contactée, Domofrance a répondu qu’elle ne souhaitait pas s’exprimer “en amont de la décision du tribunal correctionnel”.
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