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puisque le football est politique – Ligue des Nations – J5 – -Israël (0-0)

Quel bruit peuvent faire 16 611 spectateurs dans un stade qui peut en accueillir cinq fois plus ? De quoi huer avec la même intensité l’hymne israélien, l’entrée en jeu du néo-Marseillais Adrien Rabiot ou la contre-performance des Bleus. De quoi pousser également aux quatre coins des tribunes des chants de soutien aux otages en captivité depuis le 7 octobre 2023 ou contre le Hamas. Une échauffourée a certes éclaté porte N peu avant la pause, dans l’un des secteurs où les supporters étaient (étrangement) mélangés, mais c’est tout ce qui a ébranlé ce -Israël qui avait suscité tant de crainte. C’est tant mieux quelque part, mais ce climat d’anxiété dans un stade aux allures de bunker ne devrait jamais être le décor d’un match de football.

La Résistance loin du stade

Cela n’aurait jamais dû avoir lieu, selon l’opinion de quelques centaines de personnes rassemblées le même jour à 18 heures au métro Front Populaire. C’est ici, sous les fenêtres de ce qui fut le siège de Paris 2024 et à deux kilomètres de l’enceinte dionysiaque, qu’a été organisée une mobilisation autour du collectif Urgence Palestine. Les autorités ne les laissent pas s’approcher. Ces militants qui descendent dans la rue depuis des mois pour dénoncer les massacres en cours à Gaza arrivent aujourd’hui « dénoncer les doubles standards » qui voit « Des Russes exclus de toutes les compétitions internationales et Israël qui est toujours intégré à la FIFA et à l’UEFA, dans une forme d’impunité insupportable ». Les discours déclamés au micro visent des dirigeants politiques français qui ont confirmé leur présence à la tribune, après avoir permis la tenue la veille d’un gala à l’association d’extrême droite Israel is Forever en soutien à l’armée israélienne auquel Bezalel était convié. Smotrich, le ministre suprémaciste des Finances du gouvernement Netanyahu.

Être 20 000 spectateurs au lieu de 80 000, c’est déjà de la résistance.

Fatma

C’est ça « schizophrénie de l’État français » ce que déteste Éric Coquerel, député local LFI. « Même en admettant que nous ne boycottons pas le match parce que le règlement de l’UEFA nous y oblige, compte tenu de la situation actuelle avec un État qui commet un génocide à Gaza, qui colonise la Cisjordanie, qui bombarde le Liban, cela aurait pu arriver en un stade désert »développe l’élu au milieu des banderoles et des drapeaux. Fatma, une pancarte au bout des doigts, interpelle directement les joueurs de l’équipe de France. “Ils n’ont pas eu le courage de faire preuve de solidarité avec les 450 athlètes morts à Gaza» vitupère le sexagénaire. Je ne comprends pas comment on peut avoir peur pour sa carrière alors que des milliers de personnes sont tuées. » Pour se consoler, de ce côté de l’A86, on préfère retenir l’absentéisme du public pour l’affiche du soir. « Heureusement, les Français, y compris les fans de football, sont plus intelligents que ceux qui prétendent parler en leur nom. »reassures Éric Coquerel. « Etre 20 000 spectateurs au lieu de 80 000, c’est déjà de la résistance »ajoute Fatma.

Un forum d’expression

Le chemin vers le stade sera aussi le chemin vers la dépression. Au lieu de l’afflux habituel de supporters maquillés et d’animations bon enfant, les artères de Saint-Denis sont plongées dans un silence réservé aux nuits d’automne, que seules les cohortes de fourgons CRS troublent. Derrière les lignes de sécurité, après les palpations, certains ont tenté l’aventure, quitte à fermer les yeux sur la situation. « C’est dommage de mélanger ainsi sport et politique, on est venu voir un match de foot» a déclaré Anthony, venu de Lille avec sa casquette tricolore. Je pense que les joueurs israéliens n’ont rien à voir avec ce qui se passe actuellement. » Gabriel est originaire de Lyon et était surtout motivé par l’idée de revenir au Stade de France 17 mois plus tard. « Je suis souvent à tour de rôle avec les Irrésistibles Français. L’idée était de se retrouver entre amis au SDF, mais c’est la première fois qu’il y aura une si petite participation… » Lui aussi n’avait aucune idée de tourner les talons. « J’ai regardé autour de moi pour savoir qui venait ou qui ne venait pas, mais vu le contexte, la majorité est restée chez elle.se lamente-t-il. Moi, plus le match se rapprochait, moins j’avais envie de venir. » Fabrice, un autre membre de l’IF, a lui aussi eu du mal à vaincre ses réticences : « Je suis pompier donc on garde toujours à l’esprit que quelque chose pourrait arriver. »

J’ai un frère qui est en Israël qui a très peur pour nous, nos parents sont paniqués mais je refuse de ne rien faire parce que nous sommes juifs.

Johanna

Cette rencontre a finalement été surtout honorée par les partisans d’Israël. Si quelques dizaines étaient garées à travers l’Etat hébreu, la communauté juive de France a déployé des centaines de drapeaux à étoile de David dans les autres stands. Jonathan et Johanna sont venus en famille et ont caché les leurs sous le manteau pendant le voyage. « Nous voulons voir un grand match et nous amuser. En tant que supporter parisien j’espère voir Kolo Muani marquer un but » dit le père, relayé par sa femme : « On a déjà fait Israël-Japon lors des JO de Nantes et ça s’est super bien passé. Cette fois les enfants ont voulu découvrir le Stade de France. J’ai un frère qui est en Israël qui a très peur pour nous, malgré tout ce qui va se passer là-bas, nos parents sont paniqués mais je refuse de ne rien faire parce que nous sommes juifs. Si les gens veulent manifester, c’est leur droit, mais il ne faut pas tout mélanger : c’est censé être un moment de plaisir, pas d’angoisse. »

C’est sûrement pour exorciser cette angoisse que Dan s’est habillé de la tête aux pieds aux couleurs israéliennes. « Nous sommes surtout là pour montrer que nous n’avons pas peurproclame-t-il parmi ses amis. Nous sommes venus de Sarcelles, nous avons pris le RER, nous ne nous sommes pas cachés et nous n’avons eu aucun problème. Je suis déjà super content que ce ne soit pas un huis clos, ça montre que la France ne baisse pas la tête. » Au confluent, il y a Christophe, drapeau français à la main, foulard israélien autour du cou :« Nous sommes venus voir un match de football. Cela doit se faire avec tolérance, bienveillance et bonne humeur. Je ne suis ni pro-israélien ni pro-palestinien, je souhaite juste que les pouvoirs publics fassent quelque chose pour les peuples palestinien, israélien et libanais. Cela dure depuis trop longtemps. » 90 minutes plus tard, tout le monde rentrera dans son coin en étant d’accord sur une chose : ce match n’aura pas changé la face du monde.

France-Israël est officiellement la plus faible affluence de l’histoire du Stade de France

Comments collected by Clément Gavard, Thomas Morlec and Mathieu Rollinger.

 
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