Donald Trump va-t-il abandonner l’Ukraine ? Durant sa campagne, le candidat républicain a multiplié les critiques sur les milliards de dollars d’aide militaire et financière versés à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Difficile dans ces conditions de ne pas lire sa promesse de mettre fin à la guerre. “dans vingt-quatre heures” comme une perspective de lâcher prise dès son investiture en janvier.
Impossible également d’ignorer la vidéo republiée dimanche sur Instagram par Donald Jr., le fils aîné du futur président, montrant un Zelensky mécontent sous cette légende moqueuse : « Point de vue (point de vue, NDLR) : vous êtes à trente-huit jours de perdre vos allocations. »
Cette perspective suffit à alarmer Kyiv. Depuis les premiers mois de l’invasion russe, la Russie n’a jamais avancé aussi vite sur le champ de bataille, bouleversant dans le Donbass les lignes de défense d’une armée ukrainienne qui manque d’hommes et peine à stabiliser la situation. Si le retrait ukrainien se déroule de manière plus ou moins ordonnée, et inflige de lourdes pertes à la Russie, la dynamique n’en est pas moins sombre pour l’Ukraine. «Avec la détérioration de la situation politique, les Russes savent qu’ils disposent d’une fenêtre d’opportunité pour forcer l’Ukraine à négocier.» dit sur X Vincent Tourret, spécialiste de la doctrine militaire russe. C’est aussi pour cela que leurs pertes sont si élevées : ils ont accéléré le rythme de leurs assauts. »
Carottes et bâtons
En attendant le retour de Donald Trump aux affaires, l’Ukraine compte sur l’administration Biden pour lui envoyer au plus vite jusqu’à 6 milliards de dollars de matériel militaire, reliquat du gigantesque plan d’aide adopté en avril par le Congrès américain. Et après ? Mystère. Pour Kiev, l’hiver prochain se présente comme une équation à trois inconnues : la résolution des Européens à prendre le relais ; la manière dont les Américains entendent amener l’Ukraine à négocier ; et le succès ou non de ces négociations.
Les Européens ont fourni un soutien financier considérable à l’Ukraine depuis le début de l’invasion, mais sont à la traîne en matière d’aide militaire. «Le problème n’est pas la capacité industrielle de l’Europe, mais la volonté de financerestime Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Institut français des relations internationales. Je vois qu’on aurait pu faire beaucoup mieux en trois ans. L’année dernière, il y a eu déjà une interruption de l’aide américaine, et on n’a pas vu les Européens se mettre au diapason. Notre production d’obus a augmenté, mais l’achat de nouveaux équipements pour l’Ukraine reste compliqué. »
Le choc provoqué par l’élection de Donald Trump incite les Européens à accroître leurs efforts de financement, mais ils doivent gérer un contexte économique contraint et des risques de division. D’autres pistes sont étudiées, notamment pour rembourser des budgets déjà adoptés ou élargir leur vocation afin de financer des projets de défense : ce serait notamment le cas des fonds de cohésion, initialement prévus pour le développement des régions les moins prospères du continent, selon aux informations de Temps Financier.
“L’hiver le plus dur”
Deuxième sujet d’interrogation : la méthode que choisira Donald Trump pour amener la Russie et l’Ukraine à négocier. L’idée relayée par Donald Trump Jr. de réduire punitivement les « allocations » de l’Ukraine serait terrible pour Kiev. Ce n’est pas la seule option possible. La nomination de Mike Waltz au poste très influent de conseiller à la sécurité nationale devrait laisser espérer à Kiev que Washington utilisera plutôt un mélange de carottes et de bâtons pour pousser les belligérants à se parler.
L’élu républicain de Floride a récemment défendu L’économiste des sanctions plus sévères contre la Russie, voire de nouvelles livraisons d’armes à Kiev, pour pousser Moscou vers la table des négociations. Mais l’incertitude reste forte, avec la nomination mercredi 13 novembre à la tête du renseignement américain de Tulsi Gabbard, une ancienne militaire connue pour ses déclarations favorables à la Russie.
D’ailleurs, rien ne dit que les négociations aboutiront. Outre le fait que les positions de Kiev et de Moscou sont inconciliables, il n’est pas garanti que la Russie et les États-Unis puissent trouver un terrain d’entente. Le Kremlin n’a aucun intérêt à un cessez-le-feu, qui offrirait un répit à une armée ukrainienne en difficulté. Moscou ne se contentera pas non plus de concessions territoriales, l’objectif stratégique de Vladimir Poutine étant l’assujettissement politique de l’Ukraine – incompatible avec l’octroi de garanties sérieuses de sécurité à Kiev.
Des négociations stériles pourraient alors conduire le magnat du Queens à reprendre son aide à l’Ukraine, étant donné que les Européens assument une plus grande part du fardeau. Un « deal » que Donald Trump pourrait présenter comme gagnant à ses électeurs.
D’ici là, et quelle que soit l’issue du quadrille diplomatique qui se jouera entre les Etats-Unis, l’Europe, l’Ukraine et la Russie, l’armée ukrainienne devra faire face à un déficit en hommes de plus en plus important. plus flagrant. Les objectifs de recrutement des derniers mois n’ont pas été atteints, et le gouvernement hésite à mobiliser les hommes de moins de 25 ans par crainte de l’impopularité de cette mesure qui aggrave la situation sur le front. À l’arrière, Kiev devra à tout prix protéger son réseau énergétique au bord de l’effondrement face à une nouvelle campagne de frappes russes. Pour l’Ukraine, prévient le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, ce sera “l’hiver le plus dur”.
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