l’essentiel
Devenue accro au réseau social TikTok, Maële, 17 ans, a fait plusieurs tentatives de suicide. Sa mère, vivant à Strasbourg, dénonce une influence toxique et demande des comptes à ce géant de l’internet qu’elle tient pour responsable de la dégradation de la santé mentale de sa fille. Un recours devant le tribunal judiciaire de Créteil a été déposé avec six autres familles.
“Je me sens vide, ma vie n’a aucun intérêt, à quoi ça sert de vivre, je suis transparente”. Ces propos glaçants sont ceux de Maële (pseudonyme), aujourd’hui âgée de 17 ans et qui a fait plusieurs tentatives de suicide durant sa scolarité. Selon cette adolescente vivant à Strasbourg, l’algorithme du réseau social chinois TikTok l’a rendue totalement accro aux contenus suicidaires. Sa mère, Morgane, enseignante dans le Bas-Rhin, veut alerter les jeunes et les parents « des dangers qui attendent leurs enfants pris dans une spirale vicieuse ». Cette mère de famille fait partie des sept familles en France qui ont déposé un recours devant le tribunal judiciaire de Créteil contre TikTok le 4 novembre. Une procédure civile, initiée par l’avocate Laure Boutron-Marmion, visait « à faire reconnaître la responsabilité de TikTok dans la dégradation de l’état de santé ». de leurs enfants, dont deux se sont suicidés ». Une approche forte et unique pour répondre à un véritable défi de santé publique, encore trop sous-estimé.
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Jeune fille hypersensible
Hypersensible, joviale, hyper créative, joyeuse et passionnée de chant, Maële a d’abord subi l’ostracisme des élèves de quatrième année, alors qu’elle venait de recevoir son premier téléphone portable. « Les enfants étaient contre elle et essayaient de l’isoler », raconte Morgane. “Sur son corps, j’ai remarqué de légères scarifications, je vois qu’elle a des idées noires et refuse ensuite d’aller à l’université.” Maële est prise en charge par une psychologue mais parvient à poursuivre ses études au lycée. « Elle installe TikTok sur son téléphone en février 2021. Une amie lui dit, tu verras c’est drôle… ! Mais son malaise grandit. « Je la vois trembler dans sa chambre, elle essaie de se couper les veines… » Maële est hospitalisée. On lui prescrit des antidépresseurs mais rien n’y fait. Début janvier 2022, l’adolescente veut en finir et reprend des pilules, elle dort très peu. notamment « un dérèglement émotionnel », « un fort sentiment de vide et des crises suicidaires ».
“Un tabouret, une corde…”
Jusqu’en CP, Maële a alterné séjours à l’hôpital et tentatives de suicide, se sentant chaque matin extrêmement fatiguée. « Aucun soignant n’a fait le lien avec les réseaux sociaux, on ne leur a même pas posé la question », s’émerveille Morgane qui prend toutes les initiatives pour sortir sa fille de cette mauvaise passe. « Nous, parents, sommes souvent critiqués pour ne pas surveiller nos enfants, pour ne pas faire attention à ce qu’ils regardent sur leur téléphone. Nous sommes responsables de leur éducation, mais les priver de téléphone, c’est aussi prendre le risque de les isoler, de les couper de leurs amis. Vous ne pouvez pas être devant votre enfant à chaque seconde, il est donc très facile de le critiquer. Sur TikTok, et pendant 18 mois, Maële a reçu des contenus sur le thème « prendre un tabouret, une corde ». Selon Morgane, « l’algorithme ne lui envoyait que des vidéos liées au suicide, elle était conditionnée, comme dans une secte. Sa communauté était à son image. C’est tout simplement horrible ! Il s’agit en fait d’« une banalisation de la mort et du suicide, sur ces vidéos, on lui explique quels médicaments prendre, ou quelles lames se procurer, c’est ce type d’algorithme qui a prospéré sur son fil de discussion ». Comble du cynisme, Maële tombe sur une vidéo explicative : « Si tu finis à l’hôpital, ça ne compte pas… »
Après de nombreux traitements médicaux et après avoir réduit l’utilisation des réseaux sociaux à 30 minutes par jour, Maële a retrouvé un peu de sérénité. « J’ai honte de te faire subir tout ça », confie Maële à son entourage.
« Elle a redoublé sa première année, ajoute Morgane, et elle est encore fragile. Chaque matin, je me réveille en me demandant si elle est encore en vie.
Ce que TikTok a dit
Le réseau social TikTok publie les communiqués suivants visant à expliquer sa politique de diffusion de contenus jugés dangereux et illicites.
« De janvier à juin 2024, nous avons reçu environ 144 000 signalements de contenus illégaux correspondant à environ 100 000 contenus uniques. Nous estimons que 29 % de ce contenu viole nos politiques ou la loi locale, et nous avons pris les mesures nécessaires en conséquence. Dans les 27 États membres de l’UE, nous avons supprimé plus de 22 millions de contenus au cours de cette période, notamment des vidéos, des diffusions en direct et des publicités, pour violation de nos règles communautaires et de nos politiques publicitaires. Nous avons également banni plus de 5 millions de comptes pour violation de nos règles. Enfin, précise le réseau social : « Notre technologie de modération automatisée supprime désormais 80 % des vidéos violentes, contre 62 % l’an dernier. Plus de 6 000 personnes modèrent le contenu dans les langues de l’UE, couvrant au moins une langue officielle pour chaque pays de l’UE – ce qui est cohérent avec les périodes de référence précédentes.
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