Par
Augustin Delaporte
Publié le
13 novembre 2024 à 19h22
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Sous le filtre du village pittoresque et la couleur des étals, le spectre du danger qui guette s’est glissé dans le marché d’Aligre à Paris (12e). En moins d’une décennie, trois fois les flammes se sont attaquées à ses magasins. Commerçante depuis 49 ans dans les monuments classés, Martine Giniès est furieuse. « En 2015, il a fermé pendant 7 mois. En 2017, le le toit avait été détruit. Que se passera-t-il demain ? Est-ce que tout finira par brûler complètement ? », nous dit-elle.
La raison de sa colère ? L’histoire s’est répétée dans la nuit du dimanche 10 au lundi 11 novembre 2024. Et comme en 2017, elle craint que l’auteur n’est jamais identifié et rien ne change.
Le pire a été évité
Ce soir d’automne 2024, le pâtissier ferme la petite porte du hall en sortant vers 19h30 puis revient dans la nuit jeter un oeil à ses brioches. Mais à son retour, le les forces de l’ordre lui interdisent d’entrer. Quelques minutes plus tôt, un riverain avait alerté les secours qu’un incendie était en cours dans le marché couvert. Sur place, les pompiers ont ensuite éteint deux incendies distincts et retrouvé un jerrycan de 20 litres, une bouteille de white spirit et plusieurs allume-feu disposés devant les rideaux des magasins. La piste criminelle ne fait plus de doute.
Dans le processus, le science médico-légale s’est rendu sur place et a effectué des mesures, avant de revenir plus tard dans la journée, comme nous l’a indiqué par téléphone Michael Hulot, le directeur général du groupe Dadoun, concessionnaire du marché qui appartient à la Ville de Paris, mardi 12. Entre-temps, un l’enquête est également ouverte par l’accusation, comme l’indique Le Parisien.
Depuis, la rumeur s’est répandue selon laquelle un personne n’aurait été vu pendant sa fuite vers 3 heures du matin. Ce qui correspondrait à l’heure d’arrivée des pompiers. Une rumeur qui pourrait être confirmée par la caméra de la brasserie La Grille, selon l’avis de certains commerçants.
Ambiance mi-figue, mi-raisin
Plus de 24 heures après l’incident, la vie a repris comme si de rien n’était. Ou presque. Surplombant le mur noirci du local occupé par Aux Volailles d’Aligre – l’une des deux entreprises ciblées – un employé affiche un grand sourire. « Il y a toujours des gens jaloux », raille-t-il. Avant de préciser sa pensée : « Quand on a une belle voiture, il y a toujours quelqu’un qui veut la rayer. » Tout cela, sans interrompre son travail parfaitement huilé.
Le son de la cloche est sensiblement différent dans le magasin voisin, le deuxième à avoir été visé par l’attaque. Le rideau de l’épicerie malgache Sous les Baobabs est toujours baissé ce mardi 12 novembre au matin. Pas de date de réouverture affiché. “Ça prend du temps pour nettoyer… Cela peut prendre quelques jours”, se calme Quentin, l’huissier du marché, depuis son bureau. Le ton est plus sérieux du côté du patron de Dadoun : « La femme d’affaires impactée a été choquée », semble déplorer Michael Hulot au bout du fil.
D’un regard fugace qui fait la navette de gauche à droite sous sa casquette, l’huissier finit par concéder : « Ce sont des dégâts superficiels, mais il y a une forme de pression mentale pour les commerçants. »
Au marché, le ver est dans le fruit
Il vient en fait de mettre le doigt sur la racine du problème. Martine Giniès ajoute : « Cela fait des décennies que un problème de sécurité. Pour une personne forte, frapper à la porte peut suffire à briser la serrure électrique. Elle s’exaspère.
Qui nous dit que demain il ne reviendra pas ? Que cette fois, le marché ne s’enflammera pas complètement ? On ne va pas dormir dans nos magasins…
Absence de vidéosurveillance et détecteurs de fumée : celui qu’on surnomme parfois « l’Italien » dessine les contours d’un joyau parisien laissé à la merci des malfaiteurs. « Une poignée d’entre nous ont décidé de s’équiper de systèmes de surveillance, mais nous ne sommes que locataires de nos magasins ! C’est à la Ville et au concessionnaire de le faire. Mais ils préfèrent se renvoyer la balle», juge-t-elle.
Quant à l’enquête en cours, Martine Giniès n’y fonde pas trop d’espoir. Elle rembobine : « En 2017, mon magasin était presque à moitié détruit. J’ai déposé une plainte à l’époquemais nous n’avons jamais su qui l’avait fait ni pourquoi. C’est du mystère et du gumball. »
Tirer les leçons du passé
Chez Dadoun, nous voulons être rassurants. « Notre priorité à court terme est la surveillance. Je ne peux pas tout dévoiler, mais, en concertation avec la Ville, il sera renforcé dans les jours et mois à venir. Cela concerne notamment la vidéosurveillance», assure Michael Hulot. Cela nous certifie également queen 2017 des études ont été réalisées après l’incendie et que sur cette base, le concessionnaire avait choisi le « meilleur système de sécurité incendie ».
« Les détecteurs de fumée ne sont pas pertinents pour le marché d’Aligre car ouvert aux quatre vents », précise-t-il. Et de poursuivre : « A l’époque, on s’était penché sur la vidéosurveillance, mais c’est un espace public et le loi sur la protection des données nous a bloqué. Cependant, la Ville a la capacité d’installer un système de surveillance. »
Un discours qui, tant qu’il n’est pas suivi d’effets, ne doit pas calmer la grogne des commerçants endurcis d’Aligre. « C’est un lieu exceptionnel et précieux, mais sa gestion est très compliquée. Cela fait 30 ans que nous demandons des toilettes pour les commerçants qui sont dehors, sans que rien ne bouge. On nous avait promis des travaux de réfection pour fin 2024, mais on n’en a toujours pas vu la couleur», énumère l’Italien du marché de Beauvau. Et de conclure : « Il y a tellement d’histoires ici, que je pourrais en faire un livre. Peut-être que je le ferai après ma retraite », rigole-t-elle.
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