Le conflit au Moyen-Orient est transporté dans les stades de football européens. Après les violences de jeudi à Amsterdam, Paris est en alerte.
Ce que vous devez savoir
- Jeudi dernier, des supporters d’une équipe de football israélienne ont été pourchassés et battus dans les rues d’Amsterdam. Une trentaine de blessés. Soixante arrestations.
- Ces violences seraient le résultat d’un cocktail toxique de hooliganisme et d’antisémitisme, dans le contexte de la guerre à Gaza.
- Malgré les tensions, le match prévu jeudi soir à Paris entre Israël et la France aura quand même bien lieu. Mais avec une sécurité extrêmement renforcée… et la présence d’Emmanuel Macron.
Paris est sur les nerfs, à quelques heures d’un match de football « à haut risque » entre les équipes française et israélienne. En principe, cette réunion de la Société des Nations n’aurait pas suscité d’émoi particulier. Mais les événements de jeudi dernier à Amsterdam ont changé la donne et contraint la France à renforcer ses mesures de sécurité pour éviter les dérapages. Plus de 4 000 policiers seront mobilisés dans un contexte particulièrement « tendu ».
Rappelons les faits. Dans la nuit du 7 au 8 novembre, après un match de Ligue Europa entre l’Ajax Amsterdam et l’équipe israélienne du Maccabi Tel Aviv, des supporters du Maccabi ont été pourchassés et tabassés dans les rues de la capitale néerlandaise.
Ces attaques, qualifiées d’antisémites, notamment par Israël et les autorités néerlandaises, ont fait 30 blessés et donné lieu à une soixantaine d’arrestations. Selon le Premier ministre des Pays-Bas, Dick Schoof, des groupes d’agresseurs « issus de l’immigration » ont mené ces attaques, répondant à un appel à s’en prendre aux Juifs, lancé en avance sur les réseaux sociaux.
Les images d’une rare violence, filmées durant la soirée, témoignent de ces chasses à l’homme choquantes. Mais des témoignages ultérieurs, relayés notamment par le journal britannique Le Gardienaffirment que ces passages à tabac répondaient en fait aux provocations initiales des partisans israéliens.
La veille, ils avaient notamment déchiré un drapeau palestinien dans les rues d’Amsterdam, crié des slogans anti-arabes et attaqué un taxi avec leur ceinture, en plus de ne pas respecter la minute de silence exigée le soir du match. Ils ont été attaqués après le match et rapatriés quelques heures plus tard à bord d’avions affrétés par le gouvernement israélien.
La maire d’Amsterdam, Femke Halsema, a évoqué mardi un “cocktail toxique d’antisémitisme et de hooliganisme” pour expliquer cette explosion de violence. Elle a ajouté que « des justices ont été engagées contre les Juifs de notre ville ainsi que contre les personnes appartenant à des minorités qui sympathisent avec les Palestiniens ».
Le football « plus polarisé que jamais »
Les provocations et les confrontations sont monnaie courante dans la culture du football européen. Mais selon Vincent Chaudel, co-fondateur de l’Observatoire du Sport Business à Paris, les événements d’Amsterdam sont inquiétants, car ils vont « au-delà du hooliganisme ».
Le hooliganisme, en général, concerne davantage des groupes de supporters qui se réunissent et se battent parce que c’est pour cela qu’ils sont venus. Là, ça dépasse ce cadre. Il s’agissait plutôt de supporters rentrant chez eux à l’hôtel et se retrouvant piégés par des locaux qui n’étaient pas liés au match.
Vincent Chaudel, co-fondateur de l’Observatoire du Sport Business à Paris
Selon M. Chaudel, on entre ici dans une autre dimension, où le monde réel déborde dans le jeu à un degré rarement vu. A ses yeux, les événements d’Amsterdam sont la preuve que « le conflit au Moyen-Orient a des rebondissements dans tout le monde occidental, que ce soit sur les campus ou dans les stades ».
Avis partagé par Jean-Baptiste Guégan, auteur du livre Géopolitique du sport. L’expert estime que la « radicalisation des positions » provoquée par les enjeux internationaux a contaminé le monde du sport, et notamment celui du football, « plus polarisé que jamais ».
En ce sens, il pense que les supporters du Maccabi Tel Aviv ont peut-être mal évalué le degré de tension qui existe actuellement en Europe à cause de la guerre à Gaza, et estime que leurs provocations étaient imprudentes, compte tenu du côté très cosmopolite d’une ville comme Amsterdam, où la population musulmane est à bout de souffle. Le choc était évidemment inévitable.
« Ce type de déferlement et de violence est dû à l’exaspération du conflit », note M. Guégan. Il y a une émotion très forte en Europe de la part des gens d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, car ils vivent très intensément le conflit et les images de Gaza. »
Match à haut risque à Paris
Dans ce contexte, on comprend mieux les appréhensions du gouvernement français à la veille du match Israël-France prévu jeudi soir. D’autant que cette confrontation tendue aura lieu au lendemain de l’anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 et en plein procès pour le meurtre de Samuel Paty, professeur assassiné il y a quatre ans par un terroriste islamiste.
“Ce sera un match à haut risque dans un contexte géopolitique très tendu”, a déclaré le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, à la chaîne d’information française BFM TV, ajoutant que les autorités ne toléreront “aucun excès ni aucun trouble”. à l’ordre public ».
La sécurité sera ainsi « extrêmement renforcée » autour du Stade de France, où se déroulera la réunion : 4 000 policiers seront mobilisés pour l’occasion, un dispositif bien supérieur à la normale puisque ce type d’événement mobilise généralement entre 1 500 et 2 000 policiers. . “Il peut y avoir des incidents partout”, a prévenu M. Nuñez. Par précaution, le nombre de billets disponibles a été réduit à 20 000, alors que le stade compte 80 000 places.
A noter que le président Emmanuel Macron, le Premier ministre Michel Barnier ainsi que les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy seront présents à la réunion, en signe de « fraternité et de solidarité après les actes antisémites intolérables » de la semaine dernière à Amsterdam.
Avec l’Agence France-Presse
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