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La descente aux enfers d’un professeur de dessin en Russie

Il a griffonné des dessins se moquant du Kremlin. Daniil Kliouka est jeté depuis de nombreuses années dans les profondeurs du système carcéral russe, où la violence impose son silence et où parfois les traces des prisonniers disparaissent.

Cette photo prise à Varsovie le 18 octobre 2024 montre un écran de téléphone portable avec le portrait de Danill Klyuka posté sur une chaîne Telegram créée pour le soutenir en prison – En prison depuis un an et demi, le professeur d’art russe de 28 ans et Le critique d’art de l’offensive ukrainienne à Moscou estime que le directeur de l’école provinciale où il travaillait l’a dénoncé aux autorités pour avoir griffonné des cornes sur les photos de représentants de magazines d’État. (Photo Wojtek RADWANSKI/AFP)

AFP

Son histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres en Russie, en pleine répression de toute résistance, réelle ou imaginaire, à l’invasion de l’Ukraine.

Jusqu’à l’hiver 2023, ce professeur d’arts plastiques russe de 28 ans menait une existence tranquille à Dankov, une ville située à 300 kilomètres au sud de Moscou, non loin de la gare où est mort l’écrivain Léon Tolstoï.

Sur le site Internet de son ancienne école, un établissement régulier, on peut voir des photographies de sa classe avec des reproductions de peintures sur les murs, dont un autoportrait de Van Gogh.

Échange de lettres

Sa vie s’effondre en février 2023 lorsqu’il est arrêté à Dankov par des agents cagoulés du FSB, les redoutables services de sécurité russes. Ils lui reprochent d’avoir envoyé 135.000 roubles (environ 1.213 francs aux taux de change actuels) en monnaie numérique à la brigade ultranationaliste ukrainienne Azov, classée “terroriste” en Russie. Des accusations qu’il nie.

Daniil Kliouka raconte que tout a commencé lorsque son directeur l’a dénoncé au FSB pour avoir dessiné de petits dessins anti-pouvoir dans un journal. L’AFP a pu reconstituer sa descente aux enfers après avoir pris connaissance du contenu des lettres échangées avec un militant pacifiste russe vivant en exil en Italie.

Antonina Polichtchouk, 43 ans, sort progressivement de l’ombre cette affaire depuis août 2023, grâce à un projet qui encourage les relations épistolaires avec les prisonniers politiques qui, même poursuivis pour les crimes les plus graves, ont droit à la correspondance.

Il a d’abord choisi de s’entretenir avec Daniil Kliouka car il souhaitait parler d’architecture et de dessins animés japonais. « Je m’intéresse à l’architecture et ma fille s’intéresse aux dessins animés japonais. Je me suis dit qu’on pourrait lui écrire ensemble», explique Mme Polichtchouk.

Dessins de moustache

Grâce à des courriers échangés via la plateforme en ligne officielle de l’administration pénitentiaire, il a découvert que le jeune homme était poursuivi pour « haute trahison » et « financement d’une organisation terroriste ». Ces crimes, punis très sévèrement, sont régulièrement utilisés par l’État russe pour écraser les manifestants.

Daniil Kliouka affirme avoir été victime d’une plainte. Ce processus est populaire en Russie et encouragé par les autorités, comme le président russe Vladimir Poutine qui, dès mars 2022, a appelé à l’élimination des « traîtres » et à « l’auto-purification » de la société.

Daniil Kliouka a déclaré que pendant son temps libre au travail, il dessinait « des cornes, des barbes et des moustaches » sur des photographies publiées dans un journal local pro-Kremlin. “Quand il y avait des représentants du pouvoir sur une page, j’écrivais parfois ‘démon’ sur leur front”, a-t-il déclaré dans une lettre publiée par le groupe Telegram Politzek-Info, couvrant les répressions politiques.

Mais un jour, il a oublié le journal à l’école et ses collègues l’ont retrouvé. Selon lui, pour ces gribouillages, son directeur l’a licencié et a contacté le FSB. Il a déclaré avoir ensuite été arrêté, torturé « dans une cave » et avoir fouillé son domicile.

20 ans dans un domaine

C’est dans le téléphone saisi à son domicile que les agents ont trouvé des preuves, selon eux, des virements suspects. Daniil Kliouka affirme avoir fait de faux aveux et reconnu sous les coups de feu avoir envoyé des fonds à la brigade Azov, avant d’affirmer dans ses lettres, une fois en détention, qu’il avait en réalité transmis de l’argent à un cousin ukrainien.

Le cousin, Mykyta Laptiev, a confirmé avoir reçu cet argent et assure qu’il a servi à soigner son père, l’oncle de Daniil Kliouka. Contactée sur les réseaux sociaux, la directrice mise en cause par l’enseignante, Irina Kouzitcheva, n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

De plus, il est impossible de comparer les déclarations du détenu avec celles du parquet car le FSB a classé la procédure comme secrète, comme c’est presque toujours le cas dans ce type d’affaires. Il est interdit à sa défense de discuter de l’affaire, sous peine de prison.

Après six mois de correspondance, la militante Antonina Polichchouk s’est rendu compte que Daniil Kliouka ne disposait que d’un avocat commis d’office qui, « de facto, travaille pour le gouvernement ». « Sa famille aurait pu payer un avocat et s’en occuper, mais leur situation est compliquée, ils ont été intimidés. Le FSB fait peur à tout le monde», déplore-t-il.

Daniil Kliouka a été condamné en appel à 20 ans de prison à purger dans un « régime sévère », c’est-à-dire dans des conditions de détention particulièrement sévères. Chaque année, il n’aura droit qu’à une seule visite et à un seul forfait.

ATS

 
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