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Vivre comme à la ZAD – ???? Info Libertaire


Nous sommes allés voir le film « Action directe » en avant-première au cinéma Le Concorde, à Nantes, avec les réalisateurs Guillaume Cailleau et Ben Russell. Et comme le reste de la pièce, nous avons adoré.


Écrire une critique sur « Direct Action » est un exercice difficile, tant ce film est un ovni dans le paysage cinématographique. On pourrait utiliser bien des adjectifs pour le décrire, mais on aurait encore du mal à rendre compte des 3h30 de plans fixes, ces 36 tableaux sous forme de plans séquences filmés pendant plus d’un an à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

Oui, dit comme ça, ça paraît horriblement ennuyeux, 3h30 de film documentaire sans voix off, sans intrigue, sans commentaire qui prélude au spectateur ce qu’il en retiendra. Un film contemplatif, attentif aux détails : du 16 mm en pleine campagne, avec une caméra qui parvient à se faire oublier. Et pourtant, on ne s’ennuie pas une seule seconde, il n’y a rien à retenir de ces 3h30, et encore moins l’entracte : 10 minutes de pluie sur des épaves de voitures, vieille barricade abandonnée de la ZAD, qui laisse le temps aux spectateurs de aller prendre un café, faire pipi, fumer une cigarette ou simplement discuter avec leurs amis du cinéma pour partager leurs premières impressions.

Nos premières impressions sont que « L’action directe » prend le temps d’explorer un lieu de vie sans tomber dans le piège qui lui est tendu : le tourisme activiste. On a déjà vu des réalisateurs qui arrivent sur un lieu de lutte soi-disant pour parler au nom des personnes concernées et qui en profitent pour romantiser leur combat pour raconter une histoire. A l’inverse, ici c’est la vie sur la ZAD qui compte avant le film. Ben Russell raconte que « la première semaine, on s’est d’abord immergés dans la ZAD, on avait envie de rencontrer les gens. Nous n’avons tourné qu’un seul plan et finalement nous ne l’avons même pas mis dans le film.

Plutôt que de raconter une histoire de zadistes, les réalisateurs ont laissé la ZAD s’approprier leurs images. Il n’y a rien d’urgent à montrer : les combats dans la zone sont terminés, la ZAD a fait échouer le projet d’aéroport, et c’est elle qui peut désormais raconter sa propre histoire. Mais il n’y a pas de mots pour décrire le film auquel nous avons pu assister : contemplatif, mais aussi vivant, précis, insoumis, sensible, vivant, entier, vivant… Voilà, vivant : aussi vivant que la ZAD depuis sa création, vibrant et inattendu. , passionné et combatif.

La série de plans séquences est pensée comme autant de tableaux de tout ce qui fait la vie à Notre-Dame-des-Landes. Le film propose ainsi une myriade de réalités différentes, mais qui trouvent leur cohérence dans la ZAD, comme pour dire que l’action directe est tout simplement vivante. « Vivre et travailler à la campagne », comme le disaient les mouvements paysans de la région dans les années 1960. La ZAD réalise cette utopie par le travail, et de nombreux plans rapprochés montrent des personnages travaillant le bois, le fer, entretenant une tronçonneuse ou préparant des produits. des crêpes avant d’aller les vendre au marché local. Une œuvre choisie, souvent répétitive mais qui s’est sortie de l’aliénation, une œuvre qui prend soin des gens et du monde qui les entoure.

Plus largement, le film explore le quotidien de la ZAD (anniversaire d’enfant, lecture militante, musique…) et le rapport aux animaux omniprésents : veaux nouveau-nés rentrant au pré, cochons, moutons, arbres, chevaux de trait… mais surtout les oiseaux. Le bruit de fond de la ZAD, c’est ce chant d’oiseau qui ne s’arrête que lorsque l’Etat n’est pas là pour attaquer cette zone protégée de la prédation capitaliste. Mention spéciale à la scène, aussi absurde que poétique, d’un humain décrivant les techniques d’interrogatoire et les raisons du silence en garde à vue à… une truie se roulant lascivement dans la boue. Une sorte de manuel anti-répression inter-espèces.

Le personnage principal de « Direct Action » est donc la ZAD dans sa globalité. Et ce lieu est aussi une base militante, un lieu où se construit la résistance écologique au capitalisme et à la « modernité ». Les zadistes avaient prévenu dès leur installation : ce mouvement était une révolte contre l’aéroport « et son monde ». C’est donc de Notre-Dame-des-Landes qu’émergent les Soulèvements de la Terre, mêlant colère paysanne et luttes territoriales dans toute la . On suit ainsi une réunion préparatoire à Sainte-Soline, où s’organise la lutte contre les mégabassins et l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie, où une conférence de presse face à la dissolution des Soulèvements de la Terre.

Les images de Sainte-Soline constituent un tournant dans le film, et le titre « Action directe » prend tout son sens. Vivre dans la ZAD est déjà une action directe en soi, mais cela implique de la défendre, ou du moins d’en défendre le principe. Une caméra 16 mm installée sur son trépied, devant un fossé au milieu de champs labourés et empoisonnés, capte les sourires et l’humeur joviale des manifestants s’approchant du bassin. Une captation terrible pour celui qui le regarde : toute la salle sait ce qui va se passer ensuite, le déferlement de violence de l’État, les blessés, le traumatisme.

Si vous avez vécu Sainte-Soline dans votre chair, vous aurez peut-être envie de sortir et de faire une pause, de respirer profondément pendant que se déroule la scène suivante, qui réveille en nous toute la colère et le sentiment d’injustice. au pouvoir d’un État aveugle, impassible et destructeur. Une scène longue et tendue, ponctuée d’explosions. Des images néanmoins nécessaires : la répression de Sainte-Soline n’est qu’un épisode de la vie de la ZAD, mais elle en fait partie intégrante. Il ne faut jamais oublier que la ZAD est un combat qui n’est jamais gagné.

Puisque tout le reste du film est tourné sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les scènes de Sainte-Soline surprennent par leur intensité, leur violence et leur déconnexion territoriale. Interrogé à ce sujet, pourquoi Sainte-Soline et pas seulement la ZAD, le directeur Guillaume Cailleau répond : « Parce que la ZAD n’est pas un territoire géographique, c’est un état d’esprit qui dépasse Notre-Dame-des-Landes. A Sainte-Soline, c’était la ZAD hors ZAD ». Comme le dit si bien le slogan : la ZAD est partout !


Le film « Direct Action » sortira en salles le mercredi 20 novembre dans les meilleurs cinémas indépendants : allez le voir !


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Source: Contre-attaque.net
 
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