Exposition à Paris –
Le musée Guimet propose « l’Or Ming ». Une Chine baroque
Du XIVe au XVIIe siècle, les orfèvres créaient des œuvres en toile d’araignée pour satisfaire la Cour et les riches marchands.
Publié aujourd’hui à 9h21
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La Chine est à Paris. Au moins à l’ambassade. Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, le contexte politique ne s’y prête guère, mais nous vivons la fin de « l’année franco-chinoise du tourisme culturel ». Les seules véritables vagues qu’elle a réussi à produire se trouvent au Musée Guimet, que Yannick Lintz dirige désormais. L’institution parisienne a été accusée par la presse d’avoir fait office de paillasson en se soumettant aux volontés de la grande puissance « amie » d’effacer toute trace de dissidence. Tout ce qui pourrait suggérer l’indépendance de la Mongolie serait effacé des étiquettes de l’ensemble du musée. L’intimidation a eu beaucoup moins de succès au Château de Nantes à l’occasion de l’exposition consacrée à ce dernier en 2023-2024. Résistance bretonne. Je vous en ai parlé alors.
Public décontenancé
Il faut dire que Guimet tenait beaucoup à son exposition « Ming Gold », qui constituerait l’essentiel de sa saison. Il s’agissait de montrer une quantité non seulement de bijoux, mais d’objets alors collectionnés par la maison impériale et l’élite du royaume. Cette présentation a effectivement eu lieu. Cela dure encore. Mais il n’a ni la couverture médiatique ni l’audience souhaitée. La concurrence est toujours rude dans la capitale française. Il semble également que les visiteurs aient été déconcertés par des œuvres aussi baroques. Même échevelé. Ils peuvent en fait sembler à la limite du kitsch. Reste à savoir de quel côté de cette limite…
Il s’agit en fait d’une Chine unique que le musée propose non pas dans les salles d’exposition habituelles du sous-sol, mais dans celles du premier étage. Le cœur du Guimet historique, avec le mobilier voulu par son fondateur vers 1900. Là, entassées dans des vitrines, sont exposées environ soixante-dix pièces réalisées entre la fin du XIVe siècle et le milieu du XVIIe siècle. L’époque Ming. Une dynastie indigène. L’un des rares que le pays ait connu lors de sa dernière ère impériale. Il accède au pouvoir non sans difficultés en 1368, mettant fin à celui du Yuan mongol qu’avait connu Marco Polo. Il disparaîtra provoquant une longue guerre civile pour laisser la place aux Qing en 1644. Les Mandchous, c’est-à-dire les étrangers. Ce dernier resta autoritaire sur le trône jusqu’en 1911.
Durant leur splendeur, qui correspondait à la construction de la Cité interdite à Pékin (actuelle capitale) au XVe siècle, les Ming développèrent l’orfèvrerie. Or et argent, avec quelques pierres précieuses. Notons au passage que leurs sources d’approvisionnement en métaux précieux étaient les mêmes que celles des Européens. Parfois par des voies indirectes, comme le Japon, les Chinois les obtenaient du Nouveau Monde. Ils en avaient un énorme besoin, tant pour leur activité que pour créer des produits de luxe. Ceux en or restaient en principe réservés à la Cour. Donc, comme chez nous, des édits somptuaires qui établissent des listes d’interdictions. Comme dans notre cas, nous avons dû constamment les rappeler aux contrevenants. Un signe infaillible que les lois n’ont effectivement pas été respectées. La noblesse la moins noble et la nouvelle classe marchande voulaient à tout prix les mêmes bijoux que l’entourage impérial.
Les orfèvres vertueux utilisaient donc toutes les techniques. Pour eux, apparemment, le temps n’avait pas d’importance. Pourtant, quiconque visite Guimet s’aperçoit immédiatement que dans ces épingles à cheveux, comme les paniers ou les vases décoratifs, le vide l’emporte souvent sur le plein. À quelques exceptions près, il s’agissait de le rendre le plus grand possible avec peu de matériel. D’où les poids plumes, signalés dans le catalogue bilingue français-anglais. Une grosse broche terminée par des pompons pèse une dizaine de grammes. Les paniers sur-décorés vers 180. On est ici très loin des lourds couples occidentaux préhistoriques, où les murs se comptent au kilo. D’où une multiplication de suggestions. Dans son texte, Monique Crick (qui fut directrice du Musée Baur à Genève) explique le martelage, le gaufrage, la découpe, la granulation et le filigrane.
Toutes les pièces proviennent du musée Quinjang de Xi’an, dans le centre de la Chine. L’une des plus anciennes villes du pays. Ils semblent tous faire partie d’une collection Dong Bo Zhai, propriété d’un certain Peter Viem Kwok. L’homme signe un petit texte introductif dans le livre ci-joint. Mais Guimet reste aussi opaque sur son sujet que le Comité central du Parti communiste chinois réuni en séance plénière peut paraître aux non-experts. L’institution française détient quelques pièces d’orfèvrerie représentant d’autres époques. Plus vieux. Leur présence aurait bien accompagné le voyage. Vous pouvez retrouver les photos dans le catalogue. Mais ne mélangeons pas les torchons et les serviettes, même s’ils sont du plus grand luxe. Il n’y en a donc ici que pour les Ming et les Xi’an. C’est une option. Un peu restrictif à mon avis.
La grosse déception vient en réalité de la mise en scène très faible. Les objets sont faiblement éclairés dans les vitrines normales, où ils semblent un peu encombrés. Ils donnent moins l’impression d’un trésor que d’un stock de matériaux précieux. Le visiteur déambule donc autour de ces productions exceptionnelles sans mesurer leur réelle valeur. Leur richesse abondante aurait dû inciter les commissaires Hélène Gascuel et Arnaud Bertrand à un déploiement plus mesuré, comme cela aurait pu être facilement réalisé dans les espaces temporaires du sous-sol. Edité par In Fine, le catalogue paraît très bon. Très clair. Très complet. Cependant, il doit s’agir d’un produit dérivé et non d’une pièce maîtresse. Honnêtement, je ne comprends pas ce qui a pu arriver au musée national français. Je ne sais pas non plus ce qu’auraient pensé nos amis chinois. Mais ils ont involontairement perdu un peu la face.
Pratique
« L’or Ming », Musée Guimet, 6, place d’Iéna, Paris, jusqu’au 13 janvier 2025. tél. 01 56 52 54 33, site internet https://guimet.fr Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10h00 à 18h00. Il n’est vraiment pas nécessaire de réserver. Catalogue bilingue français-anglais édité par In Fine, 216 pages
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Né en 1948, Etienne Dumont étudié à Genève qui lui furent de peu d’utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il se consacre au journalisme. Très souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant par parler de cinéma. Puis vinrent les beaux-arts et les livres. Pour le reste, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’informations
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