Mardi, le Premier ministre israélien a limogé son ministre de la Défense Yoav Gallant. Benyamin Netanyahu a estimé qu’entre eux “ces derniers mois, la confiance s’est érodée”après des différends sur la conduite de la guerre à Gaza et la question de la libération des otages. Il l’a remplacé par son homologue des Affaires étrangères Israel Katz qui a promis de vaincre les « ennemis » du pays.
Ce n’est pas la première fois que Benjamin Netanyahu tente de séparer Yoav Gallant. Il avait déjà tenté en mars 2023, mais avait abandonné suite à une forte mobilisation des Israéliens. Alors pourquoi l’a-t-il fait mardi, en pleine guerre et au soir de l’élection présidentielle américaine ?
Frédérique Schillo, historian, specialist in Israel et des relations internationales et co-auteur de « La guerre du Kippour n’aura pas lieu » aux éditions Archipoche, répond à vos questions.
Frédérique Schillo: Déjà, il le fait en pleine guerre, alors qu’Israël est engagé sur sept fronts. En pleine élection américaine, à la fois pour détourner l’attention, pour empêcher les Américains de faire pression sur lui et pour lui demander de garder Galante qui est le seul homme de confiance du cabinet israélien. Et puis il le fait parce qu’il existe un profond désaccord sur la conduite de la guerre. Il le fait parce que Gallant a officiellement annoncé qu’il avait été démis de ses fonctions en raison de différends sur trois dossiers. Premièrement, sa volonté de donner la priorité à un accord pour libérer les otages. Gallant voulait absolument un accord pour libérer les 101 otages toujours détenus à Gaza, dont on sait que seulement la moitié est encore en vie. Le deuxième différend est son opposition à la loi qui exempte les ultra-orthodoxes de l’armée. On sait aujourd’hui que l’effort de guerre repose essentiellement sur les réservistes. Les trois quarts de l’effort de guerre reposent sur les réservistes et il manque 20 000 soldats. Pourtant, le gouvernement d’extrême droite est très proche des ultra-orthodoxes. Netanyahu exempte 66 000 ultra-orthodoxes, soit 105 bataillons. Et aujourd’hui, le gouvernement voulait faire une loi qui maintiendrait l’exemption et Gallant s’y opposait. Et le troisième différend est la demande de création d’une commission d’enquête sur le 7 octobre, qui examinerait à la fois les responsabilités militaires et politiques dans les échecs du 7 octobre. Netanyahu refuse catégoriquement d’en assumer la responsabilité.
Le même jour, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Tel-Aviv et de Jérusalem pour protester contre cette expulsion. Les Israéliens semblent désapprouver massivement cette décision de Benyamin Netanyahu. Cette décision met-elle cependant en difficulté politiquement le Premier ministre, qui a vu sa popularité augmenter au cours du mois dernier ?
Frédérique Schillo: Il est vrai que sa popularité augmente, mais cela est tout à fait contextuel car aujourd’hui Tsahal enregistre des victoires sur le terrain. Mais on dit que la victoire a son parrain et que la défaite est orpheline. Netanyahu voudrait faire croire aux Israéliens que le 7 octobre est la défaite de l’armée et qu’il est le père de la victoire. Les Israéliens ne sont pas dupes. La décision de licencier Gallant a été totalement désapprouvée car 56 % des Israéliens s’opposaient à sa décision et 66 % la considéraient comme politiquement motivée. Qu’est-ce qui se cache derrière ce licenciement ? Autant d’interrogations sur la conduite de la guerre, mais aussi, plus profondément, d’un profond désaccord entre Netanyahu et les militaires. Cela survient également à un moment où éclatent une série de scandales impliquant Netanyahu et son entourage. De la fuites systématiques de documents secrets défense ont été organisés. Encore une fois, des fuites pour submerger les services de défense et de sécurité et disculper Benjamin Netanyahu.
À quoi peut-on s’attendre désormais avec le nouveau ministre de la Défense Israel Katz, lui aussi proche de Netanyahu ?
Frédérique Schillo: Il est proche de Benjamin Netanyahu et n’a absolument aucune expérience des affaires militaires. L’ancienne femme d’affaires d’Ofer Calderon, otage franco-israélien toujours à Gaza, a déclaré hier qu’autoriser Israël Katz à être à la Défense, c’était « laisser un chauffeur de camion piloter un avion de chasse ». Les Israéliens sont très méfiants et craintifs quant au sort des otages et à la conduite de la guerre. Israel Katz est considéré comme un « béni-oui-oui ». Le différend se poursuivra avec les responsables de la Défense. Pour quoi ? Parce que Tsahal considère que la guerre à Gaza est terminée. Le Hamas est vaincu et aujourd’hui l’état-major déclare « mission accomplie ». Mission accomplie car on ne peut pas aller au-delà. Et d’ailleurs, le porte-parole de Tsahal le disait déjà en juin, l’éradication totale du Hamas est illusoire. Cela jette de la poussière aux yeux de l’opinion publique. Il a d’ailleurs été fortement recadré à cette époque par le Premier ministre et son entourage. Mais les militaires affirment que la mission est accomplie et veulent transformer la victoire militaire tactique sur le terrain en un succès politique et diplomatique. Pourtant, Benyamin Netanyahou, ni hier, ni aujourd’hui, ni peut-être pas demain, ne propose de solution pour l’après-Hamas, pour l’après-guerre à Gaza.
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