Au programme de notre troisième journée à la Biennale de violoncelle : un concert de Musique de chambre avec Nicolas Altstaedt, Thomas Dunford et Jonathan Cohen, et une performance de trois jeunes talents — Stefano Bruno, Hayoung Choi et Harriet Krijgh — aux côtés de l’Orchestre du Conservatoire d’Amsterdam.
De la viole de gambe au violoncelle
Nicolas Altstaedt au violoncelle, Thomas Dunford au théorbe et Jonathan Cohen au clavecin nous ont transportés dans l’univers de la musique baroque française du XVIe au XVIIIe siècle, tout en mettant en avant ses influences italiennes.
A travers cette exploration du répertoire baroque, la musique initialement composée pour le viole de gambe a été mis à l’honneur, ici interprété au violoncelle. commença à se populariser rapidement dans les cercles de la cour, devenant l’instrument de musique préféré des chambres et des salons, notamment en France.
Joué entre les jambes (d’où son nom « da gamba »), il comporte généralement six ou sept cordes accordées en quartes et en tierces, ce qui lui confère une sonorité douce et expressive. Des compositeurs français comme Marin Marais (1656-1728) enrichissent son répertoire, avec des pièces emblématiques comme Voix humaines et Les folies espagnolesque les artistes ont interprété lors de ce concert.
Le violoncelle, quant à lui, est apparu au XVIIe siècle en Italie, et a rapidement gagné en popularité grâce à sa sonorité puissante et son archet perpendiculaire aux cordes. A cette époque, des musiciens français, comme Jean-Baptiste Barrière (1707-1747), contribuent à la transition entre la viole de gambe et le violoncelle, comme en témoigne son Sonate n°4 en si bémol. Cette pièce commence par un andante délicat, qu’on entend de plus en plus vite jusqu’à atteindre une intensité comparable à des riffs de guitare hard rock ou métal – Barrière anticipant, en quelque sorte, des styles musicaux beaucoup plus récents.
Le programme comprenait également des œuvres d’autres compositeurs français : Le Leclair d’Antoine Forqueray, déployant son paysage mélodique nostalgique, Les mystérieuses barricades de François Couperin, avec son élégance rythmique et ses harmonies complexes, et le Prélude en mi mineur de Robert De Visée, interprété en solo au théorbe, offrant une introspection avec une belle dynamique.
Côté italien, le trio a débuté avec Et je ne peux pas venir de Vincenzo Bonizzi, une œuvre méditative qui a donné le ton de la soirée et s’est clôturée par le Sonate en fa de Giovanni Platti, une mélodie joyeuse et vibrante, illustrant l’inspiration italienne du répertoire baroque français.
Grâce à leur jeu virtuose, élégant et sobre, ainsi que leur grande complicité, Altstaedt, Dunford et Cohen ont su profondément émouvoir les spectateurs, captivés dans un silence religieux tout au long du concert.
Jeunes talents
Trois jeunes artistes primés : Stefano Bruno, Hayoung Choi et Harriet Krijghétaient sur scène dans la salle principale du Muziekgebouw pour un programme mêlant répertoire romantique, post-romantique et contemporain, avec l’Orchestre Symphonique du Conservatoire d’Amsterdam.
Les étudiants du Conservatoire d’Amsterdam, intégrés à l’Orchestre Symphonique de l’établissement, travaillent régulièrement avec des chefs de renom sur un répertoire exigeant et varié. Ils se produisent dans des salles prestigieuses comme le La musique s’appuie sur ‘t IJ d’Amsterdam, le TivoliVredenburg d’Utrecht, ou le Bâtiment musical d’Eindhoven, et lors d’événements tels que le Biennale du violoncelle et la compétition du Fondation du Jeune Pianiste.
Ici, ils ont joué le prélude à Tristan et Isolde de Richard Wagner, sous la direction de Leonard Elschenbroich, en restituant toutes les subtilités et la puissance émotionnelle.
Stéfano Bruno, lauréat du premier prix du Concours National de Violoncelle lors de la Biennale 2022, a interprété le romance de Richard Strauss avec sensibilité et finesse, et Harriet Krijgh nous a touché Concerto pour violoncelle en mi mineur d’Edward Elgar, pièce avec laquelle elle a remporté le même concours en 2012.
Hayoung Choilauréat du premier prix de violoncelle au prestigieux Concours Reine Elisabeth en 2022, brillamment interprété 5 pages d’album de Jörg Widmann (créé en 2022). Cette œuvre offrait un dialogue fascinant entre la musique contemporaine et les motifs schumanniens, que le violoncelliste sud-coréen maîtrisait avec une aisance et une profondeur impressionnantes.
Elle a démontré sa polyvalence, son énergie et son humour à travers son obsession pour le rythme saccadé de Liébeleinous emmenant dans le rêve dans le yodel de Les gens chantaientavant de nous faire danser Bossa nova pour Clara et Robert.
J’ai été agréablement surprise de constater que l’orchestre comptait plus de femmes que d’hommes, une situation encore rare dans les orchestres classiques, où les femmes restent sous-représentées dans les orchestres, notamment aux postes de direction.
En 2019, une étude a révélé que seulement 39 % des musiciens d’orchestre en Europe, au Royaume-Uni et aux États-Unis sont des femmes, et 17 % sont des chefs d’orchestre. Même s’ils sont majoritaires dans les cordes et les bois, leur présence reste faible dans les cuivres et les percussions, comme le souligne une étude de 2020 de l’Association française des orchestres.
Malgré des auditions anonymes qui ont favorisé leur recrutement, des préjugés implicites et le manque d’anonymat de certaines sélections limitent l’accès des femmes à des postes de haut niveau, comme le souligne Heidi Waleson, critique d’opéra pour Le Wall Street Journaldans son article Orchestrer l’équité entre les sexes (HarmoniquesInstitut Curtis de musique, 2023).
Waleson souligne : « Plus un orchestre est prestigieux, moins il y a de femmes parmi les principaux musiciens. » Dans les cinq plus grands orchestres américains (Boston, Chicago, Cleveland, New York et Philadelphie), très peu de femmes ont occupé des postes clés, comme chef d’orchestre, premier violon, ou chef de contrebasse, hautbois, clarinette, trompette, trombone, ou timbales.
Saluer la présence féminine dans l’orchestre du Conservatoire est donc essentiel, mais espérons surtout que cela ne présage pas d’un revers pour ces musiciennes lorsqu’elles quitteront cet ensemble et tenteront de trouver leur place dans des orchestres de renom.
La connexion française
Programme
Vincenzo Bonizzi, Et je ne peux pas venir
Marin Marais, Fête Country – Musette
Robert De Visée, Prélude en mi mineur
Antoine Forqueray, Le Leclair
Jean-Baptiste Barrière, Sonate en si♭♭♭♭
François Couperin, Les mystérieuses barricades
Marin Marais, Voix humaines
Marin Marais, Les folies espagnoles
Marin Marais, Le rêveur
Giovanni Platti, Sonate en fa
Interprètes
Nicolas Altstaedt, violoncelle
Thomas Dunford, théorbe
Jonathan Cohen, clavecin
Trois gagnants
Programme
Richard Wagner, Prélude à Tristan et Isolde
Richard Strauss, romance
Jörg Widmann, 5 pages d’album
Édouard Elgar, Concert de violoncelle en mi
Interprètes
Stefano Bruno, Hayoung Choi, Harriet Krijgh violoncelle
Orchestre Symphonique CvA
Léonard Elschenbroich, direction
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