News Day FR

un pogrom dans la ville d’Anne Frank

VIOLENCE ANTISÉMIQUE À AMSTERDAM

Match Ajax-Maccabi/Tel Aviv : un pogrom dans la ville d’Anne Frank

Publié le Vendredi 8 novembre 2024 à 22h18 | Temps de lecture estimé : 5 min.

La maire écologiste d’Amsterdam, Femke Halsema, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour savoir ce qui s’est passé dans la nuit de jeudi à vendredi suite aux violences antisémites qui ont visé les supporters israéliens de l’équipe Maccabi. AFP

Le match Ajax-Maccabi/Tel Aviv a déclenché des scènes d’une extrême violence dans le centre d’Amsterdam, jeudi 7 novembre 2024 au soir. Si l’on pouvait croire, un instant, à des affrontements « simples » et banals entre supporters hooligans des deux clubs, les informations accumulées durant vendredi jettent une lumière bien plus sinistre sur les faits : il s’agit en fait d’une « chasse aux juifs » qui a duré place au cœur de l’Europe. L’émotion est immense en Hollande, mais aussi dans le reste du monde.

Les images parlent d’elles-mêmes. A Amsterdam, dans la nuit de jeudi à vendredi, les hommes ont été pourchassés par des groupes haineux et bruyants. Ils ont été jetés à terre, frappés à coups de poing et de pied et on leur a ordonné, sous la menace de coups continus, de crier : ” Palestine libre « . Au moins une des victimes a été jetée dans un canal et a été empêchée de sortir pendant de nombreuses minutes. D’autres ont été soumis à des tentatives d’écrasement par des béliers.

Les assaillants ont agi en petits groupes très mobiles, parfaitement coordonnés avec des messagers qui se déplaçaient d’un groupe à l’autre sur des scooters pour distribuer les instructions.

Les assaillants ont agi en petits groupes très mobiles, parfaitement coordonnés avec des messagers qui se déplaçaient d’un groupe à l’autre sur des scooters pour distribuer les instructions. Il s’agissait de véritables commandos, de nombreux criminels étaient masqués, certains brandissaient des bâtons, voire des couteaux. Les hôtels ont été visés par des tirs de mortier. Le bilan n’est pas encore officiel, mais on compte entre 5 et 10 blessés hospitalisés, deux ou trois victimes n’ont pas montré signe de vie depuis près de vingt-quatre heures.

Pour le chef de la police » Une violence horrible et inacceptable »

Autour du Dam, la grande place qui est le cœur battant d’Amsterdam, on a assisté à de véritables scènes de lynchage. Ou plus précisément à un pogrom, la première en Europe après la Shoah. Parce que toutes les victimes étaient juives et ont été attaquées pour cette seule raison. Won Yip, hôtelier et propriétaire de trois établissements sur le barrage ayant accueilli un millier de supporters de l’équipe de football, Maccabi, il s’occupait de tout depuis son bureau et fermait toutes les sorties de ses hôtels pour protéger ses invités. Il a témoigné, vendredi matin, dans les colonnes de Télégrapheun grand journal néerlandais : « Il y a des matches dans lesquels on démolit pour démolir, mais là c’était exclusivement une chasse aux supporters israéliens, aux juifs « . Vendredi midi, Janny Knol, le chef de la police d’Amsterdam, l’a confirmé dans un post sur « X » : violence » horrible et inacceptable » jeudi soir, ils l’étaient en effet « actes antisémites ».

Il y a des matches dans lesquels on démolit pour démolir, mais là c’était exclusivement une chasse aux supporters israéliens, aux juifs.

Ceux qui avaient tenté de minimiser l’affaire en la faisant passer pour ce qu’elle n’était pas – une série de bagarres entre supporters d’équipes rivales – ont alors changé de ton, reconnaissant que les Israéliens étaient particulièrement visés. Mais, ont-ils expliqué sur les réseaux sociaux, il s’agissait d’un ” réaction spontanée » : Les « jeunes » ont été scandalisés par les dérives des partisans israéliens qui avaient arraché les drapeaux palestiniens de certaines façades, avaient proféré des insultes ou lancé des coups. Bref, les victimes le cherchaient…

La préméditation est évidente

Si ces actes sont évidemment répréhensibles, la théorie du déchaînement de colère ne tient pas longtemps. Parce que les abus de jeudi sont tout sauf « spontanés ». Les messages échangés mardi et mercredi – soit de 24 à 48 heures en fait – sur les listes « pro-palestiniennes », sur Télégrammeil a évoqué la nécessité de « bien accueillir » les Israéliens et a appelé à des manifestations.

Groupes d’activistes libre.palestine.nl » et « Week.4PalestineNL » ont été particulièrement actifs dans ces incitations à la mobilisation. En outre, la police a déclaré qu’elle enquêtait sur la complicité de… chauffeurs de taxi, dont certains avaient délibérément laissé des Israéliens à proximité de groupes d’assaillants et d’autres qui avaient refusé de les récupérer alors qu’ils fuyaient les scènes de violence. Encore un signe de préméditation. Le mode opératoire des criminels, comme nous l’avons évoqué plus haut (action en petits commandos, grande mobilité, attaques simultanées en différents lieux, etc.) ne laisse guère de place au doute.

Par ailleurs, la maire d’Amsterdam, Femke Halsema (écologiste), a annoncé en début d’après-midi, ce vendredi 8 novembre, qu’une enquête indépendante aura lieu pour examiner « les incidents, leur préparation et la réponse des autorités « . S’il faut enquêter sur la « préparation » des attentats, force est de constater qu’il y a eu préméditation.

La réaction de la police suscite des interrogations

Autre chose pose encore question dans ces événements dramatiques : les autorités avaient été prévenues (entre autres par les services israéliens) des risques d’attentat contre les citoyens de l’Etat hébreu. Cependant, même si les responsables le nient, le système de sécurité est clairement sous-alimenté. La réaction policière, bien que finalement forte et ayant conduit à des dizaines d’arrestations, a été particulièrement lente. À l’hôtel Marriott, par exemple, il a fallu trois heures aux unités anti-émeutes pour arriver et libérer les assiégés. Il faudra savoir pourquoi.

Cette attitude rappelle qu’il y a quelques semaines, la direction de la police néerlandaise et les syndicats de la police étaient mécontents du refus de certains de leurs collègues depuis des mois, ” pour des raisons morales » pour protéger des événements ou des lieux liés à la communauté juive.

Plus grave, les nombreuses vidéos amateurs circulant depuis jeudi soir montrent des véhicules de police passant à quelques mètres des lieux des passages à tabac sans intervenir. On peut certes affirmer que des équipages de deux hommes ou plus ne pouvaient intervenir sans risque face à des groupes d’une quinzaine d’émeutiers violents. Mais ils pourraient au moins activer les sirènes et les « bleus » de leurs voitures, ce qui aurait pu avoir un effet dissuasif. Ce n’était pas comme ça….

Cette attitude rappelle qu’il y a quelques semaines, la direction de la police néerlandaise et les syndicats de la police étaient mécontents du refus de certains de leurs collègues depuis des mois, ” pour des raisons morales » pour protéger des événements (conférences, cérémonies) ou des lieux (synagogues, musée juif, maison d’Anne Frank) liés à la communauté juive. Le moment est peut-être venu d’enquêter de manière approfondie sur l’infiltration d’éléments extrémistes dans la police et de prendre les mesures appropriées.

Partout dans le monde, des condamnations unanimes

En Israël, le choc fut terrible. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré qu’il enverrait deux avions aux Pays-Bas pour évacuer les Israéliens, mais il a changé d’avis lorsque l’ordre a été rétabli. Cependant, l’armée israélienne a interdit au personnel militaire de se rendre aux Pays-Bas.

Mais la vague d’émotions a largement dépassé les frontières de l’État juif. Dans un message publié ce vendredi sur « X », le président français Emmanuel Macron a condamné les violences qu’il rappelle. “les heures les plus honteuses de l’histoire”, tandis que son homologue américain sortant, Joe Biden, parlait de « attaques antisémites méprisable equi font écho aux périodes sombres de l’histoire où les Juifs étaient persécutés » et que le chancelier Olaf Scholtz a déclaré « Ceux qui attaquent les Juifs nous attaquent tous ».

Amsterdam se souvient d’une nuit sombre et même aujourd’hui, il fait encore noir. Notre ville est profondément endommagée, notre vie et notre culture juives sont menacées.

Mais c’est de Hollande que viennent les déclarations les plus fortes, peut-être parce que ce pogrom a eu lieu dans la ville d’Anne Frank et à quelques centaines de mètres de la maison où se cachait sa famille dans le vain espoir d’échapper aux nazis. ” Amsterdam se souvient d’une nuit sombre et même aujourd’hui, il fait encore noir. Notre ville est profondément endommagée, notre vie et notre culture juives sont menacées. La guerre au Moyen-Orient menace aussi notre ville… », a indiqué le maire d’Amsterdam.

Le roi Willem-Alexandre lui-même s’est exprimé en termes magnanimes et a exprimé son profond dégoût : « Nous avons laissé tomber la communauté juive pendant la Seconde Guerre mondiale, et hier soir, nous avons encore échoué ».

Hugues Krasner

Vos commentaires
 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :