Marjo. Les Fouf. Marjo aux Foufs. Oui, vous avez bien lu ! Cette rencontre aussi improbable qu’explosive a eu lieu jeudi soir, dans le cadre de Coup de coeur francophone, lors d’une soirée où la foule était si dense qu’on soupçonne les Foufs d’avoir été « plus que pleins »…
Marjo aux Foufs est bien plus qu’un concert : c’est la rencontre de deux forces indomptables, toutes deux apparues au début des années 1980 et qui ont façonné l’âme rebelle du Québec. Marjolène Morin, première rockeuse québécoise, a inspiré plusieurs générations d’artistes par sa passion et son énergie brute. Quant aux Foufounes Électriques, épicentre incontesté de la culture underground québécoise, elles ont été témoins de certaines des pages les plus audacieuses de la scène musicale québécoise.
On s’attendait à rien de moins qu’un moment d’anthologie pour cette rencontre entre deux légendes du rock. Nous n’avons pas été déçus…
Évitez la nostalgie en ancrant les succès passés dans le moment présent
Marjo, on le sait bien, a débuté son ascension avec le groupe Corbeau, à la croisée des années 1980, une époque aussi légendaire que charnière pour le rock québécois. Même après s’être lancée en solo, les chansons de Corbeau n’ont jamais quitté son répertoire. C’est d’ailleurs avec Illégal qu’elle a ouvert la soirée, au délire de ses fidèles.
Le piège de la nostalgie est difficile à éviter pour tout artiste culte qui revisite des tubes de 30, voire 40 ans. Beaucoup échouent en proposant des concerts sans inspiration qui semblent n’exister que pour reconstituer les fonds nécessaires à une retraite bien méritée. Marjo a prouvé hier, à 71 ans, que le rock coule toujours dans ses veines, comme une Source inépuisable de jeunesse.
Marjo était, est toujours et sera toujours une véritable bête de scène. Hier encore, elle l’a prouvé. Sa passion et ce petit quelque chose d’imprévisible vous font croire que tout peut arriver à tout moment. Il a fallu la voir fouler les scènes d’une salle mythique, où plus d’un rockeur légendaire a laissé sa marque, pour se rendre compte qu’elle défie le temps avec une vitalité exceptionnelle. Marjo est du calibre de Mick Jagger, défiant les décennies qui passent, captivant le public comme peu d’artistes savent le faire.
Elle s’est déplacée pendant les 75 minutes du concert d’un bout à l’autre de la salle, enchaînant des coups de pieds acrobatiques et des breaks rock’n’roll. L’acoustique de la petite salle a montré que Marjolène est toujours forte vocalement, ne semblant même pas essoufflée lors d’une prestation très aérobique.
Après avoir interprété Celui qui vaelle a dit :
Ne pensez pas à l’âge. Avancez simplement. Soyez avec le monde.
Juste avant de lancer une séquence Raven très rock, elle a osé dépouiller les feuilles, enlevant sa cravate et son chemisier blanc. Tout près de la scène, on entendait, tant chez les hommes que chez les femmes, de multiples variations de « Estie que est hot ! »
Hier, Marjo avait tout le monde dans sa poche. Elle a pu se connecter avec chaque personne présente, les regardant dans les yeux, touchant leurs mains et souriant aux caméras. Son groupe nous a également lancé du rock très solide à la figure.
Elle a quitté la scène, soulignant l’audace et l’importance du festival Coup de coeur francophone, car “on se défonce le cul pour chanter en français”.
Hier Marjo a réussi à nous faire oublier qu’elle surfait sur les mêmes tubes depuis des décennies en les ancrant dans le moment présent et en bravant ainsi le piège de la nostalgie. Ce qui aurait pu être une soirée intéressante mais fade restera à jamais gravé dans la mémoire de ceux qui n’ont pas abusé du Labatt 50 qui coulait à flots.
Alphonse Bisaillon : Une merveille sur album et sur scène
C’est l’auteur-compositeur-interprète Alphonse Bisaillon qui a eu l’odieuse tâche d’ouvrir la soirée. Odieux, car déjà à 20 heures, une bonne partie du public était déjà très « chaude » et, a priori, peu enclin à prêter attention à un artiste seul devant son clavier.
Celui qui a grandi à Saint-Hyacinthe a vite transformé l’odieux en bénédiction. Il a su conquérir rapidement, par sa verve colorée et ses interventions délicatement drôles et cinglantes, un public initialement inattentif.
Dans l’élan d’autodérision qui caractérise sa carrière, il interprète un extrait de Alphonsecette chanson de Lynda Lemay qui commence par « Je m’appelle Alphonse, ce n’est pas ma faute, ce sont mes parents qui me l’ont fait ». Puis, en clin d’œil au monde du rap, il ouvre les hostilités avec un titre dissident Linda. Une manière très astucieuse de montrer du mordant à un public avide de rock.
Seul au piano, il n’a certainement pas pu dévoiler toute la richesse musicale de son album homonyme, qui mêle des rythmes aussi variés que le rock, le tango et le disco. Cependant, il a magistralement prouvé qu’il avait ce qu’il fallait pour être un incroyable artiste sur scène.
Vêtu d’un t-shirt à l’effigie de la reine de la soirée, il a terminé sa prestation avec un chapeau flamboyant sur la tête. Pour reprendre librement une expression populaire : derrière chaque reine, il y a un roi. Ce roi, hier soir, c’était bien Alphonse. Apprivoiser une foule surexcitée aux Foufs, avec pour seule arme un piano, est assurément un exploit digne d’un roi.
Chapeau bas à Bisaillon. Nul doute que nous ne manquerons pas, au plus vite, de le voir dans un show qui lui est propre.
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