La tragédie du 29 octobre à Valence nous a rappelé à quel point la nature peut être féroce. Cependant, de nombreux experts ont montré que le bilan aurait pu être moins grave, même si les avertissements avaient été émis plus tôt dans la journée. En France, où nous avons subi autrefois des inondations meurtrières, nous essayons de maintenir cette culture de gestion des risques, notamment dans les régions touchées par des épisodes cévenols ou méditerranéens.
Les intempéries meurtrières qui ont frappé l’Espagne le 29 octobre ont réveillé de mauvais souvenirs de l’autre côté de la frontière, notamment dans l’ancien Languedoc-Roussillon. Si jamais, au cours des dernières décennies, inondations et inondations ont fait autant de victimes que dans la région valencienne – le bilan actuel est d’au moins 219 morts -, certains épisodes dans les Cévennes ou en Méditerranée ont néanmoins fait de nombreuses victimes : 11 morts à Nîmes en 1988 ; 35 dans l’Aude, les Pyrénées Orientales et l’Hérault en 1999 ; 22 dans le Gard en 2002 ; 4 sur la seule commune de Lamalou-les-Bains en 2014 ; 5 de la même année entre Gard et Lozère ; 4 encore dans le Gard au printemps dernier… Liste malheureusement non exhaustive.
De l’autre côté du Rhône, à Vaison-la-Romaine, 47 décès sont survenus en 1992, après plusieurs vagues de pluies intenses, jusqu’à 300 mm en moins de six heures. C’est cet événement qui, avec celui de Nîmes quatre ans plus tôt, a suscité une plus grande prise de conscience. « Même si cela s’accélère avec le réchauffement climatique, des événements comme celui de Valence existent dans toute la Méditerranée depuis la nuit des temps, Nîmes, Vaison-la-Romaine, c’étaient les mêmes images mais pour la première fois, nous les avons vus chez nous. téléviseurs”, a rappelé Emma Haziza sur le plateau de Quotidien la semaine dernière.
“A Montpellier, au même niveau d’alerte, on arrête les tramways”
L’hydrologue connaît parfaitement le sujet. Fondatrice de Mayane, centre de recherche sur l’adaptation des territoires au changement climatique basé à Montpellier, elle a également été consultante auprès des préfets de l’Hérault et du Gard dans la gestion des épisodes d’inondations. « Nous avons appris de nos erreurs, nous avons tiré les leçons des événements dévastateurs. De nombreuses actions ont été mises en œuvre pour réduire le nombre de victimes : nous accompagnons les populations dans la réalisation de travaux ou encore dans le déplacement de personnes, nous dispensons des formations sur les risques pour les enfants… Et le système d’alarme est bien consolidé. À Valence, il y a eu l’équivalent d’une alerte rouge et pourtant, les gens n’ont pas changé leur comportement. A Montpellier, au même niveau, on arrête le tramway, on ferme les universités et les écoles. laissons les gens à la maison», énumère Emma Haziza.
Ce travail a véritablement commencé après les terribles inondations meurtrières de 2002, qui ont poussé l’exécutif à légiférer. « Avec la loi de modernisation de la sécurité de 2004, les mentalités ont évolué » C’est l’avis d’Alix Roumagnac, présidente de la société Prédict, basée à Montpellier, fondée en 2006 avec le soutien de Météo France pour accompagner les territoires menacés par les risques climatiques dans la gestion de ces phénomènes.
Urbanisme, sensibilisation
En vingt ans, plusieurs documents d’urbanisme ont vu le jour, à commencer par le Plan des risques naturels d’inondation, qui délimite les zones exposées et les mesures associées pour prévenir ou interdire l’urbanisation. Les collectivités locales concernées ont donc dû élaborer des plans de sauvegarde communaux – ou intercommunaux – identifiant les vulnérabilités et les risques et prévoyant l’organisation nécessaire pour assurer l’alerte, l’information, la protection et l’accompagnement de la population face aux risques.
La loi impose également des actions de sensibilisation du grand public, des actions financées en grande partie par l’État à travers les « Papes », et des plans de prévention des risques naturels d’inondation. Cela peut paraître anecdotique, mais pour préserver la mémoire collective, les villes doivent aussi maintenir des panneaux d’inondation.
Une chaîne efficace
C’est tout ce travail indispensable qui permet de minimiser le nombre de victimes lorsque les vagues sont emportées. « Lors du dernier épisode le plus grave en France, la tempête Alex dans l’arrière-pays niçois qui a fait 20 disparus, 600 mm sont tombés en 8 heures, un événement météorologique plus important que celui de Valence. Dans les réponses, nous constatons que toutes les municipalités ont mis en sécurité 3 000 personnes en évacuant les maisons de retraite, les complexes résidentiels, les parkings et en fermant les ponts.»rembobine Alix Roumagnac, premier maillon de la chaîne, l’envoi d’alertes au fur et à mesure qu’un événement se précise, à la fois auprès des collectivités, mais aussi auprès des assureurs qui font passer le message à leurs assurés. « Entre septembre et octobre, 20 millions de SMS transmettent des messages de sécurité“, explique.
« Au bout de 4-5 ans on a tendance à oublier »
Les données des dernières années confirment une mortalité plus faible en France et dans notre région. Mais les quatre décès, en début d’année, d’automobilistes dans le Gard emportés par la crue du fleuve alors qu’ils traversaient des ponts submersibles, démontrent qu’il ne faut jamais relâcher nos efforts. « Quatre à cinq ans après une catastrophe, victimes mises à part, on a tendance à oublier »analyse Emma Haziza. Chaque année depuis neuf ans, à l’approche de la période critique de l’automne, le préfet de la zone sud de défense et de sécurité lance une campagne de sensibilisation à destination des 9 millions de personnes exposées à ces phénomènes météorologiques intenses sur tout le pourtour méditerranéen. Cette année, il a insisté sur le fait que le changement climatique avait accru le risque malgré tous les efforts entrepris jusqu’à présent. Un mois s’était écoulé depuis la tragédie de Valence.
L’Occitanie, la région la plus exposée
Une étude récente de l’Insee a souligné à quel point l’Occitanie reste sensible au problème. « 27 % des habitants sont exposés aux risques de débordements des rivières, soit 1,6 million de personnes »décrit l’analyse publiée le 10 octobre.
Ce pourcentage est particulièrement élevé dans la zone méditerranéenne, où 70 % de la population touchée vit dans l’un des quatre départements côtiers. Selon l’Insee, 68 000 personnes âgées de 85 ans et plus et 92 000 enfants de moins de 6 ans sont plus vulnérables, notamment parce qu’un tiers des établissements qui les accueillent, écoles, hôpitaux ou Ehpad, sont situés dans ces zones. Près d’un tiers de l’activité économique est également localisé en zone à risque, représentant 160 000 établissements (dont 40 537 dans l’Hérault) et 418 000 salariés. Il existe également 300 000 places dans les équipements touristiques, notamment dans les campings. Enfin, l’Insee révèle que l’Occitanie est la région où les coûts des dégâts liés aux inondations sont les plus élevés : 3 855,5 millions d’euros entre 1995 et 2022, soit 154,2 millions d’euros par an.
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