Et trois ! En baissant les taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) d’un quart de point le 17 octobre, pour la troisième fois après juin et septembre, Christine Lagarde a voulu envoyer un signal fort à l’économie européenne. Une décision qui fait suite au repli de l’inflation, tombée pour la première fois après plus de trois ans sous l’objectif de 2% fixé par la BCE, à 1,7% selon Eurostat, et au risque de ralentissement de la croissance. Et cela est arrivé plus vite que prévu, car c’était dû en décembre. Pour le marché immobilier français, c’est une bonne nouvelle et confirme la tendance à la baisse des taux de crédit. “Nous estimons que les taux d’intérêt pourraient approcher les 3% en moyenne dans les prochains mois”, estime Maël Bernier, directeur des communications et porte-parole du courtier Meilleurtaux.
Des banques remotivées
De quoi alimenter les projets d’acquisitions jusqu’ici bloqués et contribuer à enrayer la paralysie du marché. En effet, la flambée des taux, de 1,03% en octobre 2021 à 4,21% en novembre 2023, hors assurance moyenne et toutes durées de crédit immobilier confondues, selon l’Observatoire du crédit à l’habitat/CSA, avait provoqué une baisse du volume des transactions. de 1,2 million de biens anciens en 2021 à 875 000 en 2023 selon la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). “En 2024, le marché devrait enregistrer environ 760 000 ventes”estime Loïc Cantin, président de cet organisme. Dans le même temps, les banques ont arrêté de prêter : « La contraction a été très violente, avec une production de crédit en baisse de 56 % par rapport au pic de 2022 »confirme Pierre Chapon, co-fondateur du courtier Pretto.
Mais depuis le début de l’année, les taux pratiqués ont progressivement diminué et en septembre ils sont tombés en moyenne à 3,54 %. «Aujourd’hui, les banques sont tout à fait disposées à accorder des crédits, voire des prêts-relais.» clame Brice Cardi, PDG de L’Adresse. De quoi restaurer le pouvoir d’achat immobilier des emprunteurs : “Il semble que le pire soit derrière nous, tant en termes d’activité qu’en termes de prix”, indique Thomas Lefebvre, vice-président scientifique de SeLoger-MeilleursAgents.
À cela s’ajoutent la baisse des prix de l’immobilier, amorcée début 2022, et la hausse des revenus des ménages, dans le sillage de l’inflation. « En un an, dans un contexte de baisse des taux et des prix, le pouvoir d’achat des biens immobiliers a augmenté dans toutes les villes, mais dans des proportions différentes : de 2 à 12 m2 en valeur absolue, mais de 7 à 28 % en valeur relative. calcule Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer. Dans cinq villes, Le Mans, Villeurbanne, Grenoble, Lyon et Nantes, la hausse a été de plus de 20 %, leurs prix baissant simultanément de 6 à 12 %. » Cette analyse reflète bien les disparités géographiques constatées par nos journalistes partout en France.
Après plusieurs mois de hausse des taux de crédit, l’étau se desserre progressivement. Mais les prix continuent de baisser et la construction de nouveaux logements s’est effondrée en raison du manque de prêts aux primo-accédants et aux investisseurs. Crédit : Défis
Le type et la qualité de l’hébergement à prendre en considération
Mais d’autres facteurs entrent en jeu dans ce début de reprise. D’une part, il faut tenir compte de la maison elle-même, de son type et de sa qualité. « Dans chaque crise, on retourne aux origines, rappelle Laurent Demeure, PDG de Coldwell Banker France & Monaco. Les acheteurs ont le choix et la comparaison. Ils sont donc très attentifs à la qualité du bien et sanctionnent le moindre défaut. » Aujourd’hui l’un des principaux points pénalisants est le label énergétique du bien, obtenu à l’issue du diagnostic de performance énergétique (DPE), et qui conditionne la location pour les investisseurs (interdiction pour les biens de classe G au 1ET Janvier 2025, pour F le 1erET Janvier 2028 et pour E le 1erET janvier 2034). Dans ce cas les prix sont négociés de 10 à 15%, voire plus selon la quantité de travaux à prévoir.
Lire aussiVoici les villes où le DPE influence le plus le prix des biens immobiliers
“Il peut y avoir de bonnes opportunités parmi les filtres thermiques pour ceux qui sont prêts à assumer ce travail”, » précise Eric Allouche, directeur général du réseau Era. Mais attention : « Ces acquisitions sont également plus difficiles à financer et nécessitent des estimations pour les futurs dépôts de projets »prévient Alexis Godard, président d’Exell Crédit.
A l’autre bout, malgré un certain ralentissement des transactions, les résidences particulières et autres pieds-à-terre parisiens, voire les splendides villas, de la côte bretonne à la Riviera, continuent de faire fuir les acquéreurs étrangers : “Avec son image renforcée par le succès des Jeux Olympiques et malgré l’instabilité fiscale, la France attire toujours une clientèle fortunée, qui recherchent principalement des biens clé en main, entièrement rénovés et meublés, prêts à emménager immédiatement, commentaire d’Alexander Kraft, président de Sotheby’s International Realty France & Monaco. En attendant les résultats des élections, les Américains notamment continuent de venir et même de faire des offres. »
Le secteur de la construction est dévasté
En revanche, le profil des acheteurs doit être pris en considération. La hausse des taux a mécaniquement exclu les nouveaux acquéreurs, tandis que les normes du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), avec la règle du plafond d’endettement maximum à 35%, ont exclu bon nombre d’investisseurs, «passé de 50% à 25% des réservations», indique David Chouraqui, directeur général adjoint du Crédit Agricole Immobilier. C’est avant tout ce qui a contribué à l’effondrement du nouveau marché intérieur, d’autant plus que le dispositif de défiscalisation Pinel expire le 31 décembre et ne sera pas remplacé. Selon les dernières données publiées par le ministère de la Transition écologique, 337 100 permis de construire avaient été délivrés fin septembre, en baisse de près de 10% et “au niveau le plus bas depuis au moins 2015”et seulement 264 000 ont commencé la construction, soit une baisse de près de 20 %.
Lire aussiImmobilier : la descente aux enfers se poursuit pour le secteur de la construction
Mois après mois, le secteur s’enfonce encore plus dans la crise : « Les constructeurs, ne parvenant plus à commercialiser leurs logements, ne démarrent plus de nouvelles opérations et, pire encore, retirent les programmes actuellement commercialisés, s’alarme Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Au deuxième trimestre 2024, près d’un logement sur quatre a été retiré de la vente. » Cet effondrement a deux conséquences : le déclin de la production de logements sociaux, puisque la moitié d’entre eux sont construits par des promoteurs., Alors que “25 000 emplois ont été détruits au premier trimestre” regrette Olivier Salleron, président de la Fédération française de la construction (FFB), qui prévoit la suppression de 150 000 emplois dans le secteur d’ici 2025, et même 300 000 équivalents temps plein si l’on compte les emplois induits.
Il reste aussi coincé dans le parc social
Un niveau sans précédent : le nombre de familles en attente d’un logement social a atteint 2,7 millions en 2024, soit une augmentation de 100 000 demandeurs par rapport à 2023, selon le rapport de l’Union sociale pour le logement (USH). Dans le détail, 1,8 million de familles recherchent leur premier logement et 870 000 souhaitent en changer : « Cela augmente partout et dans toutes les régions, et montre que la question de l’accès au logement abordable reste très importante »souligne Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH. En octobre, lors de son congrès annuel, l’USH a interpellé la nouvelle ministre du Logement, Valérie Létard, rappelant que le logement social avait atteint en 2023 son plus bas niveau depuis 2005. « Les mesures d’économies de 2017 (réduction du chiffre d’affaires des bailleurs sociaux, augmentation de la TVA, réduction des APL et suppression de l’APL) ont entraîné un ralentissement de la nouvelle production »il a rapporté.
De plus, la nouvelle maison, appréciée des jeunes familles, ne s’en sort pas mieux. Fin juillet, sur un an, les ventes du secteur des commerces (hors complexes résidentiels) étaient encore en baisse de plus d’un tiers en France, à 49 300 unités. Soit une baisse de 60% par rapport à une moyenne annuelle calculée sur la période de référence 2007-2023, égale à 126 000 ventes : « En passant sous le seuil des 50 000 logements, nous n’aurions jamais pensé arriver à ce point » regrette Grégory Monod, président du Pôle Habitat FFB.
Mobilisation politique
Ces dernières semaines, une lueur d’espoir est toutefois apparue. Après l’attentisme lié à la dissolution et à la nomination du nouveau gouvernement, c’est la centriste Valérie Létard, fin expert du secteur, nommé ministre à plein temps du logement et de la rénovation urbaine. Et dans son discours de politique générale, Michel Barnier a annoncé plusieurs mesures en faveur du logement. Y compris la prolongation, actuellement en discussion dans le projet de loi de finances pour 2025, du prêt à taux zéro pour tous les primo-accédants sur l’ensemble du territoire national dans le secteur neuf, et son maintien dans les zones détendues de l’ancien secteur.
Lire aussiValérie Létard : « Nous avons autant besoin de logements sociaux que d’investissements privés »
« C’est un signe très encourageant, qui va donner du répit au marché »espère Caroline Arnould, directrice générale du Cafpi. Tout comme les assouplissements du diagnostic de performance énergétique, encore méconnus, mais qui pourraient permettre la location aussi pour se détendre.
Fichier créé avec MeilleursAgents pour les prix immobiliers utilisés
Related News :