L’ancienne anesthésiste Isabelle Desormeau persiste et signe : elle a offert une mort « digne » à son patient en soulageant ses souffrances et en respectant ses volontés. Elle n’a surtout jamais voulu tuer Raymond Bissonnette en lui donnant un cocktail de sédatifs, a-t-elle juré mercredi en contre-interrogatoire.
Publié hier à 16h03
« À aucun moment je n’ai cherché à provoquer ou à provoquer la mort. […] Dans aucune mesure que j’ai prise, je n’avais l’intention d’accélérer ou de raccourcir un quelconque processus naturel. Il est décédé à cause de sa condition abdominale», a insisté Isabelle Desormeau, très solide lors du contre-interrogatoire mené par le procureur de la Couronne M.e Karine Dalphond, au palais de justice de Saint-Jérôme.
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L’ancien anesthésiste de 53 ans est accusé de l’homicide involontaire de Raymond Bissonnette. Selon la Couronne, elle a « euthanasié » le patient de 84 ans en « précipitant » sa mort en lui injectant un cocktail mortel de drogues après une opération à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé à Laval le 1est Novembre 2019. Elle n’exerce plus la médecine depuis.
Comme la veille, Isabelle Desormeau s’est défendue avec conviction à la barre des témoins. Elle a rappelé que le patient, Raymond Bissonnette, était malheureusement condamné après l’opération. Ses intestins étaient complètement nécrosés et un choc septique mortel était imminent. Le chirurgien avait sommairement refermé la plaie.
Isabelle Desormeau s’était donc entendue avec le chirurgien pour respecter la volonté du patient et ne poursuivre aucun traitement agressif. Le chirurgien Hubert Veilleux lui avait également ordonné de couper la ventilation mécanique et de cesser de lui administrer un produit qui le maintenait en vie (les amines).
L’intensiviste Joseph Dahine – le patron des soins intensifs – a alors fait savoir à Isabelle Desormeau qu’il refusait d’admettre le patient dans son unité, même si un lit lui avait été réservé.
« Il me dit que les soins intensifs ne sont pas un endroit pour mourir. Et qu’il ne voit aucun avantage à admettre un patient mourant », explique-t-elle. Une version rejetée par Dr Dahine au procès.
Mais pourquoi l’accusé n’a-t-il pas « mis le pied à terre » pour s’opposer à la décision de l’intensiviste ?, a demandé le procureur de la Couronne M.e Dalphond.
« Au cours des cinq dernières années, je me suis souvent demandé si j’avais réussi. Non, juge. A partir du moment où je considère que les arguments de Dr Dahine a du sens médicalement, je n’y vois pas d’objection. […] Il me semble tout à fait approprié qu’il reçoive des soins de fin de vie de la part de l’équipe qui l’a soigné toute la nuit », a-t-elle répondu.
D’ailleurs, Isabelle Desormeau a protesté lorsque le procureur a qualifié la situation de « patate chaude ». «Je ne qualifie jamais mon patient de patate chaude», répondit-elle sèchement.
Comme l’accusée n’a jamais prodigué de soins de fin de vie, elle interroge D.r Dahine sur la marche à suivre. Selon l’accusé, l’intensiviste lui a alors donné un « plan détaillé » pour procéder. Elle se sent à l’aise en le faisant. Pourtant, la situation ne lui convient pas. “Cela m’a beaucoup dérangée”, a-t-elle déclaré.
« Si le patient était allé en réanimation, peut-être que je travaillerais encore 5 ans plus tard », philosophe-t-elle.
Isabelle Desormeau rappelle également que Dr Dahine était responsable de la sécurité des patients de l’hôpital et a siégé à plusieurs comités de l’établissement. «Je parle à quelqu’un qui est au courant», dit-elle.
“J’appelle ça une mort digne”
Pourquoi n’appelle-t-elle pas l’unité de soins palliatifs de l’hôpital ?
Je n’ai jamais eu affaire à cet appareil. Les soins palliatifs prodigués à l’étage sont un tout autre domaine. Ce sont des médecins qui traitent une clientèle très différente de celle de M. Bissonnette. Nous ne parlons pas d’une situation où la mort est imminente.
Isabelle Desormeau
Pour respecter le souhait du patient de ne pas persister, Isabelle Desormeau retire donc la ventilation mécanique et cesse l’administration d’« amines », nécessaires au maintien de la tension artérielle.
« Le processus de mourir est en cours », résume-t-elle.
Lorsqu’elle injecte à Raymond Bissonnette un cocktail de fentanyl, son seul objectif est de soulager ses souffrances, insiste-t-elle. Le patient ne doit pas se réveiller lorsque l’effet de l’anesthésie générale commence à s’estomper.
« Mon intervention n’avait qu’un seul objectif : prodiguer des soins palliatifs de qualité. Calmez-le dans ses derniers instants. J’appelle cela une mort digne : respecter son consentement et le soulager », conclut Isabelle Desormeau.
Le procès se poursuit jeudi au palais de justice de Saint-Jérôme. Me Nadine Touma défend l’accusé.
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