« Êtes-vous en train de me dire que nous sommes les premiers intervenants à arriver ? » Les images ont fait le tour des réseaux sociaux et des médias. Trois jours après les inondations meurtrières dans le sud-est de l’Espagne, à Valence et ses environs, les pompiers français du Groupement français de secours en cas de catastrophe (GSCF) ont appris des habitants qu’ils étaient les « premiers » à venir à leur secours. aide.
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Comment les secours français pourraient-ils arriver avant les secours espagnols ? Pourquoi les querelles politiques sont-elles à l’origine d’une mauvaise gestion de la crise ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de cet épisode de crise ? Réponses avec l’analyse de María Elisa Alonso, maître de conférences à l’Université de Lorraine et politologue.
Comment expliquer que les soldats espagnols soient arrivés si tard après la catastrophe ?
Mardi 29 octobre dernier, de violentes inondations ont touché le sud-est de l’Espagne et principalement la région de Valence. Cependant, les premiers secours n’ont été envoyés que trois jours plus tard, vendredi. Cette situation, qualifiée d’« abandon » par les populations affectées, a été largement critiquée par les autorités politiques.
Pour María Elisa Alonso, Carlos Mazón, président de la communauté de Valence depuis 2023, membre du Parti populaire, a été « dépassé par les faits », l’Agence météorologique nationale avait envoyé « toutes les informations concernant les alertes » à la présidence de la communauté autonome.
Le politologue rappelle que l’Espagne est un pays très décentralisé administrativement et que les communautés autonomes disposent de nombreuses prérogatives comme l’éducation, la santé mais aussi les questions de crise. « Nous avons un niveau d’alerte de 1 à 3. C’est le président de chaque communauté autonome qui gère le niveau. Quand c’est une alerte 1 ou 2, c’est lui qui la gère. S’il décide de porter le niveau à 3, c’est le gouvernement central qui prend le dessus”, explique-t-elle.
Pour les inondations, ce niveau n’a jamais dépassé 2. Mais pour avoir des renforts militaires, il faut en faire la demande au gouvernement national. « Toutes ces étapes rendent la gestion de crise plus difficile. C’est pour cela que les soldats sont arrivés si tard », conclut-elle.
Autre remarque des observateurs de cette crise, les 1 200 militaires déployés l’ont été uniquement dans une zone bien précise. « Chaque fois, c’est Mazón qui doit demander le nombre précis de soldats nécessaires, ce qui ralentit le processus d’aide. C’est aussi le cabinet de crise du président de la communauté qui contrôle où doivent se rendre les secours, ainsi que l’aide des volontaires, étrangers ou espagnols. C’est lui qui gère les opérations à 100%. »
Pourquoi les querelles politiques sont-elles au cœur de ces dysfonctionnements de gestion de crise ?
Carlos Mazón a imputé la responsabilité de cette « mauvaise gestion » de la crise au Premier ministre du gouvernement national, Pedro Sánchez, et vice versa. « Les deux sont fautifs. Et chaque événement est bon pour anéantir l’autre, des deux côtés », selon le spécialiste. Elle ajoute : « Les enjeux politiques espagnols entre les deux principaux partis – celui dont il fait partie, à droite, et celui du gouvernement général, le Parti Socialiste Ouvrier espagnol, à gauche – sont en effet au cœur. de cette crise et se sont illustrés dans sa gestion. »
De plus, même si le niveau 3 n’a jamais été déclenché par le président de la communauté valencienne, Pedro Sánchez aurait pu le faire et en reprendre la direction, comme cela s’est fait pendant le Covid. “Mais les querelles politiques sont si fortes qu’il a dit qu’il ne voulait pas de conflit entre les institutions, alors il l’a ‘laissé gérer'”, précise María Elisa Alonso. Pour elle, le Premier ministre aurait dû agir compte tenu de l’inaction depuis trois jours. Elle souligne également que la coopération a été beaucoup plus « fluide » avec la Catalogne, également touchée par les inondations. Le président de la communauté étant un ancien ministre de Pedro Sánchez.
Au total, près de 15 000 militaires et policiers sont déployés sur le terrain, selon l’exécutif, qui précise que ce nombre a doublé en trois jours. Un déploiement toutefois encore jugé insuffisant par une partie de la population. Le conférencier souligne également que la première chose que le parti de Carlos Mazón et le parti d’extrême droite Vox ont fait lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir l’année dernière a été de supprimer une unité créée pour gérer les catastrophes naturelles. « S’il n’y avait pas eu cette décision politique, il n’y aurait pas eu tout ce chaos dans la gestion de la crise », souligne-t-elle.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de cet épisode de crise ?
Plus d’une semaine après ce terrible épisode, 219 personnes sont mortes et 89 autres sont portées disparues, selon les autorités. Face à ce drame, le gouvernement espagnol a dévoilé un plan d’aide de 10,6 milliards d’euros pour les dizaines de milliers d’habitants et d’entreprises touchés.
« Ce qui s’est passé à Valence est vraiment un cas particulier, car l’Espagne est souvent confrontée à des problèmes d’inondations, d’incendies et autres. Mais on n’a jamais vu ce genre de situation de dissonance et de lassitude de la part de la population. Aujourd’hui encore, nous ne connaissons pas encore le nombre exact de personnes disparues », souligne le politologue.
Pour elle, c’est pour cela que la population « a crié contre tout représentant de l’Etat ». Elle souligne que c’est la première fois que le roi est interrogé de cette manière, notamment dans des régions comme Valence. Les attaques physiques contre le Premier ministre sont également sans précédent.
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Selon María Elisa Alonso, l’une des leçons à tirer de cet épisode serait de modifier la loi qui reconnaît la coopération entre institutions pour les niveaux d’alerte, qui date de 1981. « Les parlementaires ont déjà exprimé la nécessité de réviser cette loi pour l’adapter à des circonstances nouvelles, compte tenu de l’ampleur de la situation et des crises à venir avec le réchauffement climatique », explique-t-elle.
En conclusion, elle s’interroge : « Est-ce que Carlos Mazón va démissionner après tous ces dysfonctionnements ? Même s’il répond qu’il n’en a pas l’intention, il y sera peut-être obligé, poussé par son parti. Il est beaucoup interrogé en ce moment. » Élu en 2023, il lui reste encore trois ans de mandat.
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