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Vers une « malgachisation » de la démocratie américaine ?


Aujourd’hui, le monde entier a les yeux rivés sur les États-Unis où les citoyens finissent de voter pour le prochain président américain. Déjà au-delà de tous les doutes liés au résultat final, qui se joue à la rigueur compte tenu des derniers sondages, il existe cependant une certitude : le temps de l’Amérique en tant que modèle démocratique est sur le point de résonner, au vu des outrages et des excès des la campagne. Force est de constater qu’avec ce changement de morale, Donald Trump ressemble de plus en plus à Andry Rajoelina. La démocratie américaine devient malgache, et ce n’est pas tout à son honneur.

On se souvient tous de l’épisode du 6 janvier 2021, où Donald Trump lançait ses partisans à l’assaut du Capitole. Cet acte de brutalité politique, fondé sur une mentalité sans scrupules qui place la violence au-dessus de la Constitution, a fait cinq morts et près de 150 blessés, sans compter les pillages qui ont suivi dans ce temple de la démocratie américaine. Un voyou politique qui lance ses partisans à l’assaut d’un palais d’État pour faire des martyrs : cela ne vous rappelle rien ? Si la garde présidentielle n’avait pas joué son rôle le 7 février 2009, on sait ce qui serait arrivé au palais d’Ambohitsorohitra: on sait le sort réservé aux bâtiments repris par les manifestants de 2009, que ce soit la Suprême et le Citic à Behoririka, via les sociétés du groupe Tiko, ou encore les locaux de l’Office de Radiotélévision Malgache à Anosy.

Ces derniers jours, selon la presse internationale, la rumeur circule selon laquelle les partisans de Donald Trump seraient prêts à mettre le feu au pays si le résultat de l’élection ne leur convenait pas. On a entendu exactement le même genre de rumeur menaçante lors de l’élection présidentielle de 2018 concernant les pro-Rajoelina, dont l’appétit pour la violence et le manque de scrupules lorsqu’il s’agit d’arriver à leurs fins s’est révélé dès 2009. Beaucoup avaient alors peur, y compris lors des élections. système, et a préféré accorder une victoire discutable à l’ancien putschiste plutôt que de prendre le risque de voir la rumeur se vérifier dans la réalité.

Un autre point commun entre Donald Trump et Andry Rajoelina est le manque de dignité malgré leur statut. Si le recours aux insultes et aux grossièretés fait partie de la marque de fabrique américaine, les Malgaches se souviennent avec surprise et honte de la trivialité de l’allusion faite par Rajoelina à «faire pipi dans ton pantalon» provoqué dans son imagination par la peur de ses adversaires de karaté. Peut-on imaginer un seul instant quelqu’un de la stature d’un homme d’État comme le général de Gaule, Barack Obama ou Didier Ratsiraka s’exprimer publiquement avec un vocabulaire aussi scatophile ?

La chance des Etats-Unis : la solidité de ses institutions

Malgré son statut de milliardaire et d’ancien chef d’État, Donald Trump fait à ce jour officiellement l’objet de 34 chefs d’accusation, ce qui témoigne de sa conception plutôt discutable de l’État de droit. On peut en dire autant d’Andry Rajoelina, auteur avéré d’un coup d’État, qui montre aussi sa conception discutable des lois et de la démocratie. La seule différence entre les deux est que le Malgache n’a aucune charge puisqu’il n’y a jamais eu de procès contre lui jusqu’à présent. La raison n’est pas qu’il soit irréprochable, loin de là : son comportement au premier trimestre 2009 est lui-même passible d’innombrables accusations, dont il se plaît désormais à asperger ses opposants, allant de la sécurité de l’État, sans oubliant les troubles à l’ordre public, l’offense au chef de l’Etat ou encore l’incitation à la mutinerie.

Toutefois, aux États-Unis, le système judiciaire fonctionne de manière indépendante et les institutions sont solides. Aussi chef de l’État sortant qu’il l’était en 2020, Donald Trump n’a pas réussi son coup d’Etat de janvier 2021 malgré tous les pouvoirs dont il disposait. Ses partisans qui ont pris d’assaut le Capitole ont été poursuivis en justice et plus de 900 d’entre eux ont été lourdement condamnés. De même, l’État de droit aux États-Unis protégera les citoyens contre l’arbitraire, tandis qu’à Madagascar, l’arbitraire judiciaire est un mode permanent de gouvernement, de pression et d’intimidation. Seuls les pauvres et ceux qui ne sont pas du bon côté politique sont susceptibles d’être inquiétés par la justice et de ne pas bénéficier de l’impunité.

Nous avons vu comment se sont déroulées les dernières élections présidentielles et législatives ; tout comme on a vu autrefois un officier de gendarmerie inventer des commanditaires de bombes artisanales pour intimider le camp légaliste opposé au coup d’Etat de 2009 ; tout comme nous avons vu les forces de répression mater brutalement les manifestations pacifiques de l’opposition ; tout comme on a vu un ancien ministre fiché en flagrant délit de corruption, se retrouver recyclé comme député dans le camp présidentiel. A Anosy, un simple coup de téléphone ou une enveloppe adressée à la bonne personne peut influencer l’issue d’un procès : les rapports d’Afrobaromètre et de Transparency International sont sans équivoque sur ce que pensent les Malgaches de leur système judiciaire. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres pour illustrer comment les institutions se laissent manipuler dans notre pays. Faut-il y voir un problème de compétence ou de corruption de nos juges ? La mentalité du « Nous sommes au pouvoir, donc nous faisons ce que nous voulons » est inhérente à la culture politique du pays.

Enfin, le dernier point commun entre Donald Trump et Andry Rajoelina est leur capacité d’excellents communicateurs, qui leur permet d’hypnotiser leurs bases malgré leurs manquements, mensonges et incompétences sur des sujets sérieux. Trump est un homme de télévision, Rajoelina est un fils de publicité couplé à une formation de DJ. Ils savent donc, chacun à leur manière, séduire les foules en jouant avec les artifices, mais qui suffisent aux fanatiques qui ne réfléchissent pas trop au bien-fondé de ce qu’ils entendent. Et où l’on est devenu maître dans l’art de fausses nouvellesl’autre accumule les promesses non tenues et les pseudo-réalisations. Ils sont maîtres de l’image, même si elle est illusoire, voire trompeuse, y compris sur le plan tatamis. Il est donc normal qu’ils soient unis par le même caractère égocentrique et le même narcissisme exacerbé, qui leur fait penser que leur entrée en politique est la meilleure chose qui soit arrivée à leur pays depuis au moins la préhistoire.

Question : pourquoi Donald Trump fera-t-il tout son possible pour remporter les élections de 2024 ? Réponse : pour satisfaire son ego et pour empêcher les bras de la Justice de se refermer sur lui. De même, la volonté d’éviter que l’on s’intéresse de trop près aux enjeux de ses mandats, qu’ils soient ceux volés par un coup d’État ou ceux obtenus ensuite de façon faramineuse grâce aux urnes, expliquent l’agression de Rajoelina et de son clan contre s’accrocher au pouvoir. La seule différence est qu’on était déjà extrêmement riche en dollars AVANT d’arriver au pouvoir.

 
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