L’historien Claude Blanckaert est décédé le 28 octobre, à l’âge de 72 ans, à Melun, sa ville natale et où il a vécu. La précision et la rigueur de son étude des savoirs naturalistes et des sciences humaines du XVIIIe sièclee au XXe siècle ont influencé de nombreux chercheurs. Il fut le promoteur et l’architecte décisif d’une histoire critique de celles-ci, rassemblant les recherches à travers des ouvrages collectifs et des séminaires.
La science contre l’homme (Autrement, 1993), par son titre et par la variété des contributions, définit un programme dont l’acuité et l’actualité restent intactes. Son œuvre était servie par d’authentiques qualités humaines alliées à une curiosité intellectuelle insatiable – « on ne peut être qu’un chercheur à temps plein »répéta-t-il.
Passionné de paléontologie humaine et du récit de ses découvertes, il avait rêvé, avec son baccalauréat, de partir en Afrique de l’Est pour observer les travaux de Taieb, Johanson, Guillemot et Coppens à la recherche de restes d’australopithèques. (Lucie). Il s’imaginait pionnier dans un domaine de recherche, celui de l’histoire préhistorique. Mais, dans les années 1970, l’histoire des sciences restait essentiellement du domaine de la philosophie.
Nouveau rapport au savoir
Abandonnant sa guitare électrique et son groupe de rock, c’est dans une faculté de philosophie, celle de l’université Paris-XII, à Créteil, qu’il préparera ses diplômes. Son mémoire de maîtrise, dirigé par Anne Fagot-Largeault, l’a amenée à étudier l’histoire du concept de chaînon manquant. Il découvre l’anthropologie telle qu’elle était envisagée au XIXèmee siècle, mais aussi l’évolutionnisme en tant que conception et représentation globale de l’histoire humaine. Il prend conscience de l’importance des facteurs contextuels et de la complexité des généalogies des théories scientifiques.
Claude Blanckaert a également ouvert des dossiers qu’il ne fermera pas : celui de la question de l’origine de l’homme, les paranthropes l’amenant à s’intéresser à la primatologie et aux spéculations sur la frontière entre les grands singes et l’homme, mais aussi à la question complexe de les usages du mot « race », des raciologues du XIXe sièclee siècle au racisme contemporain.
Claude Blanckaert entre à l’université nourri par les auteurs de son temps – Roland Barthes et Michel Foucault en tête – et découvre la forte influence des systèmes de pensée, comme le structuralisme, sur la communauté des sciences humaines, où l’influence marxiste reste forte. Dans le dédale des idées et des écoles, il ouvre une voie originale, soutenu par l’historien Jacques Roger. A ses côtés, il découvre un univers, celui de l’histoire et de la méthode historique, mais aussi un nouveau rapport au savoir, notamment à travers sa fréquentation fréquente du séminaire d’histoire des sciences de la vie.
Il conclut qu’il est nécessaire d’appréhender les sciences dans leur dimension contextuelle, comme activité située dans une époque et un environnement, et dans leur propre historicité. Cette approche historique de l’histoire des sciences, combinée à une étude approfondie des textes, aussi étranges ou hermétiques qu’ils puissent paraître au lecteur contemporain, composeront désormais le style Blanckaert.
Curiosité bienveillante
Sous la direction de Jacques Roger, il soutient sa thèse de doctorat en 1981, Monogénisme et polygénisme en France de Buffon à Paul Broca, 1749-1880. Il a été salué pour la finesse de la démonstration, la qualité des analyses et la richesse des références utilisées. La présence du paléontologue Yves Coppens au sein du jury a rappelé, au-delà du clin d’œil évident à la Source de son engagement intellectuel, la volonté de Claude Blanckaert de favoriser un nécessaire dialogue entre les disciplines.
Après quelques années comme enseignant dans des lycées professionnels, il devient chargé de recherche au CNRS (1985) et rejoint le Centre Alexandre-Koyré (1989), qu’il contribue à constituer comme point d’ancrage institutionnel de l’histoire des sciences. êtres humains enregistrés dans la longue période du XVIIIe sièclee et XIXe siècles.
Avec une curiosité bienveillante, Claude Blanckaert découvre et accueille les travaux d’autres chercheurs et notamment ceux des jeunes. Chaque rencontre était pour lui l’occasion d’établir une relation directe, d’écouter, de discuter et, éventuellement, de« objecter sans être brusque ». Les lieux de ce dialogue étaient nombreux, qu’il s’agisse du séminaire d’histoire des sciences humaines, du séminaire « Musée, objet d’histoire », de la Société française d’histoire des sciences humaines dont il avait cofondé le Comité des travaux historiques et scientifiques. ou les comités de rédaction du Revue de l’histoire des sciences humaines et le Examen sommaire. Claude Blanckaert était un homme de collectifs, qu’il les fonde ou qu’il y participe, toujours désireux d’apprendre et d’échanger avec ses collègues.
Claude Blanckaert et quelques dates
18 juin 1952 Naissance à Melun
1981 Défend sa thèse de doctorat, Monogénisme et polygénisme en France de Buffon à Paul Broca, 1749-1880
1993 La science contre l’hommee (Sinon)
28 octobre 2024 Mort à Melun
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