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Kamel Daoud vainqueur pour « Houris », le Renaudot pour Gaël Faye

Ce lundi 4 novembre, l’Académie Goncourt, réunie au restaurant Drouant, a sacré « Houris », le deuxième roman de Kamel Daoud.

Kamel Daoud en septembre 2024. Son roman « Houris » a également remporté le Prix des lecteurs Landerneau 2024. Photo Franck Ferville/Agence VU

Sur Nathalie Crom

Publié le 4 novembre 2024 à 14h21

Mis à jour le 4 novembre 2024 à 14h54

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LL’écrivain Kamel Daoud a reçu ce lundi 4 novembre le prix Goncourt pour son roman Houris, publié en août dernier chez Gallimard. Élue dès le premier tour par six voix, contre deux pour Hélène Gaudy (Archipels, ed. de L’Olivier), one for Gaël Faye and one for Sandrine Collette (Madeleine avant l’aube, éd. JC Lattès). Parmi les quatre œuvres finalistes des prix littéraires les plus prestigieux et les plus influents de l’automne, Houris était le grand favori – en compagnie de Jacaranda (éd. Grasset), le roman de Gaël Faye, lauréat du prix Renaudot, annoncé, comme chaque année, dans la foulée du Goncourt.

Révélé il y a tout juste dix ans avec son premier roman, Meursault, contre-enquête, une sorte de revisite de L’Étranger, d’Albert Camus, Kamel Daoud, journaliste et écrivain algérien, naturalisé français en 2020, revient, dans Houris, sur la « décennie noire » algérienne : la guerre civile qui a opposé pendant dix ans (1992-2002) le pouvoir politique d’Alger à plusieurs groupes islamistes, dont le GIA, et fait plus de cent cinquante mille victimes.

Aube, le narrateur de Houris, est victime de cette guerre : vingt ans plus tôt, lorsqu’elle était enfant, à Had Chekala, sa « village défunt » (« Avait Chekala où je pouvais crier, compter à haute voix, bouder, sentir la pluie, croquer un citron rugueux ou retrouver ma sœur les yeux fermés, rien qu’à l’odeur de sa peau brune… »), L’Aube faisait partie des dizaines de civils visés par un massacre de masse. La petite fille, égorgée, a survécu, muette, la gorge désormais couverte d’une longue cicatrice.

C’est à l’enfant qu’elle porte dans son ventre que s’adresse le monologue de la jeune femme qu’elle est devenue : « Je suis la véritable trace, la preuve la plus solide attestant de tout ce que nous avons vécu en dix ans en Algérie. Je cache l’histoire de toute une guerre, écrite sur ma peau depuis que je suis enfant. Ceux qui savent lire comprendront en voyant le scandale de mes yeux et la monstruosité de mon sourire. Ceux qui oublient intentionnellement auront peur de moi et de me regarder. »

Un mémorial en papier émouvant et terrible

Sous la plume de Kamel Daoud, le personnage de l’Aube devient la métaphore du silence qui règne en Algérie sur ces années noires, que le pouvoir politique algérien a choisi d’oublier, au nom de la « Concorde civile » décrétée, et dont il est interdit de parler (1) – comme le rappelle, dans l’extrait du roman, un extrait de « La Charte pour la paix et la réconciliation nationale », rédigée par les autorités algériennes en 2005.

Kamel Daoud était journaliste à Oranais Quotidien en janvier 1997, lors des massacres de Had Chekala qui ont fait plus de mille deux cents morts. « De tout cela, il ne reste rien. Les hameaux où ces personnes ont été torturées sont aujourd’hui des lieux de désolation, sans mémoire. Les habitants ont repris le cours de leur vie, mais on ressent toujours le vertige et l’étonnement. Comme le dit Aube […], ces lieux devraient abriter un mémorial, et chaque feuille d’arbre porterait le prénom d’une victime. Face au plus grand massacre de cette décennie, nous cultivons le grand oubli, le grand effacement. » il a expliqué au mensuel Jeune Afrique cet automne. Invitant à voir dans Houris un mémorial en papier émouvant et terrible.

En choisissant Houris et Kamel Daoud, les jurés de l’Académie Goncourt ont exprimé le désir de distinguer un roman politique. Un livre engagé, comme son auteur l’est depuis longtemps, aux côtés de la démocratie, de la justice et des femmes, et contre l’islamisme. Du côté de la vérité, toujours et surtout – contre la négation des crimes passés et présents.

(1) Gallimard, éditeur de Kamel Daoud, s’est vu interdire cette année de participer au Salon du livre d’Alger, qui se tiendra du 6 au 16 novembre.

Nos critiques des finalistes du Goncourt

« Notre voisin », de Gaël Faye

L’histoire du Rwanda à travers quatre générations. Le deuxième roman de l’auteur franco-rwandais tente de percer les silences d’un pays dévasté suite au génocide des Tutsi. Et parler de l’après, de la reconstruction, de la vie.

« Madeleine avant l’aube », de Sandrine Collette

L’arrivée de la jeune Madeleine au hameau des Montées sera autant un péril qu’une bénédiction. Un roman sombre et sensoriel.

“Archipels”, by Hélène Gaudy

Dans ce voyage intimiste, la narratrice marche sur les traces de son père. A votre arrivée, une magnifique et passionnante chasse au trésor.

« Houris », de Kamel Daoud

Dans le sillage de plusieurs victimes de la « décennie noire », c’est tout le destin de l’Algérie qui se dessine. Un roman magistral, déjà lauréat du Prix des Lecteurs Landerneau.

 
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