Cet écrivain franco-algérien de 54 ans a remporté le prix littéraire le plus prestigieux pour « Houris », aux éditions Gallimard.
Un roman très politique dans lequel il évoque le destin d’une jeune femme brisée par les islamistes.
Ancien journaliste, il n’hésite jamais à critiquer la société algérienne et les dérives de sa religion.
Dix ans après avoir remporté le Goncourt pour son premier roman, Kamel Daoud vient de remporter le Goncourt tout court pour Hourispublié aux éditions Gallimard. Dans ce roman à la fois intimiste et politique, cet écrivain franco-algérien de 54 ans prête sa voix à Aube, une jeune femme enceinte qui raconte à la petite fille qu’elle attend le massacre de sa famille par les islamistes qui l’ont tuée. laissé défiguré et muet, vingt ans plus tôt.
“Les progrès d’un pays se mesurent au sort des femmes», raconte régulièrement ce fils de gendarme, né à Mostaganem, petite ville portuaire où il a découvert la littérature. Aîné d’une fratrie de six, il est le seul à étudier. Après un baccalauréat scientifique, il étudie les lettres françaises et devient journaliste. Il a notamment été reporter et spécialiste des faits divers pour l’édition algérienne du magazine. Détectivepuis rédacteur en chef de Oranais Quotidien.
Arrêté pendant le Printemps arabe
Cette période lui permet de se forger une réputation d’intégrité, n’hésitant pas à dénoncer sans détour tout ce qui rongeait la société algérienne sous l’ère Bouteflika : la corruption, l’hypocrisie religieuse, la négligence du pouvoir, la violence, les archaïsmes et toutes formes d’inégalités. En février 2011, il a été brièvement arrêté pour avoir participé à une manifestation dans le cadre du Printemps arabe.
Passé à l’écriture de romans au début des années 2000, Kamel Daoud s’est fait connaître en France en 2014 avec Meursault, contre-enquête, étonnante réécriture de L’étranger d’Albert Camus dont le narrateur est le frère de « l’Arabe » tué par Meursault. Récompensé du Goncourt pour son premier roman, il dispose désormais d’une tribune pour exprimer son point de vue sur l’évolution de la société algérienne.
Menacé par un imam salafiste
“La question religieuse devient vitale dans le monde arabe», explique-t-il quelques mois plus tard sur le plateau de l’émission « On n’est pas couche » de Laurent Ruquier. “Il faut le décider, il faut y réfléchir pour avancer.» Un entretien au cours duquel il évoque également sa proximité avec les milieux islamistes durant sa jeunesse. Et comment la littérature l’a aidé à s’en sortir.
Suite à ces propos, l’imam salafiste Abdelfattah Hamadache Zeraoui réclame l’exécution de l’écrivain sur les réseaux sociaux. “Il a remis en question le Coran ainsi que l’Islam sacré, il a porté atteinte à la dignité des musulmans et a fait l’éloge de l’Occident et des sionistes.», s’emporte-t-il. Un tribunal condamnera cet imam pour « menaces de mort », avant qu’une cour d’appel n’enterre l’affaire.
-
Lire aussi
Le Goncourt 2024 décerné à Kamel Daoud pour « Houris », le Renaudot à Gaël Faye
Naturalisé français, Kamel Daoud a arrêté le journalisme en 2016 suite à sa dénonciation en Le monde de “la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir« . Certains l’ont alors accusé d’entretenir un cliché raciste.»J’ai le droit de penser et de défendre mes idées», a-t-il répondu dans un entretien à l’AFP. “Lorsque vous revendiquez ce droit, vous provoquez des réactions violentes, car vous vous retrouvez dans une sorte de dissidence.« .
Dans son pays de naissance, son exil et sa liberté de ton ne plaisent pas à tout le monde. Il y a quelques semaines, Gallimard a été prié de ne pas venir au Salon du livre d’Alger qui s’ouvre ce mercredi 6 novembre. Comme l’écrit l’auteur dans HourisLa loi algérienne interdit toute évocation dans un livre des événements sanglants de cette période, ce qui empêche son roman d’y être publié, voire importé. Pas sûr que la sentence du Goncourt change la donne.
Related News :