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LE DIVIN de Guillaume Nicloux

SYNOPSIS : Paris, 1896. Sarah Bernhardt est au faîte de sa gloire. Icône de son époque et première star mondiale, l’actrice est aussi un amoureux, libre et moderne, qui défie les conventions. Rencontrez la femme derrière la légende.

ENTRETIEN AVEC GUILLAUME NICLOUX

Sarah Bernhardt est étonnamment moderne, mais c’est aussi un être aux mille facettes. Comment est-elle entrée dans votre vie et votre cinéma ?

GUILLAUME NICLOUX : C’est grâce à Nathalie Leuthreauqui a écrit le scénario qui m’a passionné pour Sarah Bernhardt. J’avoue que je ne la connaissais pas bien, Nathalie a tout lu sur elle et construit une somme extrêmement précise et factuelle avant qu’on identifie peu à peu deux axes parmi la folie et le tourbillon qu’était sa vie : le jour de son jubilé et l’amputation de sa jambe. Pour s’attaquer à ce « monstre sacré », nous avons rapidement éliminé l’obligation d’un biopic réaliste et d’une histoire totalisante. Paradoxalement, les deux moments clés que nous avons choisis sont peu documentés. Le film se niche dans l’absence de certitudes, ce qui est très stimulant pour un cinéaste. Qu’est-ce qui vous rapproche le plus de Sarah Bernhardt ?

J’ai toujours un bagage d’anarchisme punk qui m’amène à m’intéresser aux figures insoumises et à contre-courant, nourries de « ni Dieu ni maître ». Sarah Bernhardt fait partie de ces vampires, capables de vous aspirer par leur présence, leurs exigences et leurs contradictions, leur générosité et leurs excès. C’est une femme trop : trop aimante, trop violente, trop injuste, trop amoureuse de la justice, trop rebelle. Toutes ces facettes ne vont pas les unes sans les autres, et se nourrissent mutuellement. En ce sens il s’agit d’un film « romantique » assumé, une histoire d’amour où la passion d’une femme artiste l’emporte sur la raison et la morale. Un destin unique dont la vie a été guidée par l’imagination et le dépassement de soi. Sa modernité est frappante… Notamment son affranchissement du contrôle patriarcal qui s’exprime tout au long de sa vie, ses amours multiples, son opposition à l’autorité dont elle pratique les excès, son interprétation des rôles masculins… il y a ses engagements politiques, sa bisexualité, sa façon d’assumer la maternité sans mari… c’était très subversif pour l’époque… diriger un théâtre, s’occuper des costumes, des décors, monter les pièces, réécrire le texte s’il ne lui convenait pas. Elle est radicale et têtue, ce qui force le respect. Elle gère elle-même son argent, s’affranchit des bonnes manières, se contredit et le revendique… mais Sarah Bernhardt est aussi avant-gardiste dans son art car elle invente un jeu théâtral. Il est très troublant de voir comment elle applique par avance la méthode Stanislavski en faisant appel à sa mémoire émotionnelle. Selon elle, pour jouer la douleur sur scène, il faut avoir mal, pour faire pleurer, il faut que de vraies larmes coulent, et même si elle affirme dans le film qu’il faut surtout donner envie de pleurer, l’interprétation le fait. n’exclut pas de ne pas souffrir. Cependant, son jeu ne correspond pas à l’intériorité que Kazan et Strasberg développeront plus tard à l’Actors Studio. Elle a réussi avant l’heure le mariage improbable entre intériorité et excentricité. Lorsque Nathalie et moi avons entendu la voix de Sarah Bernhardt dans la maison de Jean Cocteau, nous avons été stupéfaits par la façon dont elle déclamait. Jouer ainsi aujourd’hui semblerait complètement surréaliste.

Sandrine Kiberlain est exceptionnelle. Avez-vous pensé à elle dès le début de l’aventure ?

GUILLAUME NICLOUX : Oui. La première lecture d’une version du scénario de Sandrine remonte à il y a cinq ans. Nous le lui avons envoyé et le jour même, elle nous a appelé à 23 heures pour nous dire qu’elle était enthousiasmée par le projet. C’était très stimulant de savoir qu’on avait touché une corde sensible chez une actrice émue par le destin singulier d’une autre actrice. Et Sandrine a été extraordinaire par son inventivité et sa concentration tout au long du tournage. Au point qu’elle m’a donné l’impression de découvrir Sarah Bernhardt en la regardant. Par exemple, tout d’un coup, alors qu’elle jouait Sarah, dans sa période de vieillesse, un rire est apparu, auquel je ne m’attendais absolument pas. D’où vient-il ? Je n’en sais rien. Toutes les scènes sont fortes, car pleines d’excès, et il ne fallait pas en faire trop ni être ridicule. La devise de Sarah Bernhardt est « tout de même ». « Pourtant, je vais le faire. » Et Sandrine l’a fait complètement et à merveille. Il n’y a presque aucune scène sans elle. Sandrine Kiberlain est Sarah Bernhardt sans jouer comme elle. La question de l’imitation s’est-elle posée ? Non. Nous savions que ce serait impossible et cela ne m’intéressait pas. En revanche, il fallait réinventer Sarah de manière à ce qu’on comprenne pourquoi elle était si fascinante, pourquoi le public était bouleversé, pourquoi les femmes et les hommes s’évanouissaient dans la salle. Pour instaurer un jeu intériorisé, nous avons commencé par une scène d’agonie, elle les adorait, où l’on peut se laisser prendre au leurre, pour asseoir définitivement l’engagement qu’elle mettait dans ses rôles.

INTERVIEW WITH SANDRINE KIBERLAIN

Comment construit-on un personnage comme Sarah Bernhardt ?SANDRINE KIBERLAIN:

Peut-être en évitant toute construction volontaire. Il ne faut surtout pas penser à ce qu’il représente, à son aura de « monstre sacré » comme le qualifiait Cocteau. Ce serait intimidant. Je me suis attaché à des données plus intangibles : son énergie, sa liberté, en essayant de me libérer au plus vite de ce qui aurait pu être un obstacle.

Qu’avez-vous découvert lors de cette plongée dans les eaux de Sarah Bernhardt ?

SANDRINE KIBERLAIN: J’ai découvert la femme. J’ai lu plusieurs biographies dont ses mémoires pendant que j’apprenais le texte. C’est le seul travail que j’ai fait au préalable : connaître le texte comme s’il s’agissait de ma propre langue. C’était la première fois que je travaillais avec un répétiteur et pendant trois mois j’ai appris les lignes. Il a fallu l’assimiler complètement, car Sarah Bernhardt s’exprime très vite. Il est impossible d’hésiter et de dire un mot pour un autre. Nous avons commencé le tournage en janvier, j’ai commencé en octobre, comme on apprend une pièce de théâtre, par des lectures à table, qu’il fallait enregistrer dans mon cerveau. Et petit à petit, comme Sarah l’a appris, elle est arrivée. J’osais de plus en plus donner le ton, les intentions. J’ai appris à la connaître.

Le film est aussi un documentaire sur une actrice jouant une autre actrice…

SANDRINE KIBERLAIN: Absolument. Ce n’est que récemment que j’ai réalisé que le film était aussi un documentaire sur le jeu.

Nathalie Leuthreau

Véritable mythe devenue la première « star » connue à travers le monde, Sarah Bernhardt intrigue. Elle non seulement marqué d’une marque indélébile de son époque, mais son nom a traversé le XXe siècle et perdure encore aujourd’hui. Encore, Il est clair que peu de gens savent vraiment qui elle était.

« Sarah Bernhardt, The Divine » n’est donc pas un biopic mais un portrait inspiré de la vie de Sarah Bernhardt. Une Sarah dessinée à partir d’un geste libre, à son image, assumant le mensonge dans sa plus belle sincérité.»

 
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