DDifficile d’être honnête avec son ami « artiste » qui se prend pour Van Gogh mais qui accumule les croûtes. Lorsque vous avez le courage de lui conseiller de reconsidérer son projet professionnel, il vous rétorque, avec un aplomb qui sème le doute en vous, que Van Gogh s’est fait connaître après sa mort. Même si le peintre néerlandais n’a pas pu vivre de son art, ses tableaux se vendent aujourd’hui pour des millions d’euros. Généreux, il promet même d’inscrire votre nom sur son héritage.
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Votre ami a-t-il raison de s’accrocher à ce que les chercheurs appellent « l’effet mortel » ? En d’autres termes, est-il vrai qu’après la mort d’un artiste, une œuvre prend considérablement de la valeur ? Luc Ferry n’y croit pas. Dans un éditorial sur le sujet publié par Le Figaroil écrit : « La vérité est que, hormis une période très courte et un « modernisme » exacerbé propre au seul XXe sièclee siècle, les vrais artistes et les écrivains les plus authentiques n’ont jamais été marginalisés, méconnus et démunis. Picasso lui-même, qu’on l’aime ou non, fut de son vivant une star incomparable, plus riche et adorée que Mick Jagger ou Marilyn Monroe. »
L’« effet de mort » sur les artistes se produit réellement lorsqu’ils sont en vie
Bien entendu, les « plus grands » restent à jamais dans la mémoire collective. Mais qu’en est-il des autres artistes ? Au-delà des sentiments, des chercheurs ont tenté d’évaluer l’effet de la mort sur la popularité d’une œuvre. Pour mesurer la popularité, ils se basent sur la valeur monétaire des œuvres. Les économistes Robert B. Ekelund et John D. Jackson, dans une étude sur le marché de l’art, y compris l’effet de mort, ont analysé un ensemble de données unique comprenant 14 000 ventes aux enchères d’art impliquant 80 artistes nés aux États-Unis. avant 1950. Ils nous proposent une réévaluation intéressante : cet « effet de mort » serait en réalité plus actif avant la mort de l’artiste.
Les prix des œuvres d’un artiste à la fin de sa vie augmenteraient « avant » sa mort. Les acheteurs pressentent la fin du monopole et s’y précipitent, anticipant l’arrêt imminent de la production. L’idée est de parier sur des obsèques à venir. Charmant, non ? Les deux chercheurs révèlent une hausse régulière des prix dans les cinq années précédant le décès d’un artiste, puis un effondrement l’année de sa mort. Alors si votre ami artiste attend patiemment que la mort fasse son œuvre pour faire grimper ses prix, il risque d’être déçu.
A long terme, la mort plonge encore plus l’artiste dans l’oubli
Et que se passe-t-il à long terme ? Une étude fascinante de Letian Zhang et ses collègues, s’étalant sur plus de deux siècles, lève le voile sur l’évolution des réputations artistiques entre 1795 et 2020. Chiffres concrets en main, ils démontrent que la plupart des artistes, même ceux qui ont brillé comme des étoiles filantes au cours de leur vie, voient leur éclat s’estomper progressivement après leur mort.
Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont plongé dans une colossale base de données de journaux, analysant 3 394 artistes, des peintres aux compositeurs en passant par les écrivains. A l’aide de modèles « encastrables », ils ont traqué les mots doux ou épicés associés à leurs noms, « brillant », « brillant », « accompli », « médiocre » ou « oublié ».
En moyenne, la réputation d’un artiste commence à décliner juste après sa mort. Au cours du siècle qui suit leur mort, la réputation des artistes étudiés décline d’un écart-type entier. Ce déclin s’observe pour presque tous les artistes, y compris ceux qui furent extrêmement célèbres de leur vivant.
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Plus nous montons haut, plus la chute sera dure. Les artistes les plus renommés connaissent la « plus forte baisse » après leur décès, tandis que ceux dont la réputation est moindre ou modeste connaissent une baisse moins forte. Quant à ceux qui sont morts jeunes au plus fort de leur élan créatif, leur réputation est restée stable pendant une quarantaine d’années avant de sombrer dans l’oubli. Une période de grâce, pourrait-on dire.
Les artistes octogénaires n’ont pas cette « chance » : leur réputation s’effondre presque immédiatement après leur mort. Aucune raison de compter sur l’immortalité artistique pour assurer sa vieillesse. Comme le disait si bien Jean Cocteau : « Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. »
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