News Day FR

Pourquoi il est difficile d’identifier les décès dus à la chaleur au travail

>
Travaux sur les voies d’un tramway à Bordeaux, en pleine canicule, le 29 juillet 2024. PHILIPPE LOPEZ / AFP

Pour 48 accidents du travail mortels liés à la chaleur officiellement recensés par Santé publique depuis 2018, combien passent sous les radars ? « Le nombre de décès est clairement sous-estimé, admet Guillaume Boulanger, responsable de l’unité qualité des milieux de vie et de travail et santé de la population au sein de l’agence. Les cas identifiés ne sont que la pointe de l’iceberg. »

Pour établir ce décompte annuel, l’agence est, en effet, entièrement dépendante des chiffres transmis par la direction générale du travail du ministère du Travail, qui s’appuie elle-même sur les remontées de l’inspection médicale du travail (IMT). Après chaque accident mortel, quelle qu’en soit la cause, un inspecteur du travail est dépêché sur le terrain pour une enquête. C’est alors que les agents peuvent constater un lien avec la chaleur, à partir de leurs observations : températures élevées, symptômes médicaux chez la victime, manquements évidents à la sécurité de la part de l’employeur (comme l’absence d’eau à proximité), etc.

Ces relevés sont transmis à l’IMT qui les analyse et les complète pour déterminer quels accidents peuvent être attribués aux conditions climatiques. L’âge de la victime, la nature des tâches et leur pénibilité, le lieu de travail, son niveau d’ensoleillement et sa température, ainsi que l’heure de la journée et la saison sont pris en compte.

“Juste un sentiment subjectif”

Or, selon Guillaume Boulanger, les inspecteurs du travail ne font pas toujours le lien entre chaleur et décès. Dans les formulaires de rapport, cela Le monde a pu obtenir, plusieurs agents de contrôle admettent leurs limites : « Concernant le lien avec les chaleurs extrêmes, il reste non résolu mais ne peut être exclu en l’état. écrit l’un d’eux, inquiet du décès d’une femme de ménage, en août 2020. Quand j’ai pu entrer dans le bungalow (…) l’atmosphère à l’intérieur était très confinée, mais ce n’est qu’un sentiment subjectif. » L’inspection du travail souffre également d’un sous-effectif chronique, avec un taux de vacance de 18% dans les 2.048 sections du territoire, en 2022, selon la Cour des comptes.

Étonnamment, en 2021, alors que l’été a été annoncé comme le plus chaud jamais enregistré en Europe, aucune victime d’accidents du travail mortels liés à la chaleur n’a été recensée, contre huit à douze par an les autres années. Certains décès font également l’objet de débats au sein de l’inspection médicale du travail, et il n’est pas toujours facile de distinguer ce qui conduit à leur inclusion ou à leur exclusion du recensement. En juin 2019, un tailleur de 56 ans décède de maladie dans une fonderie d’acier des Hauts-de-France. « Peut-être lié à la chaleur liée au lieu de travail, mais probablement pas à la chaleur extérieure »note l’inspecteur. L’IMT a décidé de le rayer du décompte, estimant que la chaleur de l’environnement de travail de la victime n’était pas inhabituelle, et constatant que le département n’était alors pas soumis à une alerte canicule.

Il vous reste 40,88% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :