Les nuages jouent un rôle crucial dans la dynamique climatique de l’atmosphère, mais leurs effets sont Source de nombreuses incertitudes dans les modèles. Ces zones d’ombre sont néanmoins de mieux en mieux comprises. Par exemple, un nouveau mécanisme contribuant à leur formation vient d’être identifié par Jiaoshi Zhang, de l’université Washington de Saint-Louis, et ses collègues.
La naissance des nuages relève autant de la physique que de la chimie. Dans la troposphère, couche atmosphérique la plus proche du sol et qui s’élève à environ 15 kilomètres au-dessus du niveau de la mer, la vapeur d’eau se condense pour former des gouttelettes. Ceux-ci deviennent, selon différents paramètres météorologiques (température, humidité, pression atmosphérique), des stratocumulus, des cumulonimbus ou des cirrus.
Mais pour se condenser, la vapeur a besoin de la présence de particules en suspension dans l’air pour s’y fixer. Jusqu’à présent, pour les climatologues, la formation de nouvelles particules au-dessus des nuages, dans la haute troposphère, résultait de processus dits « convectifs » : les aérosols (particules fines) émis depuis la surface terrestre montaient et grandissaient. par des réactions chimiques complexes.
Cependant, Jiaoshi Zhang et ses collègues ont identifié un autre mécanisme de formation de ces particules. Grâce aux données d’observation glanées lors de deux missions menées par la NASA en 2016 et 2017 dans les régions nord de l’océan Pacifique et de l’océan Atlantique, ils ont mis en évidence un processus chimique de création de particules se déroulant au niveau de la tropopause. Cette dernière marque la frontière entre la troposphère, riche en vapeur d’eau, et la stratosphère, au-dessus, dont l’air sec est chargé en ozone (O3), avec la fameuse couche d’ozone qui nous protège des rayons ultraviolets du soleil. Lorsqu’une masse d’air stratosphérique, chargée en ozone, franchit cette frontière et descend dans la troposphère, une réaction d’oxydation entraîne la formation de nouvelles particules.
Les chercheurs ont montré qu’en descendant dans la troposphère, l’air stratosphérique chargé en ozone réagit avec la vapeur d’eau, favorisant la production d’un oxydant dominant dans l’atmosphère : le radical hydroxyle (OH). Des concentrations élevées d’hydroxyles, proches de la tropopause, se trouvent dans un environnement riche en dioxyde de soufre (SO2). Mais l’association de SO2 et OH conduit à la production d’acide sulfurique, connu pour déclencher la formation de nouvelles particules de soufre.
L’équipe a également constaté que ce phénomène météorologique se produisait plus fréquemment lorsque l’ensoleillement de la journée était à son maximum, son intensité étant plus forte en été. Cette observation est un indice qui renforce le scénario proposé, car on sait que le rayonnement solaire favorise la production de radicaux hydroxyles. Par ailleurs, la formation de particules par intrusions d’air stratosphérique a été observée dans de vastes zones géographiques, notamment dans les zones marines, aux basses et hautes latitudes.
Ce nouveau mécanisme de formation de particules à l’origine des nuages sera essentiel pour améliorer les modèles climatiques. C’est d’autant plus crucial que les fortes concentrations de dioxyde de soufre dans la troposphère résultent, entre autres, du trafic aérien et des méga-incendies. «À l’époque préindustrielle, les émissions de SO2 étaient plus faibles, précise Slimane Bekki, chercheur au Laboratoire d’atmosphères et d’observations spatiales de l’Institut Pierre-Simon-Laplace. De nos jours, les émissions de SO2 sont essentiellement anthropiques. Ils peuvent influencer la formation des cirrus et donc le climat. Il faudra intégrer correctement ce mécanisme dans les modèles climatiques pour prendre en compte les effets de ces émissions anthropiques. »
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