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soutien de la population locale, désinformation, soldats nord-coréens… où est l’armée ukrainienne à Koursk ?

l’essentiel
Journaliste et correspondant de guerre en Ukraine, Cyrille Amoursky a pu se rendre en Russie, dans le secteur de Koursk tenu depuis début août par l’armée ukrainienne. Il rend compte de la situation sur place et décrypte les enjeux. Entretien.

La Dépêche du Midi : Vous étiez en Russie, dans la région de Koursk, il y a trois semaines. Quelle est la situation de l’armée ukrainienne face aux forces russes, dans cet « angle mort » du front ?

Cyrille Amoursky : Les Ukrainiens sont entrés dans cette partie de la région de Koursk début août. Après avoir contrôlé jusqu’à 1 000 km² (à titre de comparaison la Haute-Garonne fait 6 300 km², NDLR) ils contrôlent désormais 500 à 600 km², le reste étant une zone grise où personne ne s’impose vraiment. Or, l’objectif affiché du pouvoir russe était de récupérer l’ensemble de la région avant le 1er octobre. Nous sommes le 30 et la Russie n’y est toujours pas parvenue. Si les Ukrainiens ont effectivement perdu du terrain, ils ne sont pas prêts de baisser les bras et avec mes collègues nous avons pu constater des flux constants de matériel.

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Qu’avez-vous observé sur place ?

En route vers Soudja, j’ai traversé les petits villages entourant cette ville et j’ai pu voir des bâtiments détruits ou endommagés alors qu’ils étaient presque encore intacts trois semaines après l’entrée des Ukrainiens. C’est depuis la réponse russe qu’ils subissent des tirs d’artillerie et des bombardements de l’aviation russe. Des civils russes le confirment sur place. Selon eux, les Ukrainiens n’ont aucun intérêt à bombarder leurs propres positions puisqu’ils ont déjà installé un QG et sont stationnés à proximité. J’ai également pu entendre des tirs, notamment de mortiers, relativement proches lorsque j’étais à Soudja. Mes collègues venus quelques semaines plus tôt n’en avaient pas entendu un seul, car l’armée ukrainienne était plus loin. On entend surtout cette artillerie de corps à corps car pour l’artillerie lourde, la César par exemple, les Ukrainiens disposent d’une portée qui leur permet de tirer depuis chez eux. Quoi qu’il en soit, la zone est devenue plus dangereuse qu’elle ne l’était. Quelques jours plus tôt, un autre groupe de journalistes avait été attaqué par des drones russes.

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Vous êtes vous-même franco-russe et vous avez vécu en Ukraine. Quel est l’état d’esprit des Russes avec lesquels vous avez pu discuter directement ?

Ils sont tous inquiets. Certains préfèrent ne pas s’exprimer devant la caméra car ils ont peur des conséquences de la libération de la région, sachant que c’est une question de temps. Les Ukrainiens l’ont eux-mêmes annoncé, ils n’ont aucune envie de rester, à long terme. D’autres sont très clairs : ils se sont toujours opposés à cette guerre et expliquent que l’armée ukrainienne leur a permis de survivre parce que la Russie bombardait constamment leurs quartiers. Ils ont pu obtenir un endroit où se réfugier, de la nourriture, de l’eau, des médicaments, même si le gouvernement russe n’a absolument jamais proposé de couloir humanitaire pour les évacuer. Pire, ils sont même considérés par la propagande russe comme des traîtres, notamment parce que le gouvernement souhaite oublier cet épisode humiliant pour la Russie, à savoir qu’une armée étrangère peut aujourd’hui continuer à contrôler une partie du territoire russe sans que la Russie puisse répondre par une menace nucléaire ou par des ses armes. Certains disent également soutenir l’action ukrainienne et vouloir quitter la Russie pour se réfugier en Ukraine ou dans l’Union européenne. Mais il est important de garder à l’esprit qu’il s’agit ici de témoignages de civils encerclés par l’armée ukrainienne. On ne sait donc pas dans quelle mesure ils sont sincères, voulant peut-être simplement gagner la confiance des Ukrainiens alors qu’ils changeront peut-être de ton au retour de l’armée russe.

La Russie a pris 478 km² en octobre. Que pèse cette zone de Koursk pour Kyiv ?

Les Ukrainiens veulent utiliser ce territoire comme un atout dans une négociation ou comme monnaie d’échange. Ils pensent aussi qu’avoir amené la guerre sur le sol russe peut obliger les Occidentaux à se poser la question de la légitimité et de la réalité des lignes rouges qu’ils leur ont fixées concernant les armes fournies, et à ne pas utiliser sur le territoire russe notamment… mais interpellons-les également sur les lignes rouges fixées par Vladimir Poutine, car ses menaces de représailles disproportionnées en cas d’attaque directe contre la Russie n’ont pas eu lieu.

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Quelle conscience avaient les Russes rencontrés de la guerre, jusqu’à l’arrivée des troupes ukrainiennes ?

Hormis une personne d’origine ukrainienne dont j’ai pu vérifier le témoignage, ils n’avaient absolument aucune idée de ce qui se passait avant que l’armée ukrainienne ne leur montre des images de villes ukrainiennes détruites comme Boucha, Irpin, Marioupol et bien d’autres encore. autres. Après, on ne sait pas dans quelle mesure cela est vrai. Peut-être mentent-ils aussi parce qu’ils ne veulent pas paraître responsables devant les caméras occidentales. Cependant, ils se rendent compte que leur téléviseur ne rend absolument pas compte de la réalité. Ils ne savaient pas de quoi leur propre armée était capable. J’ai pu voir en temps réel la réaction d’un couple aux images de Boutcha et de Marioupol qu’ils ont découvertes. Leur émotion était forte, réelle, et je considère leur témoignage comme authentique car ils sortaient tout juste de leur grenier après deux mois d’occupation. La femme a pleuré, a déclaré que c’était absolument inacceptable, qu’elle n’aurait jamais pu imaginer que son armée, l’armée russe, soit capable de telles horreurs.

10 000 soldats nord-coréens se trouveraient sur ce saillant de Koursk. De quelles informations disposez-vous ?

Pour l’instant, nous n’avons aucun témoignage de la part des militaires ukrainiens. D’un autre côté, nous avons des vidéos dans lesquelles des soldats russes critiquent les Nord-Coréens pour leurs capacités militaires et leur condition physique. Et il y a aussi un ton raciste dans ces histoires où ils sont traités de « Chinois », traités « d’Asiatiques » avec un certain mépris et considérés comme des incompétents.

 
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