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Quel avenir pour Gaveau ?

Il est situé dans l’ouest parisien cossu, non loin du théâtre des Champs-Elysées. La salle Gaveau, une des scènes historiques de musique de chambre à Paris, construite en 1907, vient d’être achetée par Jean-Marc Dumontet. Producteur, propriétaire de cinq salles à Paris et référent culture d’Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielleil a déboursé huit millions d’euros pour acquérir la marque et l’entreprise. Il dit vouloir renouveler Gaveau. Avec cette reprise, une page se tourne pour le lieu dirigé depuis 48 ans par Chantal et Jean-Marie Fournier : un couple passionné. Lui est pianiste, elle est professeure agrégée de musicologie. Ils ont sauvé la salle de la destruction en 1976. Locataires de longue date, ils en sont devenus propriétaires en 2005. Et aujourd’hui, il est temps pour eux, à presque 80 ans, de remettre les rênes.

Nous les rencontrons dans leur bureau, en plein déménagement. ” C’est un peu ma tour de contrôle. Comme vous le voyez, nous voyons tout ce qui se passe, nous montre Jean-Marie Fournier. Il y a 40 ans de photos : des photos avec Rostropovitch, avec des artistes que j’ai réalisés, etc. Tout ça est mis dans les cartons. » En 48 ans, les époux Fournier ont produit de nombreux artistes mais ils ont également réalisé d’importants travaux de rénovation avec la volonté, notamment, de retrouver l’esthétique originelle de Gaveau et de préserver l’acoustique de la salle. Jean-Marie Fournier nous fait visiter : « Vous disposez de 500 places dans l’orchestre démontables, 300 places au premier balcon et 200 places au deuxième balcon. La scène que vous voyez est dans la pièce. Habituellement, dans les salles, pour cacher les projecteurs, vous avez ce qu’on appelle des cintres, on y accroche notamment des rideaux. Mais tout cela bouffe un peu le son. Alors qu’ici, tout le son va dans la pièce. Cela permet une acoustique exceptionnelle. »

La pièce conservera-t-elle son ADN ?

Il s’agit donc d’une salle conçue avant tout pour la musique, avec une petite capacité : 1020 places au total. Va-t-elle garder son ADN ? C’est vrai que la question se pose puisqu’a priori, la musique classique n’est pas le domaine de prédilection de Jean-Marc Dumontet, l’acheteur, que l’on connaît davantage dans le monde de l’humour et du théâtre. Pour l’instant, la programmation n’est pas définie, nous dit-il, mais il assure que la musique classique restera » la colonne vertébrale » de la pièce. Et même si l’architecture de la salle – sans cintre ni rideau – présente un certain nombre de contraintes, Jean-Marc Dumontet y envisage encore d’autres types de mises en scène : « Je vais l’ouvrir à d’autres genres et donc, dans les prochaines semaines, les prochains mois, je vais faire venir des réalisateurs, des artistes, des acteurs dans la salle pour voir quels sont leurs rêves au sein de Gaveau et comment ils se projeter eux-mêmes. C’est à partir de là que je pourrai imaginer un programme. Je n’exclus aucune discipline. Mais à chaque fois, je mettrai la barre haute. Il faut être excellent car mon intérêt premier est de maintenir l’excellence de Gaveau. »

L’un des objectifs est aussi, nous confie-t-il, d’attirer un nouveau public : « Aujourd’hui, la salle Gaveau connaît une fréquentation qui n’est liée qu’à la musique classique. C’est déjà beau mais ce n’est pas suffisant car dans l’année, aujourd’hui, il y a 40 ou 50 concerts par an. Ce n’est absolument pas suffisant pour faire fonctionner une salle, il faut donc augmenter le nombre de créneaux et s’ouvrir à de nouveaux publics. »

Des événements « cohérents avec le lieu »

La salle Gaveau avait également ouvert sa programmation à des conférences avec des invités du monde de la culture mais aussi des sphères médiatique et politique. Parmi les invités réguliers : Christine Kelly, figure de la chaîne CNews. Jean-Marc Dumontet compte-t-il conserver ces rencontres ? Il n’exclut pas d’organiser des conférences mais, nous dit-il, les événements doivent être cohérents avec le lieu. ” Lorsqu’il s’agit de conférences avec des journalistes, cela ne correspond pas à mon avis à l’ADN de Gaveau. Je crois que les conférences doivent être liées à ce qui se passe à Gaveau. A priori, nous n’organiserons pas de conférences politiques. »

L’enjeu, actuellement, est aussi de redonner une certaine attractivité à Gaveau, qui n’était plus vraiment en vogue, qui avait du mal à attirer le public. Un constat qui s’explique par de multiples facteurs mais Gaveau souffre sans doute de sa programmation difficile à lire. ” Historiquement, la salle a toujours été un garage de concerts mais à une époque où toutes les salles fonctionnaient de la même manière, explique le critique musical Alain Lompech. Elle a été la dernière à fonctionner de cette façon et à une époque où cela ne fonctionne plus. Donc, de ce point de vue-là, ça doit changer, oui. C’est à dire qu’il doit probablement avoir une programmation concertée, pensée avec des axes de manière à avoir une identité qui n’est pas celle d’un lieu où les récitals se succèdent. »

«Nous sommes étonnés qu’une salle comme Gaveau ne puisse pas retrouver son public très régulièrement»

Et il faut rappeler que depuis dix ans, le paysage musical parisien a changé avec la création de la Philharmonie et la fin de la musique classique à Pleyel. Alors, y a-t-il un lien de cause à effet ? Nous avons posé la question à Emmanuelle Giulianijournaliste culturel à La Croix et spécialiste de la musique classique. ” On pourrait dire : « la musique classique était au centre de Paris, surtout la rive droite et l’ouest de la rive droite, les quartiers bourgeois, et elle se serait déplacée vers le Nord-Est avec la Philharmonie ». C’est indéniable. Et en même temps, dans une ville comme Paris et une agglomération comme l’Île-de-, on s’étonne encore qu’une salle comme Gaveau ne puisse pas retrouver très régulièrement son public. »

Alors Gaveau doit-il se renouveler, comme le souhaite Jean-Marc Dumontet ? Oui, mais cela dépend de ce que cela signifie, estime le journaliste. ” Peut-on créer autour d’une salle et du désir des artistes un lieu de rencontre où différentes disciplines ne mènent pas leur vie en parallèle mais souhaitent travailler ensemble ? Si ça peut devenir ça, c’est génial ! Mais, s’il s’agit de juxtaposition de spectacles clé en main, là, à vrai dire, je suis plus sceptique. » Et si, côté programmation, l’heure est encore à la réflexion, Jean-Marc Dumontet a déjà annoncé la conception prochaine d’un nouveau logo et la création d’un restaurant qui devrait ouvrir à la fin de l’année.

 
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