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“Il est important de prendre conscience que ces événements ne sont plus exceptionnels”, prévient François Gemenne

Peut-on encore parler d’événements exceptionnels alors que ces épisodes de fortes pluies sont de plus en plus fréquents, comme en Ardèche il y a quinze jours ?

Oui, il faut bien comprendre que ces événements ne sont plus exceptionnels, leur récurrence démontre qu’ils sont désormais des événements quotidiens, notamment dans les régions du sud de l’Europe, autour du bassin méditerranéen. La fréquence de ces épisodes climatiques nécessite donc une adaptation en profondeur aux conséquences du réchauffement climatique.

Comment expliquer ce phénomène ?

Si ces pluies et inondations deviennent de plus en plus fréquentes, c’est évidemment une conséquence du réchauffement climatique. Il y a aussi le phénomène météorologique de la « goutte froide » habituel en automne en Méditerranée. Concrètement, il s’agit d’une dépression isolée en haute altitude provoquant de violentes pluies avec une masse d’air froid qui se retrouve emprisonnée en altitude avant d’entrer en collision avec une masse d’air chaud. C’est cette dépression qui a également provoqué les inondations massives en Ardèche il y a deux semaines. Cependant, l’ampleur des précipitations est sans précédent, notamment en raison du réchauffement climatique. L’un des effets du changement climatique sera d’augmenter la quantité de précipitations. En effet, chaque degré supplémentaire par rapport à l’ère préindustrielle implique également une augmentation du taux d’humidité. Avec un réchauffement de deux degrés, comme c’est le cas aujourd’hui en , on assiste à une augmentation de l’humidité qui entraîne une augmentation de 15 % des précipitations. Ce qui explique les volumes sans précédent que l’on peut observer dans la région de Valencia.

Certaines zones sont-elles plus vulnérables que d’autres ?

L’Europe du Sud est particulièrement exposée. D’une part en raison des épisodes dits de « chute froide », mais aussi parce que le bassin méditerranéen est au confluent de nombreux effets du changement climatique, c’est un hotspot climatique. On a souvent tendance à considérer que les épisodes de sécheresse et d’inondations sont contradictoires, il n’en est rien. Au contraire, la répétition des sécheresses fragilise les sols et leur capacité d’absorption dans ces situations. Cela ne signifie pas pour autant que seule l’Europe du Sud est concernée ; la récurrence des inondations est l’un des principaux risques liés au changement climatique en Europe. Le nord de la France est également régulièrement touché ; nous devons nous préparer à différents types de risques et les affronter conjointement. C’est la multiplication des risques divers qui crée les plus grands dégâts.

Quels autres facteurs ont rendu ces régions particulièrement vulnérables ?

Si l’Europe du Sud est si vulnérable, c’est aussi parce que ce sont des régions qui ont mis longtemps à prendre conscience des risques climatiques. L’artificialisation des terres accroît considérablement la vulnérabilité de ces régions. La bétonisation accrue de la région contribue à accroître les risques. Au cours des dernières décennies, la région de Valencia a perdu 9 000 hectares de vergers. C’est absolument considérable, car si la région n’avait pas été aussi urbanisée, l’absorption aurait pu être plus importante et les dégâts moindres.

La vulnérabilité n’est donc pas seulement climatique ?

Non, il y a un facteur politique et social. Dans notre manière d’appréhender les risques naturels, les vulnérabilités sociales et politiques sont négligées, alors que c’est le traitement de ces éléments qui fait qu’un risque naturel se transforme en catastrophe. En Espagne, les populations n’ont pas été prévenues, les routes n’ont pas été fermées et les habitants ont été autorisés à aller travailler, ce qui explique en partie le bilan humain.

Comment s’adapter à ces changements climatiques et éviter la répétition des catastrophes naturelles ?

Les risques doivent être pris en compte, et de manière lucide. Le plan Barnier d’adaptation au changement climatique semble lucide dans son diagnostic et dans le niveau de réchauffement retenu pour l’adaptation, c’est un bon début. Désormais, tout dépend de la mise en œuvre de ce plan et de son financement. En revanche, on voit que le Sénat veut atténuer la portée de la loi sur le zéro artificialisation nette, ce qui est à l’opposé de ce qu’il faut faire. Pour atténuer les inondations, il faut une loi souveraine qui protège les vies humaines, c’est aussi une question de protection des vies humaines. L’adaptation est un vaste projet à court, moyen et long terme. D’abord sur les moyens d’alerter les populations, puis sur l’urbanisation et la limitation de l’étalement urbain. Enfin se posera la question de l’habitabilité de certaines zones. Certaines zones seront inhabitables pour des raisons climatiques et il y aura également un impact économique important. En France, l’année dernière, le coût a été de sept milliards d’euros pour les assureurs. A terme, certaines zones ne pourront plus être assurées.

 
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