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une génération sacrifiée s’exprime sur Le Figaro

Dans « Parlez-moi d’histoire », précédant un débat animé par Guillaume Perrault, un documentaire donne la parole aux anciens militaires du contingent. Poignant.

Entre 25 000 et 30 000 conscrits sont morts Algérie de 1954 à 1962, lors de ce qu’on appelait alors une « opération de maintien de l’ordre ». Tout le mérite du documentaire de Bernard George est de donner la parole à d’anciens conscrits, ce qui permet de mesurer le traumatisme vécu par toute une génération. En deuxième partie de soirée, un débat animé par Guillaume Perrault est diffusé dans le cadre de l’émission « Parle-moi d’histoire ». Avec, sur scène, pour évoquer notamment la décision du FLN d’opter pour l’action violente dès l’été 1954, les historiens Pierre Vermeren et Guy Pervillé.

L’incroyable décalage entre la réalité du conflit et le ressenti des citoyens de métropolitaine transparaît dans les témoignages d’anciens militaires. « J’avais imaginé un retour glorieux. Nous faisons du cinéma : être attendu par une poignée d’amis, de famille… Et puis je suis revenu, et il n’y avait personne sur le quai »se souvient Roger Le Thuaut, qui a passé vingt-quatre mois en Algérie. Comme lui, 1,5 million de conscrits ont été embauchés. Ils manifestent tous le même sentiment d’incompréhension à leur égard au sein de la société française. « Ce que j’ai vu à la télévision (…) était complètement déformé. Alors, quand je suis revenu, j’ai découvert que tout était déformé, qu’il y avait une censure, qu’on ne disait pas la vérité. Et j’étais en colère »» claque Jean-Pierre Louvel, vingt-six mois sous les drapeaux.

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“J’ai trahi les harkis”

Jacques Inrep, à vingt-huit mois loin de chez lui, évoque les douloureuses retrouvailles avec les siens : « On a fêté mon retour, on a débouché le champagne, et ça s’est très mal passé d’ailleurs. Les gens n’avaient pas compris. Ma mère pensait que j’étais en vacances en Algérie. J’ai dû plus ou moins casser une chaise. Et mon père, qui était un ancien conscrit de 14 à 18 ans, m’a rejoint et m’a dit :Ceux qui sont derrière ne peuvent pas comprendre ». »

Jean-Pierre Gaildraud, officier de réserve, était responsable d’une compagnie de harkis. Il se souvient de ses hommes les larmes aux yeux. « Tu avais tout dans une harka. J’avais un vieux caporal qui avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale, donc il y avait ceux pour qui la France comptait beaucoup. Il y avait aussi un intérêt économique. J’avais des liens pleins d’affection, de confiance et je leur disais quand je sentais qu’ils étaient un peu inquiets : « La France ne vous abandonnera pas ». Moi, un officier français du contingent, je leur ai dit cela et ils m’ont cru. C’est tout ce qui fait que quand j’ai dû les désarmer, ça ne s’est pas mal passé, parce qu’ils m’ont cru. Donc ça s’est plutôt mal passé pour moi, car non seulement j’ai trahi, mais en plus un de mes hommes, qui m’était le plus fidèle, a été emmené chez lui, ils l’ont tué et ils l’ont jeté dans les barbelés de mon post (…) Ses yeux ouverts, ses yeux de mort, m’ont empêché de dormir pendant vingt ans. » Puis l’ancien conscrit évoque la réaction de ses collègues de bureau après le conflit : « Ils m’ont jeté : “Vos harkis étaient des collaborateurs.” Nous ne nous comprenions pas, alors nous sommes restés silencieux. »

Libérer le sol

Les conscrits se réfugient alors dans le silence. « Les seuls, et c’est encore vrai aujourd’hui, avec lesquels nous sommes sûrs de ne pas être jugés, ce sont nos camarades. », confie Jean-Pierre Gaildraud. Il faudra attendre 1999, trente-sept ans après les accords d’Evian, pour que les « événements » d’Algérie soient considérés comme une guerre, grâce à un projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. En 2002, le président Chirac a inauguré un monument aux morts d’Afrique du Nord sur le quai Branly. Pour la première fois, la guerre d’Algérie entre dans l’histoire officielle. De quoi libérer la parole, notamment au sujet de la torture, et permettre enfin à l’ensemble de la population de prendre conscience du traumatisme vécu par une génération sacrifiée.

 
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