l’essentiel
Il y a quelques jours, un cycliste de 27 ans a été tué par un automobiliste à Paris, après avoir été percuté. Que nous apprend ce drame sur l’usage et notre cohabitation dans l’espace public dans le cadre de notre mobilité. Jean Viard, sociologue et directeur de recherche au CNRS, donne quelques pistes de réflexion.
Il y a quelques jours, un cycliste de 27 ans est décédé après avoir été percuté par un automobiliste à Paris. Cette tragédie nous invite aujourd’hui à repenser notre cohabitation entre cyclistes, automobilistes et piétons, au sein de la ville.
La Dépêche du Midi : Le drame qui s’est déroulé mardi dernier à Paris a-t-il, selon vous, déclenché un sursaut en France sur la question du partage de la route ?
Jean Viard : Oui, parce que ce drame est ignoble. Nous avons potentiellement affaire à une attaque délibérée. Il y a eu un choc et ce drame pose la question de notre usage de l’espace public. En tout cas, cela a sensibilisé le débat. Entre vélos et piétons, vélos et voitures, deux roues… Il y a des tensions dans tous les sens dans l’espace public. On voit bien que nous ne vivons pas une situation de mobilité apaisée, alors que dans le même temps nous assistons à une transformation de la ville.
Comment évoluent nos modes de circulation en ville ?
Il existe un nouveau rapport à la mobilité dans les villes : la marche se développe de plus en plus et va de pair avec un élargissement des trottoirs par exemple. Nous sommes beaucoup plus nombreux, nous nous déplaçons beaucoup plus, et les rues ne sont pas plus larges… Le vélo représente près de 5 % de la mobilité, et ce chiffre ne cesse de croître.
En quoi est-ce une Source de tensions ?
On apprend à avoir des vélos en ville ! Aujourd’hui, nous sommes à ce moment de l’histoire urbaine : le vélo est un moyen de transport que l’on a davantage vu à la campagne. Jusqu’à présent, elle était totalement marginalisée en milieu urbain. Désormais, ce mode de transport se fait une place dans nos villes : c’est extrêmement positif… mais cela ouvre une brèche dans un monde où la voiture avait le monopole. Il y a évidemment des tensions.
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Pour comprendre, il faut repenser à ce qui s’est passé au XIXe siècle, lorsque les calèches et les chevaux coexistaient avec les premières voitures. Les véhicules dérapants sur les crottes… C’était une période de changement, il y avait des tensions, et c’était normal !
Peut-on parler aujourd’hui d’une « haine » du vélo ?
Je dirais qu’il existe davantage une « idéologie du vélo », comme il y avait une « idéologie de l’automobile » dans les années 1960. Durant les années Pompidou, la voiture avait tous les droits en ville… et personne n’y pensait. opposé.
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Nous avons aujourd’hui une idéologie du « vélo », soutenue par des élus ou des associations, qui considèrent que si tout le monde faisait du vélo, les choses iraient mieux. Sauf que tout le monde ne fera pas de vélo car il y a des personnes âgées, des gens qui font leurs courses, des livreurs… Le problème c’est que cette « idéologie du vélo » est dangereuse et très affirmée sur certains territoires. . Il faut préférer une idéologie de partage de la rue et de la mobilité, de respect mutuel.
Comment concilier les usages de la route avec respect ?
Chacun doit respecter les règles et accompagner les changements. C’est une question de citoyenneté. Il faudrait équiper les vélos de plaques d’immatriculation : cela n’a jamais été tenté. Tout le monde doit se sentir responsable et un cycliste qui n’a pas de plaque d’immatriculation ne pense pas pouvoir se faire prendre. On ne peut pas créer un espace public partagé si chacun n’est pas confronté à sa responsabilité individuelle.
Peut-on s’inspirer de ce qui se fait ailleurs ?
Bien sûr ! En Europe du Nord par exemple, nous avons aménagé des rues qui sont gérées par des règles de vitesse : on ne fait pas de distinction entre les outils de mobilité, on indique simplement que dans telle ou telle artère, la vitesse est limitée à 10 ou 20 km/h, que vous êtes un piéton, un cycliste ou un automobiliste. Vous avez aussi des rues où la vitesse moyenne est affichée à 50 km/h : dans ces espaces, les piétons ne peuvent pas circuler. C’est un système qui n’a jamais été développé en France.
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