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La mort du leader du Hamas Yahya Sinouar est un moment important, mais ce n’est pas la fin de la guerre

Après l’annonce de la mort de Yahya Sinouar, Benjamin Netanyahu fait face à des pressions sur plusieurs fronts, mais il est probable qu’il poursuive la guerre afin de garantir la stabilité de son gouvernement.


La mort du leader du Hamas Yahya Sinouar, l’un des cerveaux de l’horrible attentat du 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, est sans doute un moment important dans la guerre que l’État hébreu mène depuis un an contre le Hamas.

Est-ce un tournant ?

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que l’assassinat de Yahya Sinouar – longtemps un objectif majeur de Tsahal (force militaire israélienne) – marquerait le « début de la fin » de la guerre. Il a toutefois précisé que le conflit n’était pas terminé.

En fait, Benny Gantz, ancien ministre de la Défense et membre du cabinet de guerre, a déclaré que Tsahal continuerait à opérer à Gaza « pendant les années à venir ». Alors, quel impact aura la mort de Sinouar ?

Sa disparition change-t-elle la donne ?

La mort de Sinouar change au moins un aspect de la guerre. Figure emblématique, pour le meilleur et pour le pire, des Palestiniens : il était considéré comme un leader dans la lutte contre l’État juif.

Tant que Sinwar était en vie, le Hamas a gagné en popularité en répondant à l’attaque israélienne sur Gaza.

Les principaux dirigeants du Hamas Ismail Haniyeh (à gauche) et le chef du mouvement Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinouar (à droite), assistent à un rassemblement du Hamas pour marquer le 30e anniversaire du groupe, à Gaza, le 14 décembre 2017.

Des sondages d’opinion réalisés fin mai ont montré que le soutien au Hamas parmi les Palestiniens des territoires occupés avait atteint 40 pour cent, soit une augmentation de six points en trois mois. Le soutien à l’Autorité palestinienne, qui contrôle la Cisjordanie, était environ deux fois moindre.

La disparition de Yahya Sinouar change donc le visage du Hamas, qui connaîtra un tournant majeur s’il ne parvient pas à trouver un leader aussi influent pour le remplacer.

L’un des noms évoqués est celui de Khaled Mashal, l’ancien chef du bureau politique du Hamas, qui reste une figure importante au sein de l’organisation.

Le nouveau chef du Hamas pourrait profiter de cette opportunité pour tenter d’obtenir un cessez-le-feu avec Israël et mettre fin aux conditions de vie épouvantables des habitants de Gaza. Mais il reste à voir si la mort de Sinwar permettra à Israël d’atteindre ses objectifs de guerre.

Qu’est-ce qui constituerait une victoire pour Benjamin Netanyahu ?

Le problème majeur qui empêche un cessez-le-feu est que les objectifs de guerre énoncés par le Premier ministre israélien n’ont pas encore été atteints :

Bien que l’assassinat de Sinwar limite la capacité du Hamas à poursuivre sa guerre contre Tsahal à Gaza, les soldats israéliens y sont toujours confrontés à d’importants problèmes.

Au cours de l’année écoulée, le Hamas est passé d’une force de combat organisée à un mode guérilla, ce qui rend ses combattants beaucoup plus difficiles à éliminer complètement.

La doctrine classique de contre-insurrection pour combattre une guérilla est la suivante : « dégager », « tenir » et « construire ». En d’autres termes, sécuriser une zone en la débarrassant de l’ennemi, en y positionnant des troupes pour la tenir, puis en reconstruisant un environnement dans lequel l’ennemi ne peut pas se réinstaller.

Israël est capable de mettre en œuvre les volets « clairer » et « tenir » de cette doctrine, mais ne parvient pas à perpétuer un environnement dans lequel le Hamas ne peut plus opérer.

Les journalistes israéliens intégrés dans les forces armées de l’État juif ont noté que les combattants du Hamas retournaient dans les zones où ils avaient été chassés par Tsahal, en partie grâce au vaste réseau de tunnels à leur disposition.

Autres complications pour le Premier ministre israélien

Un autre problème auquel Benjamin Netanyahu est confronté est que les membres d’extrême droite de son cabinet ont menacé de démissionner de la coalition gouvernementale s’il acceptait un cessez-le-feu avant que le Hamas ne soit détruit en tant que force de combat. Ils estiment que le Hamas pourrait profiter d’un cessez-le-feu pour se regrouper et redevenir une menace sérieuse pour Israël.

Dans le même temps, le Premier ministre est également confronté à des pressions croissantes sur le sort des otages israéliens. S’il n’y a pas de cessez-le-feu et de négociations pour les libérer, les grandes manifestations organisées en Israël par les familles et leurs partisans au cours des derniers mois se poursuivront. Ces derniers veulent à tout prix récupérer les otages encore en vie et les corps de ceux qui sont morts.

Un manifestant israélien à Tel Aviv brandit une pancarte appelant à un accord de cessez-le-feu et à la libération immédiate des otages détenus par le Hamas. Ariel Schalit/AP.
Ariel Schalit/AP

Benjamin Netanyahu réfléchit encore aux représailles qu’Israël a promises à l’Iran suite à son attaque de missile contre l’Etat hébreu début octobre.

Si Israël lance une attaque majeure, quelle sera la réponse iranienne ? Il n’est pas facile de le définir à l’heure actuelle, dans la mesure où l’Iran s’est toujours appuyé sur un Hezbollah fort au Liban pour répondre militairement à l’État juif. Pourtant, le Hezbollah est aujourd’hui considérablement affaibli par les frappes israéliennes menées ces dernières semaines.

Les États-Unis envisagent une rampe de sortie potentielle

Un autre aspect, bien entendu, est la position des États-Unis dans cette affaire. Les États-Unis ont clairement indiqué qu’ils considéraient la mort de Sinwar comme une porte de sortie pour Israël dans la bande de Gaza : Israël peut revendiquer une victoire stratégique majeure et accepter un cessez-le-feu.

Ces dernières semaines, Washington a également lancé un ultimatum à Israël : si davantage d’aide humanitaire ne parvenait pas à Gaza d’ici la fin novembre, une partie de l’aide militaire américaine à Israël serait supprimée.

Les démocrates souhaitent que la guerre se termine rapidement, car en faisant la une des journaux, elle divise le parti et pourrait détourner certains électeurs des urnes pour l’élection présidentielle.

Il est donc très important pour la candidate démocrate, la vice-présidente Kamala Harris, qu’un cessez-le-feu soit instauré le plus rapidement possible. Voici ce qu’elle vient de dire :

« Le Hamas est décimé et ses dirigeants éliminés. Ce moment nous donne l’opportunité de mettre enfin fin à la guerre à Gaza. »

Mais Benjamin Netanyahu a montré par le passé qu’il était tout à fait prêt à aller à l’encontre de la volonté des États-Unis. Et à ce stade, un cessez-le-feu ne lui convient pas.

Compte tenu du soutien indéfectible du candidat républicain Donald Trump au Premier ministre israélien, ce dernier se contenterait également d’un retour de l’ex-président à la Maison Blanche.

Quelle est l’issue la plus probable ?

Compte tenu de tous ces facteurs, il est probable que Benjamin Netanyahu donnera la priorité à la stabilité de son gouvernement.

Il écoutera davantage ses membres d’extrême droite issus des partis religieux – le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir – au détriment des États-Unis et des familles des otages.

Après la mort de Sinwar, Bezalel Smotrich a déclaré que Tsahal devait « augmenter la pression militaire intense dans la bande de Gaza », et en même temps, Itamar Ben Gvir appelle Israël à « continuer de toutes ses forces jusqu’à la victoire absolue ».

À ce stade, il semble donc probable que la guerre se poursuivra jusqu’à ce que le Premier ministre Netanyahu puisse affirmer que le Hamas a été détruit en tant que force combattante. C’est ce que son cabinet exige pour atteindre les objectifs de guerre avancés par le gouvernement.

 
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