Que reste-t-il du Hamas après la mort de Yahya Sinwar ?

RFI : Que change la mort de Yahya Sinwar pour le Hamas ?

À Thomas Vesco : Disons qu’il est certain qu’ici, nous venons de tourner la page d’une séquence qui fut la séquence Yahya Sinwar. Un peu comme le Hezbollah tourner la page la séquence Nasrallah. Ce qui se passera ensuite dépendra naturellement de la poursuite ou non de la guerre par les Israéliens dans la bande de Gaza.

Il faut cependant rester très prudent dans l’idée que c’est la fin du Hamas dans la bande de Gaza, car ce qui conditionnera la présence continue d’une organisation dans un territoire comme Gaza, donc en guerre, sera d’abord sa capacité à recruter. de nouveaux membres, de maintenir les activités armées et surtout de se poser comme la seule alternative pour la gouvernance.

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Et là, en ce moment, quand on voit les réactions sur les réseaux sociaux notamment, on s’interroge vraiment sur la raison pour laquelle les Israéliens diffusent ces images de Yahya Sinwar avant sa mort, où il est véritablement perçu par certains Palestiniens et même par de nombreuses personnes, presque comme un héros qui, jusqu’au bout, s’est battu les armes à la main.

On le voit blessé, essayant même de repousser un drone avec une barre de fer alors qu’il est déjà très grièvement blessé.

Ce qu’il faut pouvoir comprendre dans ces images et c’est une question qu’il faudra se poser dans les prochains jours, c’est l’image qui a été donnée de Yahya Sinwar depuis plusieurs mois qui était celle de quelqu’un enfermé dans des tunnels avec son sa famille alors que son peuple est massacré à Gaza. Et là, l’image de la mort qui est donnée est celle de quelqu’un qui se retrouve tout seul avec ses deux gardes du corps et qui combat jusqu’au bout l’armée israélienne.

Il n’a pas été tué dans un tunnel, mais apparemment en plein jour. De plus, sans être personnellement visé par Israël puisqu’il a été tué lors d’échanges de tirs autour des combats. Cela veut-il dire qu’Israël ne savait pas où il se trouvait malgré tous les efforts et moyens de l’armée israélienne ?

Pour le moment, les éléments dont nous disposons montrent en tout cas queIsraël Je l’ai rencontré un peu par hasard. Il ne savait pas que c’était lui jusqu’à ce qu’il arrive à son cadavre. C’est donc vraiment la question. C’est-à-dire que j’entends même parfois des gens expliquer que nous allons désormais déployer l’Autorité palestinienne ou le Fatah dans la bande de Gaza. En l’état, sans forcément dire que le Hamas sera renforcé – puisque la situation désastreuse est telle que ce terme de renforcement me pose problème – mais en revanche, considérant que nous pourrons continuer à gouverner Gaza sans le Hamas, alors même si ses principaux dirigeants viennent d’être placés au rang des quasi-héros tués par l’armée israélienne au combat. Ce sera très compliqué de les remplacer.

A-t-on une idée du soutien dont ils bénéficient à Gaza au sein de la population palestinienne ?

Je suis très prudent à l’égard des sondages réalisés en temps de guerre, car cela va dans les deux sens. On peut trouver certains sondages, tout à fait fiables, mais qui expliquent qu’il existe un réel sentiment au sein de la population de Gaza envers le Hamas. Et d’autres sondages qui, au contraire, continuent de dire que le 7 octobre a été une opération de résistance.

Ce qui déterminera la persistance ou non du Hamas dans la bande de Gaza est en réalité lié à la capacité de l’organisation à recruter et à se poser comme la seule alternative en matière de gouvernance. Et pour l’instant, je ne vois pas comment on pourrait faire autrement dans la bande de Gaza, comment on pourrait outrepasser le Hamas étant donné l’imaginaire qui se crée autour de ses principaux dirigeants.

Qui pour succéder à Yahya Sinwar ? On imagine qu’un successeur sera désigné assez rapidement sans forcément de difficultés majeures. Mais reste-t-il des personnalités importantes et influentes au sein du mouvement ?

Oui, il en reste évidemment quelques-uns en premier dans la diaspora. Peut-être pas en Cisjordanie, ni dans la bande de Gaza, ce sera complexe. Mais il est certain que quelqu’un sera nommé assez rapidement. Nous le saurons dans les prochains jours. Mais en l’état, ce qu’il faut quand même mesurer, c’est que ce qui va continuer à alimenter les réseaux de résistance armée ou le recrutement de combattants palestiniens, ce n’est pas le leader, ni le responsable, c’est bien la situation d’injustice, d’impunité et de l’oppression que subissent les Palestiniens et qui alimentera tout cela.

A-t-on aujourd’hui une idée des forces du mouvement Hamas qui sont ciblées depuis un peu plus d’un an maintenant par Israël, avec deux personnalités tuées en quelques mois, des bombardements qui ont complètement dévasté Gaza. A-t-on une idée du nombre de combattants, de personnalités qui composent aujourd’hui le Hamas sur place, hors diaspora ? ?

Les chiffres avancés par les autorités israéliennes indiquent qu’au moins 10 000 combattants du Hamas ont été tués. Ici encore, il faut être très prudent : qu’entend-on par combattant, puisqu’il existe plusieurs organisations armées à Gaza ? Le Hamas est évidemment le plus important.

Ce qui sera important, et le média CNN a fait une enquête assez importante cet été à ce sujet, c’est de se pencher sur la capacité des différentes brigades de la bande de Gaza à rester présentes sur le territoire et à se renouveler. Et on voit qu’en effet, même les brigades qui avaient été complètement décimées par l’armée israélienne parviennent peu à peu à se réimplanter dans différentes zones, avec évidemment moins de forces, moins de moyens militaires que par le passé forcément, mais restent présentes et continuent de contrôler les zones. .

C’est aussi la raison pour laquelle l’armée israélienne ne cesse d’aller d’une zone à l’autre et de revenir, car dès que l’armée israélienne quitte une zone, celle-ci est immédiatement quasiment réinvestie par différentes organisations principalement liées au Hamas. Parce que la nature a horreur du vide, à chaque fois des organisations différentes s’y installent.

Selon vous, la mort de Yahya Sinwar pourrait-elle laisser place à une aile moins dure au sein du mouvement et notamment dans le contexte des négociations avec Israël et de la libération des otages ?

Cela me semble complexe à considérer à l’heure actuelle. Puisque Yahya Sinwar est réellement la personne qui a finalement décidé des négociations et de ce que nous allions accepter ou non, j’ai du mal à envisager maintenant que quelqu’un puisse prendre la tête du Hamas et faire une série de concessions à Israël selon la situation. justifier, du moins du point de vue du Hamas, d’être encore plus stricts sur les conditions d’un cessez-le-feu, puisqu’ils n’ont plus rien à perdre, quelque part.