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Romain Brau, l’artiste protéiforme qui électrise la scène et l’écran

RENCONTRE – Travesti formé au cabaret parisien Madame Arthur, il électrise la scène et l’écran. Portrait d’un chanteur-interprète-acteur pour qui la métamorphose est un manifeste.

A l’âge de 12 ans, Cosimo Piovasco di Rondò, le personnage de Baron pourquoid’Italo Calvino, a quitté la table en s’exclamant : « J’ai dit que je ne voulais pas et je ne veux pas ! Le même jour, il décide de mener une vie différente de celle que la société lui avait choisie en grimpant à un arbre d’où, jusqu’à la fin de ses jours, il observera le monde avec une nouvelle perspective. “A travers ce personnage insolent, j’ai abordé le thème de la liberté et celui du dépassement des limites de l’homme, dont l’être est en perpétuelle métamorphose”, explique Calvino. Dans les spectacles de Romain Brau, on retrouve la même insolence que celle de Cosimo : cette folle envie de se transformer et de casser les codes pour accéder à une conscience insoumise. Le plaisir, avant tout.

Voir ce chanteur, interprète et comédien sur scène est toujours une rencontre avec l’intelligence, la sensualité, la transgression, l’autodérision, la mélancolie. Chaque texte en fait écho à un autre, les chansons résonnent, se connectent, comme les branches des arbres. En équilibre chancelant sur des escarpins Louboutin de 16 cm, du haut de drôles de constructions posées sur scène, Romain Brau déclame des textes d’une poésie tranchante sur notre société. Il chante, émeut et divertit le public à travers une série incessante de métamorphoses qui passent autant par la voix que par le corps.

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Chemin de l’altérité

Artiste protéiforme, cet oiseau nocturne, avec ses longues plumes de couleurs à chaque fois différentes, fascine. Tout au long des spectacles auxquels il participe (comme le week-end intitulé Chaillot Experience #3 – Cabarets programmé du 21 au 23 novembre au Théâtre de Chaillot, à Paris), il apparaît comme une étrange créature sortie d’un tableau de Dalí : cheveux longs et incendiaires, port de tête de ballerine et apparence androgyne. De sa silhouette frêle et féminine émerge une voix de baryton envoûtante qui dépeint un monde imaginaire habité par les personnages qu’il incarne tour à tour. A travers ses déguisements glamour, il prône la fluidité de l’identité et revendique l’art du travestissement comme une performance bien au-delà du genre.

Formé à Paris, au cabaret Madame Arthur, qu’il a contribué à relancer en 2015 (tout en poursuivant ses autres projets artistiques) et où il se produit régulièrement, il s’adresse au public « avec la volonté de transmettre des valeurs de tolérance et d’acceptation de soi ». », dit-il. Inspiré par Kafka, Nabokov, Flaubert et Ovide, ainsi que par la photographe américaine Cindy Sherman, Romain Brau prône le concept de métamorphose comme moteur de liberté : « L’être humain se pose la question « Qui suis-je ? et observe que l’unité du « moi » n’est pas évidente.

Le moment le plus important et incisif de ma vie d’artiste est celui où j’ai osé perdre mes repères en travaillant ma fluidité.

Romain Brau

Il voit alors la métamorphose comme une « fiction, un chemin créatif qui permet d’approcher la subjectivité de l’être ». Et se découvrir à travers ce chemin de l’altérité… « Le moment le plus important et le plus incisif de ma vie d’artiste est celui où j’ai osé perdre mes repères en travaillant ma fluidité », poursuit-il. Tout le monde devrait travailler là-dessus. Cela éviterait de nombreux points de vue implacables, des convictions gravées dans le marbre et nées de la peur. Et un comportement inacceptable.

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Talent universel

Passionné de dessin et de mode depuis l’enfance, ce fils d’un professeur de patinage artistique parisien et d’une ostéopathe a écrit son scénario de vie en rejetant un mannequin qui l’ennuyait : « Enfant, j’allais à mes cours de dessin et dans les musées vêtu de petits polos Lacoste. , dit-il. Mais les ombres roses et bleues des visages étranges des tableaux d’Egon Schiele m’ont attiré bien plus que les codes d’un monde formaté. » Adolescente, sa tante Lili devient son modèle : « C’était une sorte d’excentrique Loulou de La Falaise, portant des tenues Christian Lacroix, Martin Margiela ou Jean Paul Gaultier, assorties d’énormes bijoux africains », se souvient-il. A 19 ans, il intègre l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers, en Belgique, dans la section mode.

Ses voisins de palier sont alors des chrysalides en devenir : le Géorgien Demna Gvasalia, actuel directeur artistique de Balenciaga, et le Belge Glenn Martens, aujourd’hui créateur de mode connu pour sa déconstruction des genres. Créature polymorphe à l’aura flamboyante, à la fois femme et homme, Romain Brau attire le regard de la haute couture d’avant-garde. Après avoir obtenu son diplôme, il entame une carrière de mannequin – pour Dries Van Noten, Versace et Roberto Cavalli – et commence à produire des costumes de scène pour le monde de la danse et de la musique. Ses créations sculpturales et fantasmagoriques recouvrent les corps en mouvement de Lana Del Rey, les chanteuses du groupe La Femme, ou d’immenses danseurs comme Marie-Agnès Gillot et François Chaignaud (avec qui il prépare actuellement deux spectacles, l’un à Chaillot et l’autre à le Louvre).

Dans les disciplines de performance

Lui-même danseur, après un long cursus de patinage artistique dès l’âge de 6 ans, il explore la discipline de la performance en se produisant à Art Basel et à la Biennale de Venise avec des chorégraphes comme Ryan Heffington. Repéré par les réalisateurs, il poursuit également une carrière d’acteur : on le voit notamment sur les affiches de Crevettes scintillantesune comédie de Cédric Le Gallo et Maxime Govare sur une équipe gay de water-polo sortie en 2019, et aux côtés de Nathalie Baye dans Haute Couturede Sylvie Ohayon, en 2021. En ce moment, il multiplie les projets et apparaît même dans la série Franklin (Apple TV+), porté par Michael Douglas.

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Il incarne le Chevalier d’Éon, un espion français du XVIIIe siècle.e siècle qui vécut habillé en homme pendant quarante-neuf ans et en femme pendant les trente-deux années suivantes de sa vie. « Homme ou femme, qu’importe ! J’aime dire que je suis une fée. Être magique, c’est se transformer, s’adapter », dit Romain Brau sur un ton plein d’humour warholien. Ce même ton qui parcourt les chansons de son premier album, intitulé je suis demainrythmé par une techno dansante et des couleurs pop art follement libres, qu’il mettra en scène le 8 octobre, à l’Olympia, à Paris.

Album « Je suis demain », French Parade, sorti le 4 octobre. En concert le 8 octobre, à l’Olympia, à Paris.

 
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