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« La place des Otages à Tel Aviv est devenue le symbole de « l’union sacrée » des Israéliens »

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Dans son dernier livre Place des otagesLa journaliste Valérie Abécassis interroge la place que l’on accorde aux otages et livre le récit d’une société profondément unie depuis le 7 octobre, malgré les divisions politiques.

Valérie Abécassis est journaliste, elle a notamment travaillé pour Elle avant de devenir présentateur pour la chaîne i24News. Dernier livre publié : Place des otages (Editions du Cerf, 2024).


LE FIGARO. – De nombreux livres ont été publiés à l’occasion du triste anniversaire du 7 octobre 2023. Pourquoi avoir choisi d’écrire cet ouvrage ?

Valérie ABÉCASSIS. – Rien n’était prévu. J’étais à Tel-Aviv pour écrire un guide et, à partir du 8 octobre, j’ai exploré des endroits terribles. Une somme d’informations, d’images horribles s’accumulaient en moi, et elles devenaient de plus en plus lourdes, fortes, dramatiques. Des morts, des corps démembrés, une infirmière jouant à Tetris dans un hôpital, un rabbin…

Ce projet d’écriture m’a libéré d’informations qui m’étouffaient. Le soir, je jetais mes notes sur mon ordinateur, pour ne pas oublier le désarroi absolu qu’inspiraient ces funérailles, ces mères, les mains sur le corps de leur enfant mort, ces enfants qui pleuraient leur frère, leur oncle, leur père. J’ai pu cracher ce que j’ai vu, c’était une nécessité personnelle, pas un calcul éditorial. En voyant de près la terreur de ces barbares, je me suis demandé… Le monde comprendra-t-il ?

Comment la « Place des Otages » à Tel Aviv est-elle devenue un symbole du courage israélien ?

Dans le titre de l’ouvrage, l’article défini a été supprimé pour que « place des otages » ne désigne pas uniquement le lieu. Bien sûr, c’est d’abord ce lieu, entre le musée d’art moderne de Tel-Aviv et l’état-major de l’armée, où l’on s’entraîne, pleure, chante, danse, prie, manifeste. Mais ce lieu est devenu le symbole d’une convergence de tout le peuple d’Israël.

Le 7 octobre m’a fait remarquer ceci : l’orgueil israélien de se croire le plus fort, et en même temps, une certaine faiblesse. Israël est « presque », c’est un pays vague.

Valérie Abécassis

Avec ce titre, je questionne la place que l’on accorde à nos otages. Quel prix payons-nous pour eux et quels sacrifices sommes-nous prêts à faire pour leur libération ? Qu’est-ce que l’État juif, qui place son identité juive au-dessus de toutes les valeurs, est prompt à mettre en œuvre pour ces otages ? La question de leur libération divise extrêmement la société israélienne. D’un côté, les populations des villes périphériques, assez religieuses, qui considèrent qu’au nom de la défense du pays, il faut refuser de négocier avec le Hamas la libération des otages contre les terroristes. De l’autre, ceux qui, notamment à Jérusalem, manifestent pour que ce « deal » aboutisse. Car par la force, peu ont été libérés – au total, 110 en négociation et huit sauvés vivants. Ces calculs sont souvent abjects et sans fin.

A travers cette histoire, vous dites avoir perçu un «flou métaphysique » en Israël, où tout est toujours «presque », jamais achevé. Qu’est-ce que cela signifie?

Je ne suis pas Israélien, mais le 7 octobre m’a fait remarquer ceci : l’orgueil israélien de se croire le plus fort, et en même temps, une certaine faiblesse. Israël est « presque », c’est un pays vague. C’est sûr, mais pas si sûr. Après avoir été affaiblie, elle a néanmoins réalisé des prouesses techniques : bips, talkies-walkies, opérations ciblées dont l’extrême précision a gagné l’admiration de notre propre armée française.

Même la langue ! Cet hébreu dans lequel il n’y a pas de voyelles – alors que c’est le cas dans d’autres langues – interpelle. Pourquoi Dieu a-t-il donné à son peuple un langage brumeux dans lequel les mots que nous entendons ne sont pas ceux que nous comprenons ? (rires)

Vous faites référence aux divisions politiques et religieuses de la société israélienne. Le conflit a-t-il uni le pays ?

Au lendemain du 7 octobre, la formation d’une « union sacrée » voit naître une solidarité qu’Israël n’avait jamais connue. Dans la rue, des ultras religieux pourraient saluer les laïcs de gauche, prêts à prendre place à la Knesset (Parlement israélien, NDLR) avec les Arabes ! Face au drame des attentats, des carnages, des viols, des massacres, chacun pourrait trouver dans l’autre un frère qui pleure pour les mêmes raisons que lui.

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Sur le plan politique, la société est divisée depuis la réforme que voulait mettre en place le Premier ministre pour donner à la Knesset le contrôle de la Cour suprême. Benjamin Netanyahu est désormais aussi populaire qu’impopulaire. Laïcs et religieux, ultraorthodoxes, gauche et droite, extrême gauche et extrême droite ont uni leurs forces par solidarité, avant de se séparer pour des raisons politiques. Finalement, le pays est « presque » uni…

Le clou sanglant que le 7 octobre a enfoncé dans un peuple déjà très divisé n’a pas détruit la solidarité. Les détails de mon histoire visent à le souligner, afin que le lectorat français connaisse la réalité sous un autre angle que celui montré dans les atroces vidéos du Hamas.

«J’appartiens à un peuple blessé mais vivant », écrivez-vous. C’est à dire ?

Mardi 1er octobre, sept personnes sont mortes à Tel-Aviv, dont une femme qui tenait son bébé dans ses bras. Cependant, si vous y allez, vous verrez la vie qui y règne. Je trouve fascinante la perpétuation de la mort, de la menace, de la volonté de certains régimes arabes de vouloir exterminer Israël, de génération en génération. Et pourtant les Israéliens sont là. Dans le désert du sud du pays, j’ai rencontré un homme de 90 ans dont la famille avait été décimée par la Shoah. Il a grandi dans les ghettos, entouré de barbelés, puis il a été caché et enfermé. En arrivant en Israël, il trouve les barbelés… Mais il est bel et bien vivant !

Valérie Abécassis, Place des otagesÉditions du Cerf, 203 pages, €20.
Editions du Cerf.
 
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