LL’association Tafra a publié, ce mardi 1er octobre, son deuxième rapport sur l’activité parlementaire marocaine, axé sur l’usage des questions parlementaires par les députés lors de la cinquième session de la législature 2021-2026. Le rapport, intitulé « Que font les députés ? », se concentre sur l’un des principaux mécanismes de contrôle parlementaire au Maroc, tout en révélant des disparités notables entre la majorité, l’opposition et la réactivité du gouvernement.
Depuis le début de la législature actuelle, 23 716 questions ont été posées au gouvernement par les députés. Les cinq premières sessions démontrent une activité intense, avec 3 202 questions posées au cours de la seule cinquième session, témoignant d’une dynamique parlementaire soutenue, même si la réactivité du gouvernement reste à désirer.
En effet, seulement 19 % des questions ont obtenu une réponse, reflétant un manque de communication et d’engagement de la part de l’exécutif. Cette situation est en retrait par rapport aux sessions précédentes, où le gouvernement semblait plus réactif.
Cette activité des députés pourrait être interprétée comme un signe de vitalité démocratique. Cela semble toutefois contraster avec les résultats observés dans d’autres démocraties parlementaires où les taux de réponse se situent souvent autour de 40 à 60 %.
A noter que les députés privilégient largement les questions orales (53% du total). Toutefois, les questions écrites, bien que moins nombreuses, ont un taux de réponse plus élevé : 25 % des questions écrites reçoivent une réponse, contre 13 % pour les questions orales.
Ce choix de privilégier les questions orales pourrait s’expliquer par le temps de parole limité, offrant aux parlementaires une tribune directe mais restrictive. Le recours aux questions écrites, moins médiatisées, permet en revanche « pour que les députés puissent poser leurs questions au gouvernement en toute liberté »note le rapport.
Majorité et opposition : qui pèse le plus ?
Contrairement aux tendances passées, où l’opposition posait davantage de questions, cette cinquième session montre que la majorité parlementaire a été la plus active, avec 1878 questions contre 1324 pour l’opposition. Il est cependant essentiel de souligner que le nombre moyen de questions par député est plus élevé dans l’opposition (10 questions par député contre 7 pour la majorité).
Les groupes politiques se démarquent également. Le Rassemblement national des indépendants (RNI), force leader au Parlement, a posé 799 questions, tandis que le Parti Authenticité et Modernité (PAM), leader lors de la session précédente, suivait de près avec 778 questions. Du côté de l’opposition, le Parti de la justice et du développement (PJD) se démarque avec 305 questions, dont 105 ont reçu une réponse, soit un taux de réponse de 34%, le plus élevé parmi les groupes parlementaires.
Certains ministères attirent davantage l’attention des députés. Le ministère de l’Éducation nationale, du préscolaire et des sports reste en tête avec 308 questions. Il est suivi de près par le ministère de la Santé et de la Protection sociale, touché par les grèves des étudiants en médecine depuis décembre 2023, qui ont suscité de nombreuses inquiétudes parlementaires. En revanche, malgré ces chiffres élevés, la réactivité du gouvernement dans ces secteurs reste faible. Le ministère de l’Agriculture, par exemple, n’a répondu qu’à 18 % des questions qui lui ont été posées, ce qui reflète un déclin général de l’engagement ministériel.
Le rapport de Tafra souligne également la différence entre les députés expérimentés et les nouveaux élus. Si les nouveaux députés représentent 39% du total, ils sont responsables de 69% des questions posées, même si leurs questions semblent avoir un taux de réponse légèrement inférieur à celui des députés réélus (18,85% contre 20% pour les députés réélus). ).
L’un des enseignements majeurs de ce rapport reste le faible taux de réponse du gouvernement, avec une moyenne de 19%. Cette lenteur de réponse pourrait non seulement nuire aux relations entre l’exécutif et le législatif, mais également à la perception de l’efficacité du système parlementaire. Les questions parlementaires étant « un instrument à la disposition des parlementaires pour exercer leur fonction de contrôle vis-à-vis du gouvernement »il devient crucial que le gouvernement améliore sa réactivité pour renforcer la transparence et la responsabilité.
La région Marrakech-Safi en tête
Les députés de la région Marrakech-Safi, qui compte 46 sièges, se distinguent en posant le plus grand nombre de questions lors de cette cinquième session, avec un total de 691 questions. Toutefois, seulement 16 % d’entre eux ont reçu une réponse.
En deuxième position, les députés de Casablanca-Settat (69 sièges) ont posé 476 questions, avec un taux de réponse légèrement supérieur de 18%. Les parlementaires de Fès-Meknès ont, quant à eux, déposé 432 questions et obtenu un taux de réponse de 23%, le plus élevé parmi les grandes régions du pays. A l’inverse, les députés des régions de Dakhla-Oued Dahab et Laâyoune-Sakia El Hamra, avec respectivement 71 et 67 questions posées, ont enregistré les taux de réponse les plus faibles, autour de 9%.
Un autre aspect important de l’activité parlementaire, selon Tafra, est la dynamique entre les députés femmes et hommes. Bien que les femmes ne représentent que 24 % des parlementaires, elles affichent un niveau moyen d’engagement plus élevé que leurs homologues masculins. Chaque femme parlementaire a posé en moyenne 9 questions, contre 7 pour les hommes. Ce constat est d’autant plus frappant que les questions des femmes obtiennent un taux de réponse de 24 %, contre seulement 17 % pour les questions des hommes.
Certains chiffres ressortent cependant clairement dans la dynamique interne des groupes parlementaires. Ainsi, dans le groupe du Parti Authenticité et Modernité (PAM), Ahmed Touizi, président du groupe, a posé un total impressionnant de 501 questions lors de cette séance, soit 65% des questions de son groupe.
Au sein du groupe Rassemblement national des indépendants (RNI), le président du groupe, Mohammed Ghayate, suit cette tendance avec 257 questions, soit 33% des questions posées par son groupe. A l’inverse, dans l’opposition, des députés comme Said Baaziz du groupe socialiste se démarquent, ayant posé 107 questions, bien plus que le président de son propre groupe, Abderrahim Chahid, avec seulement 5 questions.
Le rapport de l’association Tafra dresse un tableau “contraste” de l’activité parlementaire marocaine. Si les députés, notamment les nouveaux élus et les femmes, apparaissent particulièrement actifs dans l’exercice de leur fonction de contrôle, l’exécutif, de son côté, peine à suivre le rythme, avec un taux de réponse aux questions qui reste dramatiquement faible.
Il existe donc un déséquilibre inquiétant dans les relations entre législatif et exécutif, où l’efficacité du contrôle parlementaire, bien que cruciale, est compromise par le manque de réactivité du gouvernement. Reste à savoir si, lors des prochaines séances, ce déficit sera comblé.
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