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« L’objectif final est que tout l’or produit sur le territoire du Mali soit raffiné au Mali »

Professeur Amadou Keïta, Ministre des Mines

Les projets de réforme du secteur minier progressent. Plusieurs sociétés minières s’apprêtent à migrer vers le code 2023 et elles s’engagent toutes à appliquer des mesures de contenu local. Par ailleurs, notre dispositif se renforce avec la perspective de la création d’une brigade spéciale des mines et d’un commissariat chargé des activités minières. Cette information est donnée par le Ministre des Mines, Professeur Amadou Keita, dans cet entretien exclusif

L’Essor : Que retenir de la mise en œuvre du nouveau code minier et de la loi sur le contenu local, un an après leur adoption ?

Professeur Amadou Keïta : Notre pays a fait le choix en 2023 d’adopter un nouveau code minier et, pour la première fois de notre histoire, une loi relative au contenu local. Il s’agit de réformes majeures qui s’inscrivent dans une vision globale de reconstruction de notre Etat. Ces deux textes sont l’émanation d’une aspiration forte du peuple malien exprimée lors de la Conférence Nationale de Refondation et ont été conçus pour apporter une nouvelle perspective malienne à la gestion des ressources minières.

C’est donc une réforme qui suscite beaucoup d’espoir et qui nous engage, en tant qu’administration en charge des Mines, à travailler sur leur applicabilité. C’est dans ce sens qu’en juillet 2024, les décrets d’application du Code minier et de la loi relative au contenu local dans le secteur minier ont été adoptés. Cela signifie que l’heure n’est pas venue de faire le point sur la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, mais que nous espérons que lorsqu’elles seront appliquées dans leur pleine mesure, le Mali pourra s’enorgueillir d’un secteur minier pleinement intégré dans le système national. économique et capable de stimuler le développement.

Il faut cependant souligner la convergence de vues avec tous les acteurs du secteur minier. En effet, plusieurs sociétés minières, après négociations, s’apprêtent à migrer vers le code 2023 et elles se sont toutes engagées à appliquer des mesures de contenu local.

L’essor : Aux yeux de nombreux Maliens, la Société de recherche et d’exploitation des ressources minérales du Mali (Sorem) connaît un démarrage timide. Que faut-il aujourd’hui pour rendre cette structure véritablement opérationnelle ?

Professeur Amadou Keïta : C’est un constat qui ne prend pas toujours en compte le contexte dans son ensemble et les actions en cours pour permettre à Sorem de faire face aux défis du moment. En effet, la société d’État Sorem, créée en août 2022, porte en elle une volonté affichée du président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, de remettre l’État au cœur du système de recherche, d’exploitation et de commercialisation. produits miniers.

Son opérationnalisation constitue une des priorités de la Direction des Mines. Cette société a tenu la 2ème séance de son conseil d’administration le 25 juillet 2024 et vient de se voir attribuer par le Conseil des Ministres un permis de recherche d’or sur le périmètre de N’Tahaka d’une superficie de 97,41 km², dans le Cercle. de N’Tillit à Gao. Les données recueillies suite aux recherches géologiques et minières effectuées dans la circonscription géologique du Gourma Oriental, ont permis de mettre en évidence plusieurs secteurs d’intérêt potentiel dont celui de N’Tahaka et Sorem est déjà engagé dans l’approfondissement de l’exploration. . en vue d’exploiter prochainement les richesses du sous-sol au profit du peuple malien.

Elle est également active depuis plusieurs semaines dans des positionnements stratégiques sur les mines en difficulté dans notre pays. C’est le cas de la mine de Morila qui reviendra sous le contrôle de Sorem afin d’assurer la continuité de son exploitation après les moments difficiles qu’a connu la mine en raison de l’indélicatesse de son précédent opérateur. Les autres actifs miniers appartenant à cette société feraient également partie de Sorem. L’État entend doter Sorem de moyens utiles et adéquats pour mener à bien sa mission.

L’Essor : Où en êtes-vous du projet d’installation de l’usine d’affinage de l’or ?

Professeur Amadou Keïta : Ce projet est une des dimensions du partenariat que nous entretenons avec la Russie dans le secteur minier et il se présente comme un tournant décisif dans l’organisation et la gestion de ce secteur. Vous êtes conscient que l’objectif final de ce procédé est que tout l’or produit sur le territoire du Mali soit raffiné au Mali dans des conditions optimales.

Il s’agit d’un processus qui évolue bien et qui nécessite une coopération intense à plusieurs niveaux. L’État a mis à disposition 10 hectares d’espace pour ce projet d’usine de raffinage et dispose d’un plan de conception succinct de l’unité. Le cahier des charges ainsi que les éléments nécessaires à la réalisation d’une étude de faisabilité sont disponibles.

Un suivi régulier est effectué avec le partenaire russe afin que notre pays dispose, après un peu plus de 60 ans d’exploitation de l’or, d’une usine de raffinage répondant aux normes internationales.

L’Essor : La renégociation du contrat lithium de Goulamina a permis de porter la participation de l’Etat et des nationaux à 35% contre 20% auparavant. Que représente cette part en termes de ressources pour les caisses publiques ?

Professeur Amadou Keïta : Je voudrais tout d’abord féliciter le gouvernement du Mali pour cet accord et pour le projet de mine de lithium de Goulamina, l’un des plus grands projets de lithium en Afrique et dans le monde. Elle reflète la politique de diversification que nous prônons dans l’exploitation des ressources minérales de notre pays.

Pour revenir à votre question, il est important de voir au-delà des pourcentages annoncés qui concernent, uniquement, la contribution directe du secteur minier, en termes de dividendes, à l’Etat et aux nationaux qui en seront actionnaires. A ce niveau, une première estimation fait état d’une augmentation du budget de l’Etat de l’ordre de 100 milliards de francs CFA par an. Mais, je tiens à souligner que ce projet de mine de lithium de Goulamina aura des apports sous d’autres formes qui permettront une contribution supplémentaire significative au financement du développement des secteurs minier et énergétique, du secteur des infrastructures et des transports, en plus du développement local. On attend par exemple un minimum de 250 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires pour les entreprises locales de sous-traitance et une création d’emplois considérable dans la région de Bougouni.

Je rappelle également que cette mine est exploitée par le partenaire chinois Ganfeng Lithium Co, l’un des plus grands producteurs de lithium, de batteries au lithium et de produits dérivés du lithium. Ainsi grâce à ce projet, le Mali implantera une usine de spodumène dont la production démarrera avant fin 2024. Des milliers d’emplois seront créés en perspective et le développement de toutes les zones entourant le projet. .

L’Essor : L’État a-t-il les moyens d’être présent à tous les niveaux de la chaîne d’exploitation pour pouvoir déterminer la rentabilité réelle de cette mine de lithium ?

Professeur Amadou Keïta : C’est un projet qui s’étend, pour nous, à toutes les sociétés minières opérant au Mali. L’administration minière a cette obligation d’assurer une exploitation équitable de nos ressources et le nouveau code minier renvoie tous les services du Ministère des Mines et autres départements ministériels au contrôle strict de l’activité minière sur notre territoire.

Notre Etat doit donc se donner les moyens de contrôler les sociétés minières tant sur la valeur réelle des exportations que sur le respect de toutes les dispositions de leurs activités, notamment les normes environnementales en vigueur. C’est tout le sens de la réforme institutionnelle que nous entreprenons pour permettre à nos services de pouvoir répondre à ces données importantes pour notre pays.

L’Essor : Peut-on alors considérer que la signature, par le Premier ministre, du décret annulant le permis d’exploitation de la mine de manganèse de Tassiga, est un des effets de ces réformes ?

Professeur Amadou Keïta : Je voudrais dire d’emblée que notre objectif n’est pas d’annuler les titres miniers. Cela crée des périodes d’incertitude pour la chaîne de valeur de la mine, des travailleurs aux entreprises de sous-traitance, en passant par les communautés locales.

Mais, en tout état de cause, il est de notre responsabilité de veiller au respect des lois en vigueur en République du Mali. Ainsi, lorsque les conditions sont réunies pour identifier des manquements graves à l’accord qui lie l’État à l’entreprise minière, nous sommes appelés à faire respecter la loi dans toute sa rigueur.

À la mine de manganèse de Tassiga, attribuée à la société Metal Mass PTY Ltd depuis juillet 2011, notre administration a constaté des faits dont certains ont nécessité l’annulation immédiate du permis sans mise en demeure. Dans ce cas précis, nous pouvons faire prévaloir les intérêts de l’État et de nos populations.

L’Essor : Des rapports font état d’exportations frauduleuses de grandes quantités d’or. L’État peine également à récupérer l’intégralité de ses bénéfices auprès des sociétés minières. Quel mécanisme envisagez-vous pour minimiser les pertes ?

Professeur Amadou Keïta : Il existe trois régimes d’exploitation de l’or au Mali selon les dispositions du Code minier. La grande mine, la petite mine et l’exploitation artisanale de l’or. Toute exploitation qui a lieu en dehors de ce cadre est illégale et les dispositions du code minier sont très précises sur les sanctions auxquelles s’exposent les personnes ou entreprises qui se livrent à une exploitation illégale.

Je dois souligner que notre système se renforce avec la perspective de créer une brigade spéciale des mines et un commissariat chargé des activités minières. Ces deux organismes seront chargés de réprimer les violations de la législation minière. Un troisième organisme dédié à la supervision et au suivi des opérations minières artisanales sera également créé.

C’est la somme d’intervention de toutes ces structures qui doit permettre d’améliorer le suivi du secteur minier et de défendre au mieux les intérêts du peuple malien.

Je voudrais réitérer l’engagement total du gouvernement à assainir le secteur minier, à travers une révision approfondie du cadastre minier, mais aussi à travers un travail collectif de contrôle et de répression, le cas échéant.

L’Essor : Quelles sont les grandes actions en perspective dans le secteur minier ?

Professeur Amadou Keïta : Il faut compléter l’esprit de la réforme du secteur minier en redimensionnant certains services du ministère des Mines, à commencer par la Direction nationale de la géologie et des mines (DNGM) afin de leur donner le corpus nécessaire aux innovations suggéré par le Code minier 2023 et la loi relative au contenu local dans le secteur minier.

Au-delà, nous restons pleinement engagés dans le démarrage complet de Sorem, qui se traduira par la reprise prochaine des activités à la mine de Morila et le démarrage des activités d’exploration à N’Tahaka. Parallèlement, nous maintenons une surveillance étroite des mines en difficulté pour préserver les emplois et assurer une production globale optimale.

Réalisé par

Issa DEMBÉLÉ

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