Lorsque l’eau a soudainement envahi son bidonville de Katmandou dans la nuit de vendredi à samedi, Indra Prasad Timilsina, 65 ans, et sa femme ont eu juste le temps de sauver ce qui leur était le plus précieux. Leurs trois vaches.
« Tout est parti », déplore ce laitier, les pieds dans l’épaisse boue brunâtre qui s’est infiltrée partout dans sa maison. « Si tu meurs, rien n’a d’importance. Mais si vous survivez, vous devrez alors affronter tous les problèmes. »
Les pluies torrentielles et exceptionnelles qui se sont abattues sur l’est et le centre du Népal ont inondé plusieurs quartiers de la capitale et provoqué des glissements de terrain dévastateurs.
Le dernier bilan, encore provisoire, publié lundi par les autorités fait état d’au moins 200 morts, 127 blessés, 26 disparus et des dégâts considérables, notamment sur l’ensemble du réseau routier qui relie Katmandou au reste du petit pays himalayen.
«C’est un cauchemar», commente Indra Prasad Timilsina, qui gagne sa vie en vendant son lait à ses voisins, venus pour la plupart de villages de haute montagne dans l’espoir de trouver une vie meilleure dans la capitale.
« De toute ma vie, je n’avais jamais connu des inondations aussi extrêmes », confie-t-il.
Le débit de la rivière Bagmati, qui traverse le district de Tripureshwor, s’est un peu calmé depuis vendredi soir mais reste violent. C’est ici que le laitier attachait ses trois vaches.
Dans la longue liste de tout ce que la rivière en crue lui a volé, figurent neuf sacs de farine animale qui leur étaient destinés. Alors, même s’il lui reste encore un peu d’argent, il est inquiet.
« Si je n’arrive pas à les nourrir, ils vont mourir », s’inquiète-t-il.
Comme des centaines d’autres familles du quartier, Indra Prasad Timilsina a dû attendre que le niveau de l’eau baisse dimanche pour revenir.
« Des réfugiés sur nos toits »
Ils ont découvert de la boue brune recouvrant les sols de leurs maisons et une grande partie de ce qui se trouvait encore à l’intérieur.
Plutôt que de se préparer pour la plus grande fête hindoue de Dashain, prévue la semaine prochaine, la plupart récupèrent l’eau trouble avec des seaux. D’autres lavent leurs vêtements à grande eau ou font sécher les quelques graines ou lentilles encore utilisables.
Professeur d’informatique dans une école locale, Shyam Bihari Mishra a eu la désagréable surprise de retrouver ses 25 ordinateurs noyés dans la boue. “Ils sont inutilisables”, grogne-t-il, “nos élèves seront privés d’éducation”.
Les moussons de juin à septembre provoquent chaque année des morts et des destructions dans toute l’Asie du Sud. Mais le nombre d’inondations et de glissements de terrain meurtriers a augmenté ces dernières années.
Les scientifiques affirment que le changement climatique a aggravé la fréquence et l’intensité de ces événements météorologiques.
“Cet impact est encore aggravé par un drainage insuffisant dans les quartiers nés d’une urbanisation incontrôlée, par des constructions dans des zones sujettes aux inondations et par le manque de réservoirs d’eau”, note le Centre international de développement intégré des montagnes (Icimod).
Les quelque 29 000 habitants des bidonvilles de Katmandou en savent quelque chose.
« Rien que cette année, nous avons dû nous réfugier à plusieurs reprises sur nos toits », se souvient Bishnu Maya Shrestha, 62 ans, dont quinze ont séjourné dans le district de Tripureshwor.
“Mais nous ne nous attendions pas à ce que l’eau monte si haut”, ajoute-t-il, “cette fois, elle a submergé toutes les maisons”. Lui et sa famille n’ont été sauvés qu’en coupant le toit de leur maison pour échapper aux inondations…
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