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“Quand je dis que je suis curé de Molenbeek, les gens reculent de deux pas”

Devant l’imposante église Saint Jean-Baptiste de Molenbeek-Saint-Jean, l’agitation bat son plein. En ce jeudi après-midi, dans un joyeux bazar, les nombreux commerçants rangent leurs étals qui encombrent les rues du quartier. Certaines femmes, les cheveux recouverts d’un voile, portent des sacs remplis de nourriture ou de vêtements. Les employés de la mairie se déplacent d’un stand à l’autre pour veiller à ce que les monticules de papiers ou d’emballages qui jonchent la place de l’église soient enlevés.

«Je me sens étranger au Molenbeek dont on parle sur Internet»

Une effervescence qui laisse de marbre le père Étienne Kangue Essiben. Ce prêtre originaire du Cameroun, devenu belge en 2020, est responsable de l’unité pastorale de Molenbeek-centre depuis 2019. Il a appris à se familiariser avec ce quartier multiculturel où l’église Saint-Jean-Baptiste est entourée de plus de 20 mosquées de toutes les tendances.

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Father Étienne Kangue Essiben. / Source: Étienne Kangue Essiben

Il a également appris à composer avec la triste réputation de la commune de Molenbeek. A 15 minutes du centre-ville de Bruxelles, la ville populaire de près de 100.000 habitants a parfois été présentée comme l’un des foyers majeurs de l’islamisme radical en Europe, notamment depuis les attentats de Paris en 2015. «Je me sens étranger au Molenbeek dont on parle sur Internetil témoigne. L’image et la réputation de la ville ne correspondent pas à ce que je vis. Il y a une forte implication de la municipalité pour changer les choses. »

« Je vis l’Évangile avec mes voisins »

Les différents chefs religieux ont été mobilisés pour sensibiliser les fidèles des différentes religions. Des visites de lieux de culte ont été organisées. Le prêtre entretient des liens étroits avec plusieurs imams. En février 2023, 400 personnes se sont rassemblées à l’église Jean-Baptiste de Molenbeek pour une rencontre Ensemble avec Marie, réunissant chrétiens et musulmans. Défendant toute naïveté, le prêtre belgo-camerounais réfute l’idée de tensions dans les relations entre la mosaïque de communautés d’origine étrangère qui composent la commune.

« Ce sont les gens qui ne viennent pas ici qui trouvent que c’est tendu. Quand je dis dehors que je suis curé de Molenbeek, les gens reculent de deux pas.»reconnaît en riant le père Étienne Kangue Essiben. Pourtant, celui qui a auparavant officié à Charleroi pendant sept ans après des missions en France et en Espagne ne manque pas d’exemple pour démystifier certains clichés. « Les premières personnes qui m’ont accueilli dans le quartier ont été mes voisins musulmans, dit le curé. Pendant le Ramadan, ils m’apportent de la soupe tous les soirs. »

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L’église Saint-Jean-Baptiste de Molenbeek-Saint-Jean / Arnaud Bevilacqua pour La Croix

Un prêtre peut-il se promener sans crainte à Molenbeek ? Pour obtenir une réponse catégorique, il suffit de suivre le Père Étienne à travers les rues, qui salue les voisins ou connaissances et quelques paroissiens. Il décrit également sa paroisse comme une communauté « mixte, majoritairement africain »dont certains viennent d’autres quartiers de Bruxelles, voire de plus loin, car attachés à ce lieu. « Nos jeunes embrassent leur foi, la pastorale jeunesse est dynamique »soutient le prêtre missionnaire de la congrégation du Saint-Esprit – les Spiritains. Mais comment être missionnaire à Molenbeek ? « Je témoigne de ce que je vis au quotidien, au contact de nombreux musulmansaffirme-t-il avec simplicité et conviction. Je vis l’Évangile avec mes voisins. »

 
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