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mais au fait, est-elle suisse ou française ?

La raclette, 100% suisse pour les uns mais française d’adoption pour les autres, fête ses 450 ans. Retour sur l’histoire d’un plat emblématique des deux côtés de la frontière.

Elle est souvent présentée comme une spécialité culinaire française et figure régulièrement en tête des plats préférés des Français : la raclette. Mais ce plat qui tire son nom d’un fromage est aussi indissociable de la Suisse. Alors, la raclette est-elle française ou suisse ?

Il n’y a pas de débat sur le sujet, estime Loïc Bienassis, chargé de mission scientifique à l’Institut européen d’histoire et de cultures de l’alimentation (Université François-Rabelais de Tours). «La raclette, c’est suisse», explique-t-il à BFMTV.com. La Confédération a d’ailleurs célébré en grande pompe ces derniers jours le 450e anniversaire de ce plat devenu symbole national.

«C’est une préparation emblématique du Valais (canton limitrophe de la France situé au sud de la Suisse, NDLR). Il y a indéniablement un lien entre ce territoire et cette préparation.

“Raclette is a Valais dish, not Savoyard.”

Les premières traces écrites de la recette datent de 1574 et sont signées d’un certain Collinus, médecin originaire de Sion, capitale du Valais. «C’est exact et pleinement attesté», confirme l’historien de l’alimentation Loïc Bienassis. « La recette évoque un ‘fromage savoureux, gras et tendre’ que l’on fond devant le feu.

Mais il nuance son propos : « En même temps, on retrouve un peu partout des traditions de fromage fondu. Nous avons par exemple des témoignages de ce genre en Bresse à la fin du Moyen Âge. »

L’image « construite » d’un plat valaisan

Mais la raclette comme emblème national suisse serait bien plus récente, rappelle l’historien de l’alimentation Loïc Bienassis, également auteur de La grande histoire de la gastronomie. «C’est au XIXe siècle que s’est construite l’image de la raclette comme plat valaisan.» Il cite notamment le Dictionnaire de cuisine universel pratiquele premier livre de cuisine grand public écrit par Joseph Favre et publié en 1894, qui évoque une recette de fondue valaisanne.

“Il s’agit bien d’une raclette, mais rien ne garantit que ce soit le même fromage qu’aujourd’hui.”

Autre légende autour des origines suisses de la raclette : l’histoire de Léon, vigneron valaisan, qui inventa la raclette « par une journée froide » en faisant chauffer un morceau de fromage sur son feu de bois. «Le plat typique valaisan était né», says the Raclette Interprofession of Valais AOP.

Loïc Bienassis met néanmoins en garde contre l’image parfois véhiculée de la raclette comme celle d’un plat traditionnel commun. « Faire fondre une demi-meule coûte cher », remarque Loïc Bienassis. « Il ne faut pas imaginer les agriculteurs se gaver de raclette. Leur production était avant tout destinée à être vendue. La raclette, un plat local ? Autre légende, selon cet historien.

“La raclette utilise des produits locaux mais c’est avant tout un plat bourgeois qui a notamment été mis à la carte des auberges lors de leur développement et destiné aux citadins.”

«Ça vient de nos montagnes»

Concernant l’origine de la raclette, lorsqu’on passe la frontière, le son est forcément un peu différent. “Ce n’est pas une question de pays”, précise Frédéric Royer, fromager français à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), pour BFMTV.com. S’il admet que la raclette est « historiquement » plus associée à la Suisse qu’à la France, Frédéric Royer explique que les bergers ont « toujours fondu et mangé le fromage qu’ils produisaient ».

« Suisse ou français, disons qu’il vient de nos montagnes. C’est un savoir qui a évolué avec les bergers, qu’ils soient suisses ou français.»

Cet affineur de fromage reconnaît cependant de « petites différences » dans la fabrication, l’affinage et la conservation de la raclette de chaque côté de la frontière. «Les Suisses ont beaucoup plus de variétés de raclette, elle a plus de goût, mais elle est aussi plus fragile lorsqu’elle est chauffée», souligne Frédéric Royer.

En revanche, la raclette IGP (indication géographique protégée) de Savoie, reconnue depuis 2017, « est bien française », ajoute-t-il. Une raclette qui se présente « sous la forme d’une meule ronde pesant six kilos », précise le ministère de l’Agriculture. Un fromage produit en Savoie, en Haute-Savoie ainsi que dans certaines communes de l’Ain et de l’Isère et affiné huit semaines minimum.

Chaque année, la France produit 2 300 tonnes de raclette, selon l’Association des Fromages Traditionnels des Alpes Savoyardes (même s’il existe aussi de la raclette jurassienne, sans appellation protégée).

« Le succès d’un électroménager »

Quant au triomphe de la raclette en France, Loïc Bienassis considère qu’il s’agit avant tout d’une réussite industrielle. “Ce n’est pas l’histoire d’un plat savoyard qui aurait conquis tout le pays, mais l’histoire du succès commercial national d’un appareil électroménager.”

Car si en Suisse la raclette se déguste en raclant la meule chauffée devant une flamme, la raclette à la française se déguste en tranches puis fondue dans les casseroles d’un appareil à raclette. “Tefal a lancé ses appareils au milieu des années 1970 avec le succès qu’on lui connaît.” Depuis novembre 2021, les ventes d’appareils ont grimpé de plus de 300 %.

“C’est ainsi que la France s’est appropriée la raclette.”

Pour le fromager affineur Frédéric Royer, le mot est fort. «La Suisse a aussi adopté la raclette», se défend-il. « Chacun défend sa terre. »

Quoi qu’il en soit, la raclette a gagné sa réputation des deux côtés de la frontière. L’hiver dernier, le chef Jean-François Rouquette a ouvert un chalet d’hiver sur la terrasse du luxueux hôtel Park Hyatt Vendôme avec un menu « raclette de montagne ». Et c’est en France, et non en Suisse, que le record de la plus grande raclette du monde a été battu.

 
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