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« Seul un référendum sur l’immigration nous permettra de reprendre le contrôle »

JDNews. Plusieurs pays européens rétablissent de manière aléatoire ou systématique les contrôles aux frontières… Qu’est-ce que cela dit de l’espace Schengen ?

Xavier Driencourt. Vous mettez le doigt sur un vrai problème. Les pays se ferment les uns après les autres, l’Allemagne rétablit les contrôles aux frontières, les Pays-Bas veulent changer le fonctionnement de Schengen et, dans ce contexte, nous sommes le seul pays qui reste ouvert. Nous étions déjà attractifs grâce à notre système social et le restons ; nous le devenons encore plus par rapport aux autres pays de l’espace Schengen qui ferment leurs frontières ou durcissent leurs réglementations.

La nature a horreur du vide et, par conséquent, les migrants refoulés d’Allemagne ou de Suisse se dirigeront inévitablement vers la France. Tout est connu dans ce genre d’écosystème où passeurs, ONG, avocats parfois, associations ont des intérêts communs.

La France a déjà rétabli par le passé des contrôles à ses frontières (dans les Alpes-Maritimes après l’attentat du Bataclan, et pendant le Covid). Pourquoi ne le ferait-on pas systématiquement ?

L’Allemagne le fait, la France peut le faire aussi. Cela pose inévitablement la question des contrôles aux frontières, on le voit à Menton-Vintimille, on le voit dans les cols alpins, on le voit dans les Pyrénées et, bien sûr, à Calais. Mais aussi à Lampedusa et aux Canaries. Puisque les postes frontières ont été démantelés, il faut réfléchir à d’autres moyens de contrôle. Il faut aussi rationaliser nos moyens humains pour les contrôles aux frontières, qui sont répartis entre la police aux frontières, la gendarmerie et les douanes, qui n’ont pas les mêmes compétences.

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Que devrions-nous faire pour reprendre le contrôle de nos frontières ?

Je ne suis pas sûr qu’il soit nécessaire de rédiger une énième loi sur l’immigration. Il faut d’abord : 1. considérer cette question migratoire comme une priorité par le gouvernement ; 2. appliquer les lois et règlements existants ; 3. le moment venu, réformer la Constitution sur les points de blocage juridiques, comme l’a recommandé Michel Barnier en 2021 ; 4. enfin, sur certains sujets précis mais prioritaires, utiliser les moyens dont nous disposons ; je pense notamment à l’Algérie, pays d’où provient une grande partie de l’immigration et vis-à-vis duquel nous sommes et restons impuissants car nous ne voulons pas nous donner les moyens de faire pression sur ce pays…

« Seul un référendum pourrait changer les choses et contourner le Conseil constitutionnel »

Dénoncer l’échange de lettres Kouchner-Medelci en 2007 serait déjà un signal fort ; ensuite, on monte progressivement l’échelle, on dénonce l’accord franco-algérien de 1968, puis on regarde les circuits financiers et immobiliers en France, les accords de sécurité sociale, etc. On a donc les moyens, mais il faut vouloir les utiliser. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’écrire une nouvelle loi ; il faut commencer par appliquer les textes existants.

Vous dites souvent que le sujet est en partie juridique. Pourquoi ?

En France, depuis 1958, nous avons une hiérarchie des normes. En bref, trois niveaux juridiques : la Constitution, texte suprême, les traités internationaux régulièrement approuvés et ratifiés (article 55 de la Constitution), puis les lois et règlements. Or, avec les traités internationaux qui ont une valeur juridique supérieure aux lois votées par le Parlement, c’est toute la question de la jurisprudence européenne, celle de la Cour européenne des droits de l’homme ou de la Cour de justice du Luxembourg qui prime sur nos lois nationales, puisque ces deux juridictions européennes ont été créées par des traités internationaux ratifiés par la France. Et, évidemment, les juges français, ceux du Conseil d’État notamment, veillent à ce que ces normes soient respectées et appliquent eux-mêmes la jurisprudence de ces juridictions.

Selon vous, seul un référendum sur l’immigration peut apporter une réponse…

Oui, seul un référendum pourrait changer les choses et contourner le Conseil constitutionnel.

Comment faire en sorte que des pays comme l’Algérie et la Tunisie reconnaissent les ressortissants que la France cherche à expulser ?

Il faut penser à un rapport de force : c’est la France qui a les moyens d’action vis-à-vis d’eux et non l’inverse. En réalité, nous dépendons très peu de ces pays. Leur seul levier – et il est très puissant – est de jouer avec l’immigration irrégulière. Le Maroc le fait avec l’Espagne en contrôlant plus ou moins les entrées dans les enclaves de Ceuta et Melilla ; l’Algérie laisse filer des ressortissants vers le Maroc, quand elle ne ferme pas les yeux sur le trafic maritime entre Oran, Mostaganem et l’Espagne ; et évidemment, l’Algérie et la Tunisie rendent difficile la reprise de leurs ressortissants en situation irrégulière et refusent de délivrer les fameux laissez-passer consulaires nécessaires à l’exécution des OQTF. [obligations de quitter le territoire, NDLR].

Je reviens aux moyens dont nous disposons : il faut commencer par appliquer la réciprocité. Pourquoi a-t-on accordé l’an dernier à l’Algérie l’ouverture de deux consulats supplémentaires (Melun et Rouen), alors que ce pays en compte déjà dix-huit, et qui plus est, ils ne font pas leur travail en refusant de délivrer des laissez-passer consulaires ? C’est incompréhensible. Pourquoi ne dénonce-t-on pas les accords évoqués, celui de 1968 et celui de 2007 ? Bref, nous avons les moyens de faire pression, à condition de vouloir les utiliser.

Que faut-il changer à Bruxelles ?

Certes l’état d’esprit. Mais pas seulement. Prenons la question de Schengen : la convention signée en 1985 a instauré la libre circulation dans l’espace Schengen pour les seuls Européens. C’est plus tard, dans cet état d’esprit généreux auquel j’ai fait référence, que les étrangers ne résidant pas dans un pays de l’espace Schengen ont été eux aussi autorisés à circuler librement, sans contrainte, en Europe. J’ai écrit avec Noëlle Lenoir, pourtant pro-européenne et ancienne ministre des Affaires européennes, et le grand constitutionnaliste Jean-Éric Schoettl une tribune récente appelant à revoir ce système aberrant : limiter la libre circulation aux résidents européens, mais pas aux non-Européens.

Ce n’est pas très compliqué, et dans le contexte actuel, de nombreux pays – même d’inspiration libérale, dirions-nous – seraient favorables à une telle remise en cause. Un étranger extracommunautaire arrivant en Suède, par exemple, ne pourrait pas venir librement, comme il le fait aujourd’hui, en France. Là aussi, c’est une question de volonté.

La population africaine va doubler d’ici 2050. Au-delà des lois, comment faire face à cette situation ?

On entend souvent des politiques, des journalistes, des sociologues dire que l’Afrique est le continent de l’avenir, parce qu’il est jeune. Deux milliards d’habitants bientôt. Mais si l’Afrique ne résout pas les trois problèmes que sont la transition démographique, la gouvernance, l’islamisation, ce continent ne s’en sortira pas et ses habitants chercheront à partir.

La France peut-elle reprendre le contrôle de l’immigration ou est-il trop tard ?

Si cette question est considérée comme prioritaire, et les sondages le montrent apparemment, maîtriser les flux est encore possible. Le bateau dans lequel nous sommes prend l’eau, il faut empêcher l’eau d’entrer avant de la renflouer. Il faut donc examiner en priorité la question des flux entrants (réforme de Schengen, politique des visas, application des OQTF, etc.) avant de gérer les « stocks », si l’on peut dire, même si, évidemment, la question de l’intégration doit être impérativement abordée.

 
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