Pour ses quarante ans, Cécile Kohler restera en prison en Iran. Elle est détenue depuis deux ans et demi au centre pénitentiaire d’Evin, à Téhéran. Décrite par son entourage comme une personne « profondément humaniste et altruiste », l’enseignante qui enseigne dans un lycée des Yvelines est professeure agrégée de lettres modernes. La native du Haut-Rhin s’est rendue en Iran pour faire du tourisme, « le voyage de sa vie », avec son compagnon Jacques Paris avec qui elle a été arrêtée le 7 mai 2022. Le couple est soupçonné par le régime des mollahs d’espionnage.
Sa sœur, Noémie, présidente de son comité de soutien, évoque les conditions de détention et les espoirs de sa famille de retrouver sa liberté. 20 minutes tandis que ce mercredi un rassemblement pour sa libération se tient devant l’ambassade d’Iran à Paris.
Les raisons de l’arrestation de votre sœur Cécile ne sont toujours pas claires ?
Nous n’avons jamais eu d’informations officielles de la part des autorités iraniennes, nous ne savons pas s’il existe un dossier judiciaire, elle n’a pas accès à des avocats indépendants, donc de ce côté-là il n’y a rien du tout. Ce que nous savons, c’est qu’elle est une otage pure et simple et que cela ne se joue pas devant un tribunal mais bien au-delà.
Quelles sont ses conditions de détention ?
Elles sont terribles et très, très dures. Non seulement elle est otage, mais elle est aussi détenue dans un quartier de haute sécurité, dans la section 209 de la prison d’Evin. Une section qui est malheureusement tristement célèbre en Iran. Normalement, les personnes qui y passent ne restent que quelques mois avant d’être transférées dans le quartier général, où les conditions de détention sont moins rigoureuses, mais Cécile y est détenue depuis deux ans et demi et c’est terriblement angoissant pour nous. Elle a passé plusieurs mois en isolement complet. Maintenant, elle a des compagnes de cellule qui changent très régulièrement. Elle dort par terre, elle ne peut sortir de sa cellule que trois fois par semaine pendant trente minutes. Dans cette section, on sait que lorsque les détenues sont déplacées de leur cellule, elles ont les yeux bandés…
Quels contacts avez-vous avec Cécile ?
Les dernières nouvelles, c’était le 16 septembre. Un appel de sept minutes, sous haute surveillance. C’était un peu plus long que les autres fois, mais c’était quand même extrêmement court. Elle a continué à se battre, elle s’est accrochée, même si c’était très, très dur. Elle m’a posé la question récurrente de savoir si nous avions des nouvelles des autorités françaises pour une date, un délai pour une éventuelle libération, malheureusement, je n’avais rien à lui dire car nous n’avions aucune information là-dessus.
L’appel s’est déroulé comme d’habitude via la vidéo WhatsApp. Il n’était pas prévu à l’avance et comme les autres fois, elle n’était pas libre de parler. Ses appels sont très irréguliers. Par exemple, entre avril et juillet, nous n’avons eu aucun signe de vie, il n’y a pas de règle et nous ne sommes jamais préparés à son appel. Nous sommes toujours aux aguets, pour ne pas le rater. Parfois, c’est sur le téléphone de mon frère, le mien, celui de mes parents.
Elle essaie de nous rassurer en nous montrant qu’elle tient bon. De notre côté, on fait tout pour lui montrer qu’on est fort, qu’on tient bon aussi. On a aussi très vite compris que ce qui l’aidait beaucoup à tenir, c’était de lui donner des nouvelles très terre à terre de la famille. On fait donc des listes qu’on partage parce qu’on ne sait jamais qui elle va appeler, des listes avec des nouvelles de la famille, des neveux, et on les lui transmet.
Est-ce isolé ?
Elle n’a absolument aucun accès à l’ambassade de France, elle ne peut pas la contacter. Elle n’a eu que trois visites consulaires depuis son arrestation, des visites très courtes d’une dizaine de minutes sous surveillance. Le seul contact qu’elle a avec le monde extérieur sont les très rares appels qu’elle peut nous passer de temps en temps. Son absence est un stress et une angoisse quotidienne qui touche toute la famille. Nous avançons, nous ne nous habituons pas à cette situation, le combat pour sa libération fait désormais partie de notre vie.
Comment voyez-vous les tensions internationales ?
Depuis deux ans et demi, nous vivons au rythme de l’actualité iranienne. C’est vrai que nous sommes très attentifs à ce qui se passe là-bas, et très inquiets bien sûr quand nous voyons comment la situation s’aggrave, mais il est toujours difficile de décrypter l’impact que cela peut avoir sur nous. Et avec le nouveau président en Iran, jusqu’à présent, cela n’a pas changé les choses pour nous. Mais nous nous disons que nous avons un nouvel interlocuteur, une nouvelle personne à qui nous pouvons adresser notre demande de libération immédiate, nous nous accrochons à l’espoir en raison de ce que nous avons, mais nous ne savons pas à quoi cela peut aboutir.
Un rassemblement à 17 heures devant l’ambassade d’Iran à Paris a lieu ce mercredi.
Ce rassemblement de ce mercredi est important pour nous, c’est le cap des 40 ans. Le fait qu’elle les passe en prison, pour nous, cela concrétise les années volées par cette situation. Autre chose, quand elle a appelé mes parents en juillet, elle leur a dit que les autorités iraniennes lui avaient assuré qu’elle serait libérée avant son anniversaire. Donc nous voici aujourd’hui et bien sûr, rien ne s’est passé.
C’est aussi pour nous une manière, symbolique, d’interpeller les autorités iraniennes sur cette injustice et d’exiger une nouvelle fois sa libération immédiate mais aussi dans l’intervalle, l’amélioration de ses conditions de détention. Une autre mobilisation est prévue en Alsace, à Erstein, samedi après-midi, à l’initiative d’Amnesty International,
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